< Corbal, corbeau,
c'est du pareil au même. >
Oiseau de malheur. De mauvaise augure, même. On déteste ces fichus corbeaux, et tout ce qu'on souhaite, c'est les déplumer pour qu'ils arrêtent de nous regarder avec ce regard perçant qui nous dévisage sans la moindre difficulté. Pourtant, un corbeau, c'est joli. Ça regarde les autres, ça les épie. Ce n'est jamais méchant, un corbeau. Il t'annoncent juste un malheur prochain. Enfin – c'est ce qu'on raconte. Moi, je n'y ai jamais cru. Après tout, je suis un animagus corbeau, et jamais aucun malheur n'est arrivé. C'est juste de la poisse, pas autre chose. Je suis posé quelque part à Poudlard, sous ma forme d'animagus. Dans un grand couloir, je les regarde passer, je les entends parler, j'écoute ce qu'ils disent pour mieux les ridiculiser le moment venu. Sauf que ce n'est pas ma tasse de thé, sauf s'ils jouent vraiment à celui qui a la plus grosse. Je n'aime pas ça. J'attends. Je tourne la tête et je regarde l'horloge qui est accrochée au mur. J'ai encore le temps de m'ennuyer. Et si je volais rien qu'un peu ? Pour sentir le vent filer entre mes plumes, et me souvenir de la première fois où je me suis transformé. Cauchemar.
Je me souviens de cette douleur de la première transformation. Je me suis concentré, j'ai réfléchi longuement. Je me suis soudainement posé une question ; pourquoi est-ce que j'ai voulu être un Animagus. Mon premier réflexe, «pour frimer», le deuxième, parce qu'il faut mêler l'utile à l'inutile. Je m'attendais à être un animal stupide ou sans intérêt, mais finalement non. J'ai eu de la chance. J'ai senti ces frissons, ces picotements, ce rapetissement. J'ai lutté contre tout ça pour éviter de me faire plus de mal qu'autre chose, sauf qu'après, je n'ai eu aucun contrôle sur moi-même. Je ne me sentais plus vraiment moi-même, j'ai même perdu connaissance quelques secondes. J'ai rouvert un œil, puis l'autre. Alors que je voulais parler pour dire que tout ça n'était que des conneries, c'était un magnifique «croâ !» qui sortait de ma bouche... ou plutôt de mon bec. Et j'ai paniqué. Un peu. Beaucoup. J'ai rapidement perdu pied, je suis tombé par terre comme tout bon oiseau mort qui se doit. Il n'y avait plus que du noir. J'observais autour de moi, je laissais mes yeux parcourir cette pièce bien connue ; le dortoir. J'ai fait de mon mieux pour me relever, j'ai marché difficilement à l'aide de mes petites pattes crochues, je me suis regardé dans le seul miroir de l'étage. Heureusement qu'il n'y avait personne. J'avais raison. Il n'y avait plus que du noir.
C'est stupide. J'étais stupide lors de ce moment là. Maintenant, je profite de cette sensation qu'est de voler. C'est un rêve de gosse que de voler, alors obtenir un animagus ressemblant à un oiseau est une bénédiction. La plus grosse déception doit être ceux qui sont des volatiles mais qui ne peuvent pas voler. Comme les poules, les coqs. Ceux-là, c'est la dèche. Je suis pas dans ce lot-là. J'ai de la chance, j'ai envie de dire.
Alors je vole. Je vole. Tout simplement parce que ça me fait du bien.