I wanna be the black black shadow
J’avance. Mes pas résonnent dans le couloir vide de couleurs comme de gens. Rien ne m’arrête. Mains dans les poches, regard levé. Les couloirs sont si gris, les tableaux comme tâche joviale de l’ambiance morbide installée. Les gens parlent Sigmas. Les élèves tremblent et se rebellent comme des enfants. Ils ne comprennent pas les idéologies, ils ne veulent pas même les entendre.
Stupides. Stupide de refuser de voir une vérité quand ils se sentent menacés, stupides de n’entendre que ce qu’ils veulent entendre, sans se rendre compte d’intelligence glissées dans un discours préparé. L’Alpha avait fait son effet auprès de tous, de moi aussi, je l’avoue sans aucune honte. L’Alpha avait des arguments valables, mais l’on ne prêche pas un converti. J’avais aisément reconnu la baguette de mon père, parmi les figures d’or. Si particulière, si blanche. Mes pas s’arrêtent brutalement.
Un dessin.
Une forme d’art sur le mur. Immense, invincible. Se dressant contre quoi, contre qui — un simple mot. « Gamma ». Je l’observe, mes bras se croisent, mon regard se durcit. Violet, doigts croisés, poignets levés et le message n’avait pas besoin d’être plus clair. J’en regarde chaque détail, imprime dans mon esprit l’oeuvre d’art dévoilée. Les traits ne m’échappent pas et l’apercevoir derrière, assis contre ce mur,
dormant, ne laissait aucun doute sur l’artiste. Je suis habitué, à les voir. Habitué à l’observer, tracer chaque trait, vivre ses dessins, ses humeurs. Je connais chacune de ses empreintes sur un tableau; elles ne s’effacent pas plus sur un mur.
- Relève toi, Sören. Les artistes devraient toujours assumer leurs messages tant bien même il se révèle peu réfléchi.
Il fallait s’y attendre. Les rebellions commencent. S’adresser aux jeunes avait été idiot, la jeunesse a l’esprit de contraction. Dites leur de s’asseoir à droite, ils s’assiéront à gauche. Ce n’est pas un manque d’intelligence, ni un manque de réflexion. C’est l’instinct de la jeunesse, celui de vouloir dire non. Je me retourne vers le garçon. Qui est-il ? Il n’était pas un ami, quoi que je reconnais volontiers le considérer comme un être intéressant dont la compagnie ne me fut jamais désagréable. Soren avait une exigence de lui-même incomparable, une exigence que je ressentais dans ses coups de pinceaux, de crayons. Il ne m’avait pas été inconnu depuis le jour où je l’avais rencontré, observer, que j’avais lu ses peintures comme d’autres dévorent des bouquins. Soren est un garçon qui indéniablement, m’intéresse.
Mais Soren est un Gryffondor, et les Gryffondors aiment se faire entendre. Le rouge est la couleur de la colère, de l’énergie et je n’osai jamais douter de la véracité de ce stéréotype en les croisant dans les couloirs. Je ne me dis pas déçu, la déception veut que l’on attende quelque chose d’autrui. Surpris non plus, l’acte d’un espoir se réveillant est la réaction normale des moins agiles des neurones. Je reste neutre face au mur taggé, ne me retourne pas encore vers l’artiste oubli.
- Ce n’est pas ta meilleure oeuvre. Je t’ai déjà vu faire preuve de plus d’intelligence.
Mes talons se tournent vers lui, je l'observe dans son intégrité, l'air dur, l'air froid, les bras toujours croisés. Je finis cependant par vouloir m'exprimer, accompagnant mes paroles de gestes, d'une main qui se retourne et montre d'un geste rapide la décrépitude du mur. J'hausse même les épaules, un instant, accompagne d'un sourire innocent des paroles moins pures.
- Faire une rébellion n’est pas la plus mauvaise des idées, c’est une réaction normale certainement, dirais-je. La faire discrètement en revanche, relèverait de quelque chose de beaucoup plus pensé. Réfléchis, mon ami. Si j’étais un Sigma, je chercherais à couper le mal à la racine.
Ma baguette est sortie, je le menace le bois pointé vers lui. Mon regard ne quitte pas le sien, menaçant, mon sourire se veut fier, il est sinistre. D’un sort informulé, la sienne se retrouve dans mon autre main. Le louveteau est pris au piège. Un pas sur le côté, puis deux, je bouge lentement, tourne autour. La tension est à son comble. Bien. Un souffle de rire s’échappe de mes narines, un mouvement de poignet, un mouvement de baguette sec, vif.
Rien ne se passe. Je ris froidement, range ma baguette, lui renvoie la sienne avec dédain. Je défroisse l’une de mes manches d’un mouvement frénétique, le rire disparaissant dans l’écho noir du couloir.