«
Je veux être une sorcière ! »
La gamine tournoyait dans le salon, les cheveux coulant sur ses épaules et la cape noire sur ses épaules, une paille dans les mains. Sur le canapé, sa mère râlait déjà tandis que son père la ramenait à la raison du mieux qu’il pouvait.
Non Adlona, tu ne peux pas être une sorcière. Les sorcières sont hideuses et elles sont viles. Toi tu es une gentille enfant. Toujours la même rengaine, ce même son qui sortait de sa bouche et qui lui faisait lâcher sa paille, ôter sa cape et courir en pleurant dans sa chambre. Tous les jours c’était la même histoire. Monsieur et Madame Merkelovà étaient des moldus tout ce qu’il y a de plus horrible dans le monde des moldus : capitalistes à souhait, racistes et en prime, très stricts vis-à-vis de l’éducation de leur fille unique Adlona. Elle était née un juillet, dans leur maison pour ne pas la corrompre dès le début dans un monde hostile. Elle vivait chez elle tout le temps, elle suivait une éducation exemplaire via sa très chère mère et une tutrice plutôt expérimenté dans le domaine des bourgeois tchèques.
Leur fille était leur joie et leur peine. Elle représentait l’unique chance d’héritage de la famille, la succession magistrale d’un empire industriel, mais elle ne voulait pas comprendre que le monde était fait pour les travailleurs. On avait beau lui expliquer et la mettre devant les faits, cette petite savait déjà ce qu’elle voulait faire dans la vie : sorcière. Personne ne sait d’où lui venait cette idée farfelue et les Merkelovà bannissaient formellement la magie, reniaient son existence, en somme n’étaient que des gens très terre à terre.
«
Papa, transforme-toi en lapin ! »
Encore une fois, son déguisement parfaitement exécuté, elle pointa la paille usée en direction de son paternel qui n’hésita pas une seconde avant de la porter pour la remettre dans sa chambre.
Adlona, tu ne peux pas… «
être une sorcière, je sais. » Il sourit, et répondit par un rire timide. Leur faire plaisir c’était tout ce qui comptait, elle les voyait souvent se demander si elle était normale. Si elle n’avait pas des soucis. Chaque soir, elle dévalait les escaliers sans un bruit et les regardait pleurer sur des photos d’elle quand elle venait de naître. L'Adlona qui avait disparue à travers le temps. L’innocente laissée derrière qui avait fait place à l’Adlona optimiste et déterminée à croire en la magie. Elle savait qu’elle n’était qu’éphémère, que le jour où un nouvel être ferait face elle serait oubliée, mise de côté, chaque fois des pincements aux coeurs le lui rappelaient la vérité. Alors elle remontait paisiblement avant de recommencer une nouvelle journée.
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«
C’est quoi la montagne ? »
C’était la première fois qu’elle sortait de chez elle plus loin que pour aller au parc. Cette fois-ci elle prenait la voiture, son père au volant et sa mère à côté de lui.
Nous partons en vacances qu’ils lui avaient dit. Ça sonnait bien le mot vacances, ça lui plaisait alors elle n’avait pas rechigner. Le voyage était des plus longs, partir de Prague pour atterrir aux Carpates, cette extension des Alpes vers la Roumanie, n’était pas une chose aisée quand on roule à cent-trente par heure. Elle regardait les paysages défilés devant elle, tout était parfait. Tout était magistral. C’était ça le vrai monde, et elle en oublia presque ses ambitions démesurées.
Après de nombreuses heures de trajet, ils arrivèrent enfin dans leur chalet, acheté pour l’occasion bien évidemment. C’était rustique, en bois solide et aux fenêtres teintées pour ne pas bronzer de l’intérieur. L’été à la montagne, une chose merveilleuse et étonnante. Cependant, les sentiers montagneux n’étaient qu’une vision de loin pour la petite. Elle n’avait pas le droit de sortir, elle devait continuer à vivre la même vie qu’à Prague mais à l’autre bout de l’Europe. Sa tutrice était venue aussi, arrivée quelques jours plus tard. Tous les jours c’était l’Enfer, les apprentissages inutiles et les cours de danse barbants. Alors un jour, elle sortit du chalet car c’était le jour où sa tutrice repartait. Elle avait fermé la porte à clé, mais on est jamais aussi malin qu’un enfant de neuf ans. Aurait-elle dû le faire ? Cela n’aurait rien changer à ce qui allait se produire. Elle n’y était pour rien, ce n’était pas de sa faute. C’est ce qu’elle voulait se dire, tous les jours elle se le répétait.
Ça sentait l’air pur, la terre parsemées de fleurs colorées et le brûlé. C’était un peu plus loin, entre la route et un ravin gigantesque, sur le chemin de randonnée. Là-bas il y avait du feu dans le ciel. Elle regardait le spectacle ébahie, suivant des iris les flammes rougeâtres, jusqu’à ce qu’elle comprenne. Tout se fit rapidement, elle n’eut le temps que de voir la créature maléfique sortie de nulle part avec son feu puissant, et deux personnes tomber, brûlés vifs. Elle courrait dans la direction des deux corps cramoisis. Larmes aux yeux, coeur qui battait fort. Une pierre se trouvant sur le chemin la fit tomber, sa dernière vision étant ses parents enflammés et un dragon tourbillonnant au-dessus d’eux.
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«
Papa, j’ai encore fait un cauchemar ».
Elle était persuadée que cette scène n’était que pure invention de son esprit, c’était Sakutaro qui lui disait. Il l’avait recueilli après l’accident tragique et se plaisait chez lui. Il était gentil, trop même des fois. Mais spécial tout de même. Il avait une capacité étonnante à changer d’apparence en quelques secondes, à lui faire… de la magie. En vérité, jusqu’à ce qu’il lui explique et qu’elle le croie surtout, elle pensait seulement que c’était un charlatan. Sauf que la magie existait. Elle le savait depuis le début, elle était fière et encore plus excitée qu’à l’époque. Pourtant il y avait toujours ce côté sinistre, cette perte de ses parents d’un coup, qui avait transformé les Merkelovà en Merkelovà-Koga. Lui, il ne l’empêchait pas de rêver, de jouer avec des pailles en guise de baguette et de raconter n’importe quoi. Il la laissait vivre sa vie, comme un vieux qui n’a jamais eu d’enfant et fait de son mieux pour s’en occuper.
Mais le cauchemar était de plus en plus présent, cela empiétait sur le jour comme sur la nuit. Un traumatisme qui lui faisait oublier la beauté de la magie de jour en jour, ne croyant plus aux grandes images de sorciers vainqueurs et sauveurs de ce monde. Sakutaro, conscient de la situation ne put que faire appel à un ami pour l’aider. A partir de ce jour, le Dragon s’était transformé en voiture, et le feu en poussière. Ils étaient tombés dans le ravin. C’était ça la version. Elle savait qu’ils avaient péri, qu’ils n’étaient plus avec elle, mais elle oublia du jour au lendemain la malveillance des Dragons et cette noirceur magique qui rôdait dans le monde sorcier.
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Elle tapait du pied, prête à arracher l’enveloppe quand elle arriverait. Il lui avait dit, elle allait être admise à l’école des sorciers qu’on appelait Poudlard. La plus proche de Londres. Elle courrait partout comme une petite folle, un bout de bois qui remplaçait l’ancienne paille et une toge noire lui couvrant le corps. C’était cliché et elle aimait ça. Une
moldue qui allait devenir sorcière. Cri de joie, la lettre passa à travers la trappe et elle l’attrapa au vol. Le sceau pourpre signifiait tout, elle la brandit comme un trophée et l’ouvrit avec rage.
Admise à Poudlard. Que fallait-il rêver de mieux pour une jeune fille croyant en la magie dès le début ? C’était le plus beau jour de sa vie.
Mais ne croyez pas qu’Adlona était fière d’être moldue. Les Sang-de-Bourbe, comme on lui avait appris, étaient des êtres détestés et qui ne méritaient pas de vivre une vie aussi bonne qu’un sang-pur ayant honoré sa famille. Le premier jour, assise dans le train et disant au revoir à la ville de Londres, un gamin aux lunettes carrés s’assit à côté d’elle. Il bredouilla un
Tu t’appelles comment ? auquel elle répondit rapidement et tout sourire «
Adlona ». Le gamin lui tendit la main, se présenta.
Kevin Weasley. Le gars acheta des chocogrenouilles à la vendeuse, la rose afficha une mine étonné jusqu’à ce que le Kvin en question comprenne.
Oh ! T’es une moldue ? C’est ce que mon père m’a dit, que les gens étonnés de la magie étaient des moldus. C’pas grave tu sais.. Gêne intense, mais rien n’y laissait paraître, elle remit ses cheveux en place et se reprit.
«
Je suis de sang-pur ! Je suis une Koga ! »