Cara feia pra mim é fome — Lucia } terminée ! {

ft. oc brune

Lucia, elle a 18 ans. C'est une fière bahianaise; brésilienne, donc, aux lointaines, très lointaines origines portugaises. Son père est un sorcier, sa mère est une moldue, elle est donc de sang-mêlé. Elle effectue une année d'échange dans le cadre du partenariat entre Castelobruxo et Poudlard, elle est en quatrième année. Lucia est une ferrue de botanique et si elle était née moldue, comme sa soeur, sans doute aurait-elle fait des études d'agronomies. C'est dans son sang, tout simplement. Depuis toute petite elle travaille à la ferme et fréquente les autres paysans sorciers, et même moldus  de son petit village. Elle a à ce titre choisi le cursus Coopération Magique, en espérant retourner au Brésil armée d'une brassée de bons arguments pour convaincre son père d'opter pour une culture plus saine. Pour ce qui a trait aux matières optionnelles, elle a opté pour Potions et Langues des créatures et hybrides. Loin de son fleuve São Francisco adoré, il fallait bien qu'elle trouve une raison pour laquelle crier ses indignations. Elle n'a donc pas mis longtemps à se laisser enrôler chez les militants contre les dragons à Poudlard; ce n'est pas tant le danger que cela représente, qui l'embête. L'idée même que de si belles et majestueuses créatures magiques soient réduites au joug humain est tout bonnement affligeante.  

Là où sévit la léthargie des cœurs, Lucia, là où s'étiole la joie, là où ternissent les songes, tu t’offres tout entière au bonheur, ou plutôt tu t’en empares, à la bonne heure. Tu n’as pas ton pareil pour braver les chagrins que le destin dépose sur ton bonhomme de chemin. Après tout, ce serait un terrible affront que de donner satisfaction aux nuées sombres qui cherchent à infester tes journées toutes de lumières nimbées. Les regards de travers et les remarques désobligeantes, tu les ignores, du moins tu t’y efforces, en croquant la vie à pleines dents. Les conflits, lorsqu’ils te semblent anodins, tu les fuis. Tu te défiles avec ou sans un sourire contrit. Serait-ce là de la lâcheté ? Ô si tu avais la même verve que ta fière génitrice et si l’audience et la situation te le permettaient, tu ne te priverais pas de pousser la chansonnette sur l’accordéon familial. Ah, ce bel instrument vermeil, compagnon musical de tous les jours et quintessence des diableries de ta mère. Cette même mère qui, n’ayant d’yeux que pour son mari, jalousait jusqu’à ses filles pour la complicité qu’elles avaient avec lui. Lucia, tu n’es pas aussi clémente que ta soeur. Lucia, tu en veux à ta mère, et tu avais tout de même assez d’assurance pour lui claquer la porte au nez, tandis qu’elle s’approchait, menaçante, armée de son accordéon, là ou ta sœur se laissait en proie à ses reproches non mérités et à ses noirs regards. Tu sais te montrer à l’écoute, mais la réciprocité est l’un de tes principes; tu en as tout l’air, mais tu n’es pas assez naïve pour ne pas être à même de flairer les profiteurs et les âmes maladivement égocentriques. Tu as autre chose à faire que d’écouter se mouvoir des lèvres hypocrites, lèvres dont tu préférerais qu’elles sourissent, et d’un large et beau sourire sincère. Tu n’as certainement pas la patience pour ces mielleuses jérémiades, Lucia. Toi-même, tu ne te plains jamais de ton sort. Souvent, ton regard empressé fourvoie tes jugements, et tu sembles bien prompte à condamner ton entourage, selon des observations erronées, faussées par ta méfiance et ton exigence abusives.

Mais tu n’es pas la seule à te méprendre, si cela peut de consoler. On se trompe souvent à ton compte également, parce que l’œil humain ne se lassera jamais de se laisser égarer par les apparences. On te croit inoffensive, frêle, fragile; ce doit être ces yeux toujours un peu humides mais sereins, ces genoux cagneux, ces frêles épaules, ces gestes brusques et nerveux, ce petit accent que tes cours d’anglais ne parviennent pas à taire. Cependant, tu as tous les scrupules du monde à demander l’aide de qui que ce soit ; tu es toujours disposée à prêter main forte, mais jamais, ou du moins presque, tu ne te laisses seconder. Tu n’as la passion pour le travail bien fait que lorsqu’il est ton oeuvre à toi seule. Parfois, tu t’accapares les problèmes des autres, et tu les résous à ta propre sauce, pour le meilleur et pour le pire. Tu es une pragmatique, Lucia, tu négocies sans cesse avec la vie, et de toutes les situations, tu cherches à tirer le meilleur parti. Cela ne veut pas dire pour autant que tes actes sont toujours réfléchis ; parfois, souvent, même, tu te dis que tu n’as pas le temps de t’encombrer de sottes réflexions et introspections. Ces mêmes sottises qui pourtant, te sauveraient de bien des ennuis et reproches. Lucia, tu n'es ni patiente ni tolérante, tu ne comprends pas pourquoi ton entourage ne partagerait pas tes opinions, en lesquelles tu crois dur comme fer. Tu te permets de reprendre les autres sur leurs idées, sur leurs paroles, sur leur conduite, mais tu supportes mal que qui que ce soit trouve à redire sur tes propres agissements. Et lorsque tu as tort, Lucia, et même quand tu sais pertinemment que tu as tort, tu préfères tourner le dos, changer précipitamment de sujet, clore le débat pour ne pas avoir à subir ce que tu considères être une humiliation. Ah, mais Lucia, quand c'est toi qui gagne, quand le triomphe est tien, douce récompense au creux de tes petites mains, ah tu te redresses de toute ta hauteur, ton sourire s'élargit, ton regard se fait provocateur. Allégorie de la victoire, ton menton insolemment levé, tu enfonces le couteau dans la plaie, et te délectes de ton succès.  

Ce que tu peux être têtue aussi, c’en est presque étouffant, et seule ta grand-mère a la patience d’écouter de bout à bout tes grands discours passionnés sur la condition des paysans sorciers dans ta Bahia natale, ta tendre et bien-aimée Baie de tous les Saints. Heureusement pour toi, celle-ci regorgeait et regorge toujours de causes à défendre, d’idéaux à atteindre, de luttes à entreprendre. Tu ne te lasses jamais de débattre et de discuter avec confiance et fierté sur tous les sujets qui te tiennent à cœur, d’ensevelir ton pauvre père, dont l’expérience en agriculture et botanique magiques ne manque pourtant pas, sous une montagne de conseils et d’indications pour le moins idéalistes. La nourriture pour toi, c'est ce qui apaise les âmes; la faim est le fléau de la paix. L'agriculture, dont tu chantes les louanges lorsqu'elle respecte les ressources dont elle est dépendante, c'est donc ce socle de l'humanité dont tu veux faire ton métier. Tu as cette envie dévorante de convaincre les cœurs, de les séduire par tes maîtres-mots: justice, progrès et viabilité, cette sainte trinité qui te berce incessamment de rêves et de nobles convictions. Et lorsqu’enfin tu rencontres une âme généreuse déjà ralliée à ta cause, plus rien de te retient, tu n’es plus qu’un cri de joie infinie, un mince dos droit et victorieux, une silhouette haussée sur la pointe des pieds et trépignante, qui détonnent avec tes graves paroles. Souvent, on ne te prend pas au sérieux ; tu as l’air plus jeune que tes dix-huit allègres années, et pourtant tes propos sont ceux d’une adulte bel et bien aguerrie.  Avec tes amis, tu as tout l'air d'une mère poule, et cela les fait bien rire. Tu exiges, tu rouspètes, tu souris, tu rassures, tu nourris, tu te plais à te croire fille de cette terre meuble et généreuse que tu chéris tant, quant bien même certains trouveraient cela tout à fait trivial. Tu es simple, Lucia, pas compliquée à cerner, pas de nature à multiplier les manigances, pas apte à dissimuler tes sentiments. On te lit comme un livre ouvert, Lucia.

Lucia, tu es ces rires étouffés dans le grenier un soir d'été. Lucia, tu es ces mains agacées posés sur les hanches. Lucia tu es cette grimace concentrée et ces gestes appliqués. Lucia tu es ces petits doigts se promenant librement sur les cordes d'une guitare ou sur une peau tannée par le soleil. Lucia tu es toujours un peu de cette petite fille qui court dans les champs de coton. Lucia tu es ce carillon un peu rouillé qui, fidèlement accroché au cadran de la porte, fait entendre ses douces notes lorsque le vent se perd en lui. Lucia tu es ce fier et brave drapeau qui tient toujours; et pourtant tu en as, des tempêtes, à ton compteur !