Louise & Spencer
De l'amour des choses simples.
Qu'est-ce qui fait qu'un être humain peut nous manquer autant ? Est-ce l'absence de contact prolongé ? Le fait de ne plus sentir le parfum qui englobe l'être cher tout entier ? Un regard échangé dont on est seulement spectateur et qui suscite la jalousie ? Je n'étais pas très à l'aise avec mes sentiments, encore moins avec mes émotions. Je les subissais sans trop me poser de questions, évitant soigneusement de les exposer au regard des autres, pour finalement les libérer une fois seul. Il suffisait d'un seul mot de sa part, un seul sourire et je pouvais sentir mes joues devenir brûlantes et mon coeur manquer un battement. Inutile d'ébruiter mon comportement, je serais encore moins à l'aise si ça se savait. Il faut dire que si je garde tout pour moi, ce n'est pas par crainte du ridicule ! Chacun est libre de ses pensées, après tout. C'est seulement par pudeur. Confier ses émotions, n'est-pas offrir une part de soi à l'oreille attentive qui vous écoute ? Aussi, je ne dis rien, préférant fermer mon coeur à double tour au risque de le blesser, de l'écorcher, de l'émietter et de répandre des petits bouts de tristesse sur mon chemin. La raison de mes peines actuelles ? Elle porte un nom, celui d'une jeune fille qui n'a jamais cessé de me troubler mais qui semble si lointaine à présent. Sa simple silhouette arrive encore à me déchirer l'âme et rester debout demande un effort presque surhumain. Comme j'aimerais avoir le droit de flancher, comme n'importe qui, afin de me libérer un peu de ces souvenirs maussades. Mais je n'ose pas, craignant de ne plus pouvoir me regarder dans un miroir après ça.
Le coeur lourd et l'âme en peine, je tentais de trouver un lieu accueillant dans lequel je pourrais me reposer, ne serait-ce que quelques instants, afin de me libérer de mes démons. Ô comme ils semblaient s'amuser de mes tourments... Bien malgré moi, mes pas me guidèrent jusque dans la bibliothèque. Pourquoi être étonné ? J'avais l'habitude d'y aller si souvent que je pouvais m'y rendre les yeux bandés. A pas de loups, je pénétrais dans le sanctuaire dédié à la littérature et au silence. Qui sait ? Me plonger dans un ouvrage pourrait peut être s'avérer salvateur.
Cette fois, je ne me laissais pas guider et je me rendais de moi-même dans l'espace dédié à la littérature magique. Mon style préféré. N'ayant pas spécialement envie de m'éterniser devant l'énorme étagère qui me faisait face, j'attrapais un livre aux bordures d'argents, arborant le titre sobre de "Hearts a mess". Et bien... il y avait pourtant plus joyeux. Mes doigts s'aventurèrent distraitement sur la couverture tandis que mes iris marrons parcouraient l'ouvrage.
- Vendu.Murmurai-je, avant de me rendre dans le coin réservé à la lecture, dont les nombreux coussins et canapés invitaient à se prélasser. Il n'y avait presque personne, si on exceptait une serdaigle que je connaissais de vue et ... Louise ? Oui, je n'eus aucun mal à reconnaître le doux visage de la jeune fille, elle même plongée dans un ouvrage qui semblait la tenir en haleine ! En effet, il y avait cette petite ride sur son front, caractéristique d'un froncement de sourcil qui illustrait parfaitement son état. Je ne sais pas si elle s'en rend compte mais lorsqu'elle lit, Louise est toujours très expressive.
Nous nous sommes rencontrés pour la première fois ici et nous avons pris l'habitude, il y a de ça quelques mois, de nous retrouver parfois, au détour d'une pause, pour nous délecter d'un ouvrage ou se confier quelques mots. Plongée dans sa lecture, elle dans la mienne, il m'arrivait de lever les yeux vers elle pour découvrir une nouvelle expression. Un sourire, un regard triste ou encore une moue boudeuse. Je me retenais tellement de rire lorsque j'assistais à ce spectacle... Et elle était là, toujours plongée dans sa lecture, toujours ivre de livre. Douce Louise, comme ta présence suffit à apaiser mes souffrances cachées.
Sans un bruit, je vins m'asseoir à ses côtés. Bien sûr, je n'ouvris pas la bouche. Les mots étaient inutiles lorsque je me trouvais en sa compagnie. Je me contentais d'attendre qu'elle lève les yeux vers moi et je lui offrais alors un sourire, qu'elle ne tardait jamais à me rendre. Aujourd'hui, cependant, je n'en fis rien. Je ne voulais pas croiser son regard, il comprendrait certainement bien trop vite. Aussi, je me contentais de poser ma tête contre son épaule avant de fermer les yeux, mon ouvrage sur mes genoux. Je n'avais pas besoin de plus, la seule présence de la serpentard suffisait à m'apaiser.