C'est une journée tremblante, baignée de lumière lactée, perdue dans les brumes. Dès le réveil, elle l'a senti. L'odeur de l'air, le frisottis de ses cheveux, son envie de rester sous la couette.
Dès le réveil, elle a pris des contremesures. Les coups de brosse, les sortilèges. Pour la brillance. La luminosité. Pour la lucidité, le café. Les vêtements? Impeccables. Le parfum, vert et hespéridé, pour la tenir éveillée. Le jus de fruit, le porridge, les lunettes bien propres et des conversations vives, sans queues, sans têtes, surtout sans importance. Pour contrer la brume. Pour rester éveillée, ne pas la laisser grignoter son énergie, ou affadir son humeur.
Et puis... une barre de chocolat dans la poche, pour craquer sous la dent, exploser sur les papilles, si jamais un peu de bleu-gris se glissait dans ses pensées tâchées d'écarlate.
Car c'est une journée tremblante de brumes argent, déchirée de foudres rouges. Un paysage étrange. Trainées sanglantes sur ciel plombé. Elle a avalé une potion contre la douleur. La magie à ses limites. Elle les montre une fois par mois.
Elle mangerait bien un peu de chocolat, la blonde serpentarde, mais elle préfère attendre... plus tard, peut-être. A midi. Là...
Elle échappe au couloir, s'engouffre dans les toilettes des filles, les yeux et les mains dans son sac en bandoulière, déjà. Percute une silhouette immobile. Grimace en se massant l'épaule, en se retournant. Dans le reflet, elle croise le regard d'une serdaigle, et sa voix acide, ses mots rugueux l'agressent de plein fouet. Elle n'est pas d'humeur. Ni à l'ignorer, ni à trouver une répartie cinglante. Elle jette un peu de venin, instinctivement. Sans fioritures, sans quatre chemins...
« Oh... tu essayais de te refaire une beauté et je t'ai bousculée ? Désolée, vraiment...mais tu sais... ce n'est pas la peine... »
Elle a un petit sourire de carnivore, un petit étirement des lèvres, aigu, instinctif, un haussement d'épaules moqueur, avant de s'enfermer dans une cabine et de l'insonoriser.
Elle roule à l'instinct, Austreberthe, avec ses barrières, son armure et ses hallebardes, qu'elle a appris à construire, porter et manier dans sa maison, dans son passé. Elle a oublié de les polir, de les faire bien étinceler, aujourd'hui, mais elles ont vu d'autres combats, elles connaissent leur partition dans la symphonie grinçante des agressions.
Lorsqu'elle termine, lève le sort et va se laver les mains au lavabo, à sa surprise, la bleu et bronze est encore là. Elle hausse un sourcil, sans un mot, puis la nie, les mains plongées sous le filet d'eau tiède, se les savonnant.