P’tit Bum;
« Pour aller boire des shooters de fort pris sur ton bras; »
La journée commençait à peine. C’était un samedi matin, tôt, assez tôt pour que la plupart du château soit encore assoupi. Elle l’aurait probablement été si le sommeil l’avait guetté la veille, si ses pensées disparates l’avaient laissée se reposer. La tête dans le brouillard, chaque réflexion ombragée se dissipant, vaporeuse, telles les émanations de sa tasse de thé noir, fort, censé y remettre de l’ordre, elle se dirigeait vers sa classe, où l’attendait un élève de deuxième année qu’elle avait croisé hier soir dans un corridor, saoul, causant un vacarme.
Sans hésiter, elle l’avait convié en retenue; il devait y être tôt et son retard entraînerait une plus grande perte de points à Serdaigle qu’il ne l’avait déjà causé. Ayant de l’avance, cependant, elle ne s’attendait pas à le croiser déjà assis à un bureau de sa classe alors qu’elle entrait, le bruit de la semelle de ses chaussures claquant sur le plancher.
Aignéis n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit que le jeune homme, pris d’un soudain haut le cœur, penchait son corps sur le côté afin d’extirper de sa bouche ce que son corps n’avait toujours pas digéré. Surprise, elle ne sait trop comment réagir, jusqu’à ce que la voix faible de l’élève ne brise le silence. Bonjour. Bonjour, oui.
▬ Bonjour, Léo. Il n’avait pas l’air honteux; il avait tout simplement l’air misérable. De ses yeux fatigués et de sa position émanaient une langueur de vivre, une apathie amorphe aux airs asthéniques. Le pauvre enfant. Il n’avait pas envie d’être ici, pas plus qu’elle, et ils devraient passer au moins une heure ensemble, en retenue, retenus par la classe, prisonnier du système et du destin, ce lui qui avait fait qu’elle l’avait croisé au moment opportun.
L’enseignante se racle la gorge, avale difficilement.
▬ C’est rien… C’est rien, ne t’inquiète pas. Elle refoule une envie de suivre ce haut-le-cœur soudain à la vue de ses chaussures avant de sortir sa baguette et, d’une main experte, utiliser un sort de récurage qui s’occupe sans attendre de ses pauvres chaussures et du plancher.
Qu’avait-il pensé?
Elle soupire. Un soupir long comme le monde, aussi désolé que celui d’une mère et tout aussi compatissant.
▬ Tu as de la chance, tu sais. C’est presque un murmure. Elle n’a pas besoin de parler. Sa voix résonne, elle résonne probablement plus fort dans sa tête encore. Il y a bien une chose qu’elle a apprise de ceux qui buvaient, des gens qu’elle ramenait et dont elle s’occupait après des soirées bien arrosées : le bruit faisait mal. Le bruit s’amplifiait. Il n’avait pas besoin de se faire crier dessus – loin de là. La retenue était déjà une conséquence assez sévère.
Aignéis s’assoit à côté de lui, tirant la chaise pour qu’elle lui fasse face, même si lui continue de se morfondre sur le bureau, visiblement dans un autre monde – jamais tout à fait dans celui-ci. Elle lui offre un sourire désolé, se penchant un peu vers lui.
▬ Beaucoup de professeurs n’auraient pas été aussi magnanimes face à des conduites aussi ignominieuses.