Speed Dating [Lancelot & Duke]

Les rayons de soleil qui effleurent son visage le tirent lentement des bras de Morphée.
Lancelot endormi, rêve de biens étranges songes. Les embruns de la mer, mêlés aux remugles d’une rue sorcière, et à l’exhalaison florale du parfum qu’affectionne sa mère, embrouille ses perceptions ; le sable de la plage se pare de nuances grises, mais le soleil rougeoie dans le ciel tourmenté. Lancelot éveillé, aimerait probablement se pencher sur la signification d’un tel rêve ; mais à peine ouvre-t-il les yeux, et sa fantaisie s’efface de son esprit, comme radiée par un coup de gomme.
La chaleur matinale est déjà étouffante, pour un Suédois qui, suite à une enfance dans le Nord polaire du pays, habitué à de fraîches températures, supporte déjà difficilement le climat tempéré du sud de l’Angleterre. Lancelot tend machinalement le bras vers sa table de nuit, sur laquelle trône une bouteille d’eau ; il essaie de se redresser ; et il sent tout à coup une étrange force qui le pousse vers son matelas. Lancelot grimace. Probablement un maléfice, lancé par un idiot qui lui en veut. Est-ce un camarade de chambre, ou pas ? Le Serpentard espère que non, car il n’a guère envie de se prendre la tête avec ceux qu’il doit considérer comme ses partenaires le temps d’un été. Tant pis, sans sa baguette, il ne peut rien tenter. Il prend donc le parti de se rendormir.
… Mais bien sûr, il n’y arrive pas.
Lancelot adore dormir. Mais le problème, c’est que, lorsqu’on a son compte en heures de sommeil, on ne s’endort pas facilement. Tout son corps lui hurle qu’il désire s’extraire de sa prison nocturne pour retrouver la liberté de sa chambre. Il tourne, il se retourne, mais ne parvient pas à trouver une position confortable.
Lancelot soupire.
La matinée s’annonce fort longue.

Lancelot se croit seul, jusqu'à ce que la voix de Duke déchire l'air.
Se faire interpeller ainsi, alors qu'il s'apprêtait à passer une terrible matinée d'immobilité solitaire, le rassure un peu. Même s'il est manifeste que son camarade est dans la même situation que lui, et du coup, dans l'incapacité de l'aider. Du moins n'est-il pas seul. Il pourra parler un peu - mais parler de quoi ? Il ne connaît pas tellement ce jeune homme, c'est tout juste s'il sait comment il s'appelle et dans quelle maison il est. Peut-être est-ce l'occasion d'apprendre à le connaître, dans ce cas. En tout cas, il ne voit pas trop ce qu'il peut faire dans cette situation. C'est en cet instant que Lancelot se rend compte que tant de choses passent par le mouvement. Il n'y a que lorsqu'on lit une pièce de théâtre que l'on peut se contenter des dialogues.
« Alors, toi aussi. » Il laisse s'écouler tant de secondes avant de se rendre compte que l'autre ne peut probablement pas le voir, et qu'il n'a pas conscience que Lancelot vient de lever les yeux au ciel - même si ce ciel se constitue, pour l'heure, de sa seule tête de lit. « Si je trouve le petit malin qui a fait ça, il va passer un mauvais quart d'heure. »
C'est tout à fait sincère ; Lancelot compte bien trouver le moyen de se venger. Il n'y aurait bien que deux ou trois personnes qui s'en sortiraient en un morceau, mais aucune n'aurait l'idée de jeter le même sort à un autre que lui.
« Enfin, pour moi, ce n'est pas si grave. Je n'avais pas l'intention de sortir aujourd'hui, trop de soleil. Mais je suppose que pour toi, c'est plus difficile. Tu comptais faire quoi ? »
Et ses lèvres forment ce demi-mensonge sans le moindre remords - assumant pleinement son refus de brûler au sommeil, s'efforçant de nier le fait que cette situation le dérange. A l'entendre, on croirait presque qu'il avait l'intention de rester allongé jusqu'au coucher du soleil. Quand bien même c'est fondamentalement faux.

Coincé pendant encore un long moment au lit avec Duke, il peut bien raconter les mensonges qu'il veut. A tous les coups, le Poufsouffle en oubliera la moitié d'ici la fin de la journée, et aura donc du mal à obtenir confirmation. Qui plus est, il faut bien s'occuper, en attendant ; et raconter sa vie n'est pas quelque chose que Lancelot aime. Même avec Arthur ou Percy, il y aurait forcément un moment où il détournerait la conversation de sa propre personne pour s'adonner à un sujet un peu plus intéressant à ses yeux. Trouver le coupable est donc un sujet de discussion qui lui paraît tout à fait approprié, et Lancelot décide donc de se lancer.
« Des gens qui ne m'aiment pas, je parie qu'il y en a un certain nombre. Des gens qui m'en veulent, un peu moins, mais tout de même. Tu en connais beaucoup, toi ? »
Le problème, c'est que Lancelot ne connaît personne qui lui ferait ça. Joyce est plutôt gentille, elle se comporte bien plus comme une grande sœur et elle est bien trop sérieuse pour faire cela - d'ailleurs, il ne sait même pas si elle est sur l'île. Bastia a une relation trop tordue avec lui pour se montrer aussi mesquine. Mew n'oserait jamais s'en prendre à celui qu'il prend pour le chef des duellistes. Du coup, ça ne laisse plus grand-monde. Arthur serait le plus probable, mais il est mineur et Lancelot sait qu'il respecte l'interdiction d'utiliser la magie - avec la Trace, en même temps, c'est assez normal.
Duke voulait marcher ; grand bien lui fasse. Lancelot se retient de hausser les épaules ; après tout, c'est une occupation comme une autre.
« Bouger, c'est bon pour rester en forme. » : lance-t-il, plus pour montrer qu'il écoute que pour réellement alimenter cette conversation là. La question de ses activités planifiées lui déplaît.
Duke semble avoir une idée ; et cette fois, Lancelot laisse s'échapper un soupir. Mais quelle idée. Enfin, s'il veut faire l'idiot tout seul, pourquoi pas. Mais tomber, ça fait mal, et s'ils n'arrivent pas à se lever du lit, comment pourraient-ils en tomber ? Cela dit, il a bien envie de savoir d'où lui vient cette idée.
« Oh ? Et tu ferais cela comment, toi ? »
Il sait que le scepticisme transparait dans sa voix, mais qu'importe. Il n'a jamais prétendu être amical, après tout. Lancelot se renfonce dans son oreiller, se demandant une énième fois pourquoi une telle catastrophe vient de s'abattre sur lui.

Lancelot est très sceptique. Il ne voit pas trop comment ils sont censés s'en sortir alors que c'est manifestement un sort qui les empêche de quitter leur lit. Est-ce que Duke s'en rend compte ? On ne peut pas lutter contre la magie avec simplement ses tripes et sa volonté ; il faut combattre le mal par le mal. Bien sûr, si Lancelot avait accès à sa baguette magique, ça ne changerait pas grand-chose. Il ne connaît pas leur sort qui lui permettrait d'allumer ce maléfice. Cela dit, il en aurait peut-être deux ou trois en réserve qui lui assureraient de s'amuser un peu, en attendant la fin. Ce genre de farces ne dure jamais trop longtemps.
Et puis, Duke a aussi ces ennemis, dont un certain Rhodes. Totalement inconnu au bataillon. C'est dans ces moments-là que Lancelot se rend compte qu'il devrait peut-être faire un peu plus attention à ses petits camarades. Il a tendance à être assez connu, car il se montre ; mais il a toujours les yeux rivés sur le petit Arthur, qui lui réclame toute son attention - parce qu'il désire le protéger, mais aussi parce qu'il a besoin de trouver la moindre faille qui lui permettra de prendre le dessus. Enfin, tant pis. Ils n'ont aucun nom à proposer, alors Lancelot soupire.
« Bon, soit. Ce n'est pas très grave, de toute façon. »
Il écoute donc la proposition de Duke, et Lancelot reste silencieux un instant. Eh bien. Comment est-il censé lui dire que, dans un duel, bah, on utilise une baguette, c'est une question d'honneur, et que du coup, il n'a jamais vraiment pratiqué les sorts informulés ? Trop flemmard pour cela. Et si Duke le lui demande, c'est qu'il n'est pas très doué non plus. Lancelot cherche une façon de le dissuader de mettre en œuvre son plan sans lui avouer le véritable problème. Il finit par dire :
« A quoi cela te servirait ? tu serais toujours coincé, la seule différence, c'est que ton lit serait au dessus. »
En fait, ce n'est peut-être pas tout à fait sûr, mais qu'importe, Lancelot préfère défendre mordicus cette option.