Tu resserres ton genou contre toi en agitant nerveusement -si ce n’est frénétiquement- ta plume entre les doigts de ta main libre. Tu n’arrives et n’arriveras probablement jamais à rien. Du moins ce soir, reste à voir pour le reste de ta vie. Au lieu de te concentrer sur ton devoir de Gobelbabil comme l’exigeraient tes notes passables en la matière, tu penses à la prochaine cigarette qui viendra trouver sa juste place entre tes lèvres. L’ardente morsure. La fumée exutoire. Tu te mets à dessiner des têtes d’extraterrestres et des soucoupes volantes dans les marges de ton parchemin et, dès lors, tu sais pertinemment que tu n’arriveras pas à te re-concentrer. Le manuel est vite refermé et repoussé avec dégoût. Tu le maintiens celé de tes avant-bras et ton regard vient s’amarrer au grand titre d’une revue culturelle. *The Wahrsager Fest*, près d’Hambourg, l’été prochain, *big deal*, les plus grands noms du rock sorcier, dernier concert des Placid Redcaps … La quintessence, en somme. Encore un festival où tu n’as pas pu te rendre cette année, à cause d’une nouvelle excentricité de votre cher directeur. Et puis tu te dis que le festival en question aurait très bien pu faire l’objet d’une attaque des SIGMAs, alors tu ne peux t’empêcher de ressentir un semblant de gratitude. Vraiment ? En tout état de cause, SIGMAs ou pas, tu n’as pas l’intention de rester claustrée sur une île pendant un mois tout entier l’année prochaine. Tu proposeras à nouveau à Adélice et Parfait, ou bien à Cole d’y aller ensemble.
Adélice… Tu ne l’as pas vue de la journée et tu te dois de rectifier le tir. Soucieuse de bien faire tu te lèves et ranges précipitamment tes affaires. Après une courte réflexion tu t’empares de la revue qui semble avoir été abandonnée là et la glisse entre tes parchemins et ton manuel de langue. Alors que tu t’apprêtes à emboîter le pas à des camarades hors de la grande salle, un froissement d’ailes familier te fait lever le nez. Ne serait-ce pas le salut qui te fait de l’œil, là, au-dessus de ta tête ? À la bonne heure. La petite bestiole de papier se dépose dans la paume de ta main ouverte pour la recevoir. Du bout de ta baguette, tu te débrouilles avec tes affaires pour ouvrir l’origami d’Adélice et en lire le contenu avec empressement. La petite chauve-souris de papier s’élève ensuite à nouveau et s’attelle à s’émietter avec application devant tes lippes étirées par la circonstance. Adélice et l’art du spectacle, du triomphal, du théâtral. Quelque part cela t’agace, et tu ne peux t’empêcher de faire le rapprochement entre cette créature de papier et ta petite personne. Reste à savoir quand viendra ton heure.
Tes affaires flottant et t’emboîtant le pas, tu t’empresses de rejoindre les sous-sols et de t’introduire dans la salle commune des Serpentards. Et n’as-tu pas tout d’une enfant qui, effrayée par le noir, se précipiterait dans une pièce éclairée et en refermerait hâtivement la porte ? Les yeux sont écarquillés et le souffle, cupide. La petite personne est avare de ce calme, de cette lumière et de cette chaleur déployés par la frêle réplique du soleil, incandescente miniature qui lévite sagement au-dessus d’un canapé. Mais ce n’est pas cet astre avorton qui t’attriste et t’attire inexorablement.
- Tu m’as pas attendue ? Lances-tu en t’évertuant à dissimuler ton puéril mal-être, parce que l’idée même qu’elle puisse entreprendre quoi que ce soit sans toi t’envenime.
Tu t’approches doucement en replaçant une mèche de cheveux derrière tes oreilles. Et tu sembles alors marcher pieds vêtus d’un costume d’Eve sur du verre brisé, t’esquintant l’épiderme et l’essence à chaque pas. Ce mal si bon, l’affublerais-tu vraiment de ce plaintif et détestable substantif ? Le marasme de cette… amitié ? Celle-là même qui, de ses saugrenus traits de pinceau, vient te maculer l’esprit tout entier ?
Créature que tu es.
Tu saisis délicatement une mèche de cheveux châtains entre ton pouce et ton index, placide et insoupçonné acte d’insurrection, et te penches au-dessus de l’admirable visage reposé. Et tu te dis qu’un rien t’empêche d’arracher hargneusement cette mèche de cheveux - plus un morceau de cuir chevelu - de t’infiltrer par chacun de ses pores tel un venin insidieux, de faire vaciller ce soleil infernal à coups de pluies torrentielles. Mais le regard perçant d’Adélice est là pour te rappeler à l’ordre, ainsi qu’à cette biscornue dévotion que tu lui portes.
- Je reviens, lâches-tu finalement, lèvres ensuite celées en un acerbe pincement.
Et tu reviens donc, vêtue de sous-vêtements et d’une robe de chambre à défaut d’avoir trouvé mieux, et ce après t’être examinée sous toutes les coutures et avoir achevé d’un coup de baguette la guérison de quelques cicatrices, vestiges de ton dernier épisode de détresse. Tu baguenaudes quelques secondes, une pièce de Harold Pinter dans une main, la revue culturelle dans l’autre puis tu déposes cette dernière sur le ventre de ton amie en frôlant le canapé. Et tu te retournes avec un sourire jovial, pour dissiper les rides de la déraison qui te hante:
- Wahrsager Fest, Adé. On y va l’année prochaine ?
Ta petite personne met fin à ses déambulations et vient s’affaisser dans un fauteuil près d’Adélice. Tu y fonds tout entière, sembles vouloir te faire une seconde peau de ce velours émeraude et rugueux, et comme pour simplifier cette absorption tu entoures tes deux genoux de tes bras et les tiens contre toi, agrippant Une Petite Douleur du bout des doigts.
Adélice… Tu ne l’as pas vue de la journée et tu te dois de rectifier le tir. Soucieuse de bien faire tu te lèves et ranges précipitamment tes affaires. Après une courte réflexion tu t’empares de la revue qui semble avoir été abandonnée là et la glisse entre tes parchemins et ton manuel de langue. Alors que tu t’apprêtes à emboîter le pas à des camarades hors de la grande salle, un froissement d’ailes familier te fait lever le nez. Ne serait-ce pas le salut qui te fait de l’œil, là, au-dessus de ta tête ? À la bonne heure. La petite bestiole de papier se dépose dans la paume de ta main ouverte pour la recevoir. Du bout de ta baguette, tu te débrouilles avec tes affaires pour ouvrir l’origami d’Adélice et en lire le contenu avec empressement. La petite chauve-souris de papier s’élève ensuite à nouveau et s’attelle à s’émietter avec application devant tes lippes étirées par la circonstance. Adélice et l’art du spectacle, du triomphal, du théâtral. Quelque part cela t’agace, et tu ne peux t’empêcher de faire le rapprochement entre cette créature de papier et ta petite personne. Reste à savoir quand viendra ton heure.
Tes affaires flottant et t’emboîtant le pas, tu t’empresses de rejoindre les sous-sols et de t’introduire dans la salle commune des Serpentards. Et n’as-tu pas tout d’une enfant qui, effrayée par le noir, se précipiterait dans une pièce éclairée et en refermerait hâtivement la porte ? Les yeux sont écarquillés et le souffle, cupide. La petite personne est avare de ce calme, de cette lumière et de cette chaleur déployés par la frêle réplique du soleil, incandescente miniature qui lévite sagement au-dessus d’un canapé. Mais ce n’est pas cet astre avorton qui t’attriste et t’attire inexorablement.
- Tu m’as pas attendue ? Lances-tu en t’évertuant à dissimuler ton puéril mal-être, parce que l’idée même qu’elle puisse entreprendre quoi que ce soit sans toi t’envenime.
Tu t’approches doucement en replaçant une mèche de cheveux derrière tes oreilles. Et tu sembles alors marcher pieds vêtus d’un costume d’Eve sur du verre brisé, t’esquintant l’épiderme et l’essence à chaque pas. Ce mal si bon, l’affublerais-tu vraiment de ce plaintif et détestable substantif ? Le marasme de cette… amitié ? Celle-là même qui, de ses saugrenus traits de pinceau, vient te maculer l’esprit tout entier ?
Créature que tu es.
Tu saisis délicatement une mèche de cheveux châtains entre ton pouce et ton index, placide et insoupçonné acte d’insurrection, et te penches au-dessus de l’admirable visage reposé. Et tu te dis qu’un rien t’empêche d’arracher hargneusement cette mèche de cheveux - plus un morceau de cuir chevelu - de t’infiltrer par chacun de ses pores tel un venin insidieux, de faire vaciller ce soleil infernal à coups de pluies torrentielles. Mais le regard perçant d’Adélice est là pour te rappeler à l’ordre, ainsi qu’à cette biscornue dévotion que tu lui portes.
- Je reviens, lâches-tu finalement, lèvres ensuite celées en un acerbe pincement.
Et tu reviens donc, vêtue de sous-vêtements et d’une robe de chambre à défaut d’avoir trouvé mieux, et ce après t’être examinée sous toutes les coutures et avoir achevé d’un coup de baguette la guérison de quelques cicatrices, vestiges de ton dernier épisode de détresse. Tu baguenaudes quelques secondes, une pièce de Harold Pinter dans une main, la revue culturelle dans l’autre puis tu déposes cette dernière sur le ventre de ton amie en frôlant le canapé. Et tu te retournes avec un sourire jovial, pour dissiper les rides de la déraison qui te hante:
- Wahrsager Fest, Adé. On y va l’année prochaine ?
Ta petite personne met fin à ses déambulations et vient s’affaisser dans un fauteuil près d’Adélice. Tu y fonds tout entière, sembles vouloir te faire une seconde peau de ce velours émeraude et rugueux, et comme pour simplifier cette absorption tu entoures tes deux genoux de tes bras et les tiens contre toi, agrippant Une Petite Douleur du bout des doigts.