réunion au sommet (PV ZIGGLER, TRAGELSTONE, OSBORNE)

Mécaniquement, Demeter passa l’embrasure de la porte avant de se figer soudainement. Avec lenteur, il porta sa main droite au niveau de son poignet gauche et attrapa mollement la flanelle blanche de sa chemise, dont il se mit à retrousser la manche. Il ne tarda pas à faire de même pour le côté opposé et une fois qu’il fut assuré, que ses vêtements n’entraveraient aucunement ses gestes, il s’avança jusqu’au fond de la pièce, s’arrêtant seulement au niveau du bureau qu’occupait habituellement le Professeur McFayden durant ses heures de cours, mais aujourd’hui déserté ; Il était samedi matin et ce n’était pas ici qu’elle dispensait ses leçons de tutorats pour les demeurés en ayant besoin.
Morne, Demeter promena avec lenteur son regard au travers de tous les recoins de la pièce, examinant tout le travail qu’il aurait à accomplir. Cette basse besogne à laquelle il se devait de s’atteler, ne le réjouissait guère et avec raison ; Demeter n’était pas un elfe de maison donc ce genre de tâche ménagère lui était complètement étrangère. Mais l’idée qui l’aurait autrefois révolté, le laissait simplement un peu las et désabusé, il pensa même un instant, que de toute façon il n’aurait rien eu à faire aujourd’hui ; Si ce n’était encore s’étaler dans la vacuité qui semblait s’être emparé de ses jours depuis quelques temps, que seule Louise parvenait à chasser. Peut-être d’ailleurs, aurait-il pu aller la voir, s’il ne s’était pas malencontreusement retrouvé avec cette corvée mais c’était une punition qu’il avait vaguement le sentiment d’avoir mérité et donc il ne s’offusquait pas.

Malgré tout, l’idée de nettoyer tout cet endroit sans avoir recours à sa baguette le laissait particulièrement blasé car tout cela s’annonçait bien fastidieux et surtout bien éreintant. D’autant plus que la classe était dans un état plutôt désordonné. Ci-et-là, on pouvait voir échouées sur le sol des tâches colorées à la consistance douteuse, qu’on pouvait également avoir le grand plaisir de retrouver jusque sur le dossier de certaines chaises et sur les pupitres de certains bureaux. Il fallait également compter sur diverses flaques d’encres et autre fantaisies du genre qu’on pouvait voir fleurir dans la tête d’un étudiant qui s’ennuyait.
Dépourvu donc de sa baguette, Demeter avait à la place, pour fidèles alliés, un vaillant sceau à l’eau savonneuse, diverses éponges fringantes et toute neuves. On lui avait même fait grâce de jolies serpillières ainsi que d’un bon vieux balai qui semblait avoir vécu plusieurs péripéties. Et évidemment, Demeter avait les poches de son pantalon vide, car par soucis de magnanimité on lui avait gracieusement évité la tentation de déroger à sa punition en lui confisquant sa baguette, qu’il ne récupérerait qu’une fois tout ceci achevé.

Sans perdre de temps mais sans se presser non plus, Demeter s’arma du balai au manche bancal, refermant ses doigts tout contre son bois terni et bossu. Il commença enfin le grand ménage et ne tarda pas à perdre son regard, contre les dalles en pierres froides, examinant les poussières soulevées par son passage, comme s’il s’agissait là, d’un passionnant match de Quidditch.

Un bruit de grincement le tira soudainement de cette contemplation silencieuse et sans cesser de balayer, Demeter leva la tête avec lenteur.
Il n’avait pas le cœur à décocher ce rictus qu’on lui connaissait si bien, aussi se contenta-t-il de rester de marbre et d’observer avec indifférence son camarade venant d’arriver.

Le jeune garçon était en classe, tout allait pour le mieux. Sauf que le hasard, cet idiot trouvait le moyen de s'incruster dans la partie. Oui, il écoutait en classe. Mais certains élèves s'amusaient à s'envoyer des notes. Ce qui était assez beau en même temps comique quand le prof tentait de lire les pattes de mouches de certains. C'était tellement illisible qu'il faisait une remarque à l'autre du message. Sans guerre plus que des ricanements de la part des autres. Bien sûr, les enseignants sont humains, ils ont des limites à l'insubordination, une chose en entraînant une autre. Luigi se retrouvait mêlé, un peu contre son gré dans la discussion que se faisait les élèves de première année. Beaucoup s'inquiétaient pour les années suivantes. Il suffisaient de voir les plus âgés devenir pâle comme des fantômes. L'adulte a frappé le bureau du jeune jaune et noir. Il a sursauter et couiner comme une petite souris.

« Monsieur Tragelstone, ce n'est pas la première fois que je vous vois dénigrer mon enseignement avec vos stupides messages.
-Mais monsieur, je n'ai rien envoyé...
-Silence, ça sera une retenue, puis vous la mériter depuis votre accident dans le couloir ce matin... Dois-je expliquer à vos petits camarades vos exploits ?
-Non, Monsieur... »

Le voilà collé, génial. Il roulait des yeux avant de tenter de disparaître derrière son livre. Ce qui était totalement inutile, vu que les rires résonnaient dans ses oreilles. Il se ratatinait, espérant que l'heure passe le plus rapidement. Ce qui arrivait avec grand soulagement. Il sautait dehors de sa chaise et sortait comme un boulet de canon de la classe, non sans se prendre les pieds dans les tables...

Le temps courait à une vitesse folle. Il était bien obligé de rentrer dans cette classe. Il espérait juste qu'il n'aurait pas à faire quelque chose qui prendrait trop de temps. Il avait besoin de ses heures de sommeil pour récupérer. Alors qu'il poussait timidement la porte. Il croisait le regard de deux grands. Il ravalait sa salive. Il serrait ses petits poings. Il devait dire quelque chose, mais quoi ? Il avait les mots aux bords de ses lèvres. Il savait que là, il ferait du nettoyage, et vu l'état de la classe, ce n'était pas un luxe s'ils étaient plusieurs. Alors prenant son courage, il couinait un peu.

« Bonjour... »

Les grands étaient toujours impressionnant pour le première année. Il prenait un balais ? Ce dernier tombait avec fracas. Il rougissait avant de se mettre très maladroitement à nettoyer. Tellement il était gêné. Ce n'était pas sa première retenue, ùais la première qu'il faisait en compagnie de grands. Il se demandait même comment il n'avait pas fait perdre des points à sa maison. Il devait faire de son mieux. Mais il n'y arrivais pas tellement. Il était intimidé. Mais surtout le balais lui échappait de temps à autre de ses mains. Comme si ses dernières étaient couvertes de beurres. Il réussissait à attrapé le manches, mais ces mouvements pouvaient être étranges pour un autre.

« Monsieur Osborne, il est certes honorable de vous entraîner au quidditch sur votre temps libre, et que vous vous preniez un arbre comme cela vous arrive habituellement parce que vous ne regardez pas suffisamment autour de vous, et bien, je dirai que cela ne concerne bien que vous et l’arbre en question, mais que vous vous permettiez de débarquer dans mes appartements en brisant de surplus ma fenêtre… C’est autre chose. Estimez-vous chanceux, vous êtes distrait et je ne retire pas encore de points pour distraction. Vous me ferez donc le plaisir d’aller en retenue samedi matin. Ce sera tout monsieur Osborne, au-revoir monsieur Osborne, oui monsieur Osborne, inutile de me remercier. Oui, monsieur Osborne, bonne journée à vous aussi… Il suffit monsieur Osborne, dépêchez-vous de sortir de mon salon… Non monsieur Osborne, vous pouvez prendre les marches, cela sera plus sûr. Oui c’est ça, bon vent… Merlin que ce garçon peut être lourd ! »

Duke avait de l’allure. Il avait jeté sur son épaule le manche d’une serpillère qui,  il fallait bien l’avouer, ressemblait quasiment au vieux coucou qui lui servait de balais et qui au demeurant paraissait être en bien meilleure forme que ce dernier.
Et de son attitude un peu étrange, le regard évaporé, les cheveux ébouriffés, il aurait semblé tout aussi délavé que ce grossier pantalon rose, de cette couleur qu’il était bien le seul à assumer, qui lui tombait fluide et laissait apparaître, retourné sur ses chevilles, ces chaussures d’un bleu sombre à la mode moldu que l’on appelait converses. Et les nouvelles semelles couinant dans les couloirs, il exposait avec désinvolture un petit noeud papillon aux teintes britanniques superposé à un indémodable pull blanc de chez Ralf Lauren.

Et il s'en allait ainsi tout sifflotant d'aventure récurer la salle de sortilèges.
Car il en était un qui n'était ni satisfait ni insatisfait de son sort, mais plutôt tout à fait détaché de cette réalité déplaisante où il accomplirait bientôt les basses besognes d'ordinaire réservées aux elfes de maison. Quand bien même il n'aurait pas souri, quand bien même il n'aurait pas même rêvé se trouver ailleurs puisqu'en un sens il se trouvait déjà autre part, dans un lointain non défini et flou, sans rêves.

Et sur un sifflement emprunté à Bernard Herrmann, il débarqua avec nonchalance dans la salle, et sans même se rendre compte, étourdi, il ne s'arrêta pas et bouscula tout naturellement la silhouette de Terrence Ziggler. Et quoique cela ne sembla pas même le surprendre, lui provoqua tout un plus un petit frottement du doigt sur l'arrête de son nez, sans confusion possible, ne pensant pas à s'excuser car ne se rendant pas même compte de ce qui venait de se produire, ou se réveillant plutôt oui, il entreprit enfin de prendre note des détails l'environnant. C'est ainsi qu'après avoir survolé les lunettes de Ziggler, il fixa impassible ce qu'il reconnut comme étant un Demeter Green. Et de longues secondes se seraient écoulées alors, sans qu'on ne le vit ni ciller ni parler ni bouger, en pause, ses pensées auraient semblé s'égarer. Et on l'aurait reconnu dans cette torpeur qui lui était propre comme s'il peinait à faire se rejoindre les éléments pour prendre entièrement conscience de l'étendue de la situation.

Car il y avait une incohérence qui persistait, que dis-je, un paradoxe qui se révélait en lui dans la perception d'une association difforme. Cela accaparait sa vision, obsédait quelque peu ses pensées incolores, se répercutait en lui dans cette contemplation stationnaire et vide, vide d'idées puisque cela malgré tout ne lui provoquait rien, comme ses émotions avaient d'une certaine façon dépeuplé son esprit au point de ne lui accorder à cet instant précis qu'un seul fait notable : le haussement d'un sourcil dubitatif.

_ Wow. Cette grâce Green, tu balaies tellement bien.  

Mais il était dépourvu de tout cynisme, et l'ironie qu'on aurait pu lui prêtait se trouvait tantôt inconsciente, car ceux le connaissant bien auraient pu protester que Duke, oui, Duke était bien trop morne pour s'adonner vraiment à ce genre de moqueries dont il ne percevait ni l'humour ni la raison et dont les remarques n'avaient de remarquables qu'une perspicacité dénuée de sens et qui n'avaient que l'unique mérite d'exister sans autre forme de logique.

Il renversa en véritable expert sa serpillière le long de sa nuque, son bras libre venu se raccrocher derrière tenant ainsi le manche à l'horizontale derrière son crâne. Puis d'un tour sur lui-même sur un équilibre bancal quoiqu'assuré, manquant au passage d'assommer Terrence d'un coup de balais, il observa désintéressé l'ampleur de la tâche.

_ Foutre. On va passer la matinée ensemble les mecs.  

Réjouissant.
Il s'éloigna lentement, sa démarche un peu singulière, pimpant dans son pantalon rose, fit sans doute le tour de quelques tables, tourna en rond, et malgré tout ce côté sérieux et ennuyeux qui ne quittait pas vraiment ses traits, lui donnaient même un je-ne-sais-quoi de pitoyable dans le regard, malgré tout, on lui aurait trouvé ce petit air grotesque.

S'attardant sur le plus jeune, il lui sembla saisir presque instantanément cette intimidation quelque peu compréhensible, dans ces gestes maladroits. Et avide sans doute de détendre le tendu, il s'exclama de son ton monotone et constant :

_ Première année et déjà en retenue ? Ca c'est un brave poufsouffle, on ira boire une bière au beurre pour fêter ça ! Enfin. Toi tu prendras du jus de citrouille, mais, bref.  

Et il tardait tellement, papillonnait tellement, vagabondait tellement.

_ Eh, Ziggler. T'es là aussi, ça fait un baille.

Il se tourna une fois de plus en direction de Demeter qu'il fixa encore, un peu vide, quelques secondes de silence avant que sa voix ne s'élève en toute innocence :

_ Au fait Green, comment elle va Pepper ?