Matthew avait toujours adoré l'ambiance chaude de Fleury et Bott. L'odeur des livres reliés en cuir, des pages et de l'encre fraîche l'avait toujours transporté. Il se trouvait à l'étage, enfoncé dans un fauteuil, le dernier exemplaire du
Guide complet des Êtres de l'Eau : langage et coutumes de Dylan Marwood sur les genoux. Les yeux légèrement dans le vagues, il regardait par dessus la barrière de la mezzanine les allés et venues des clients dans la librairie. Un coup d’œil à la pendule lui indiqua qu'il avait déjà passé deux heures à éplucher le dialecte des merrows et les selkies qui peuplaient potentiellement le lac de Poudlard. Il avait décidé de s'y intéresser depuis qu'il s'était mis en tête d'organiser une visite nocturne du lac avec ses élèves.
Le jeune professeur replongea dans la lecture des dialectes aquatiques afin d'apprendre les nuances entre les différents cris et claquements de langue que les sirènes et autres êtres aquatiques faisaient. Ancien auror, il connaissait les rudiments des différents dialectes, mais il lui fallait en savoir assez pour éviter un incident diplomatique. Ou sortir l'un de ses élèves d'une situation délicate. Un accident était si vite arrivé avec ces petites bêtes là. A croire que vivre sous l'eau les avait rendu susceptibles. Et puis, il retrouver le goût sucré de ses années d'études, à rester plongé dans la lecture d'un manuel obscure, à passer ses journées à apprendre et emmagasiner les connaissances. Ça lui avait manqué, lors de ses années au Ministère. Et enseigner à Poudlard lui avait permis d'assouvir les pulsions de son esprit curieux et avide de nouveautés.
Une autre personne le rejoignit sur l'étroite mezzanine. A peine occupée par quelques étagères, ce dernier étage, qui n'en était pas vraiment un, contenait les livres les plus obscures et pointus, mis à l'écart des yeux curieux et des esprits faibles et innocents des premières années de l'école de sorcellerie. Lorsque la jeune fille s'avança vers les rayonnages consacrés aux langues anciennes et aux dialectes oubliés, Matthew la détailla sans se cacher, vieille habitude de chasseur de créatures qui ne l'avait plus quitté. Au moins, il saurait à quoi s'en tenir. La taille haute, la silhouette fine et les traits fins et réguliers, elle était belle. Et très jeune. Qu'est-ce qu'une étudiante foutait à inspecter les étagères spécialisées ? Elle avait du se tromper d'étage, et personne n'était venu lui indiquer les ouvrages pour les étudiants de Poudlard. Il y avait du laissé aller chez Fleury et Bott.
Toujours enfoncé confortablement dans son épais fauteuil, le jeune professeur glissa un de ses doigts bandés à la page du dialecte avancé des selkies et lança à la demoiselle : "
Excusez moi, je ne suis pas certain que vous trouviez ce que vous cherchez dans ces rayonnages." Sa voix basse et légèrement moqueuse continua : "
Ne se trouvent ici que des ouvrages pour les années d'études supérieures ou spécialisés. Je vous conseille de regarder au premier étage, il doit y avoir des manuels de ..." Son regard détailla une fois de plus le physique et l'attitude snob de la demoiselle. Que pouvait bien avoir choisi comme matière une fille aux attitudes aussi aristocrates et soignées ? Sans doute un truc chiant à mourir. Un truc de gonzesse littéraire et bien pensante voulant sauver la planète grâce à la magie de l'esprit et à l'amour. Un truc à vomir. "
... botanique ou de lecture des étoiles."
Il lui lança un léger sourire, rouvrit son livre et se replongea dans la lecture d'un texte décrivant la position de la langue lors de la prononciation de certaines phrases sous-marine. Les illustrations sur le côté étaient ridiculement scientifiques et se voulaient biologiquement respectueuse de la réalité. Du temps perdu. Il allait devoir nager pour apprendre la langue sur le terrain, comme tout ce qu'il avait fait dans sa vie. Relevant le regard de l'épais manuel, il vit le visage de la jeune femme décomposé dans ce qui devait être une expression de colère froide et de haine. Ou alors elle était en train de digérer un truc pas frais. Encore une qui était en train de s'étouffer avec la salade qu'elle avait mangé le midi. Rien ne valait une part de cake au citron. D'ailleurs, il irait bien faire une pause chez Florian Fortarôme.
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