❝ soit tu nais roi, soit tu n’es rien; Alice

La douleur se propageait encore dans tout ton corps. La haine que tu ressentais en cet instant était semblable à la frustration d’un adolescent qui venait de se faire recadrer. Ta fierté venait d’être bafouée et tu ne supportais pas le fait d'apparaître faible aux yeux d’Alice. Collé contre son dos, tu cales ton visage dans le creux de son cou comme pour te cacher comme un enfant.

Elle se retourne vers toi, et son sourire te réchauffe. La joue brûlante et encore marquée de la gifle de ton paternel, tu détournes le regard alors qu’elle fronce les sourcils. Tu ne veux pas l’inquiéter mais tu ne peux le dissimuler.

— “Ce n’est rien ne t’en fais pas.” Tu ne veux pas t’attarder dessus. Car ce n’est qu’un détail. Car tu es quelqu’un de fort. Ta voix se refroidit, au rythme extatique de tes battements de coeur.
— “Ne t’inquiète pas pour ça, tu as bien fait de ne pas rester. Cela aurait été embarrassant.” tu te caches le visage avec une main, comme pour te cacher de ta propre honte.

Elle finit par te prendre le bras et t’entrainer dans les toilettes. Tu protestas vigoureusement, un peu gêné de devoir être du côté des filles. Personne pour le moment, tu la laisses faire en croisant les bras, attendant de voir ce qu’elle avait en tête. Elle sortit de sa petite pochette un baume. Comment pouvait-elle l’avoir sur elle ? Tu hausses les épaules, concluant intérieurement par le fait qu’une fille se devait de posséder tout ce qui pourrait être utile dans toutes les situations dans son sac. Question de survie peut-être. Un sourire narquois malgré la douleur, tu rétorques :

— “Evidemment que ça va aller, je ne suis pas à l’article de la mort.” Tu détournes le regard, les joues rosées. “Merci Alice.”
Tu t’adosses finalement au mur pour laisser ce qu’elle venait d’appliquer, agir. Tu fermes les yeux pour réfléchir. Comment lui faire payer ? Lui présenter Alice comme une potentielle plus qu’amie ? L’inviter chez toi pendant les vacances d’été ? Non, ça ne serait pas assez vicieux.

— “Viens danser avec moi dans la grande salle.”

Décidément. Ta reine te connaissait bien. Elle pourrait aisément faire echec au roi, sans même lire tes pensées pour anticiper tes coups d’avance. Sans savoir, cette idée te fait sourire d’une expression charmeuse et assurée.
— “Rappelle moi de ne jamais jouer aux échecs avec toi s’il te plait.” Tu étais très doué aux échecs certes, mais défier une legilimens à ce genre de jeu n’était en soi qu’un acte dénué de logique.

Un baiser coupe ta réflexion. Tu écarquilles les yeux, sans réellement comprendre ce qu’elle venait de faire. D’habitude, c’était toi qui l’embrassait. Et elle passait son temps à chouiner comme une gamine. Quelque chose avait changé ce soir là. Tu ne pouvais pas mettre de mots dessus. Mais rien n’était concret à tes yeux. Tu ne t’engagerais pas maintenant, tu ne savais même pas si tu le ferais seulement. Mais ce soir, tu voulais seulement profiter.

— “Alors.. on joue les filles dévergondées désormais ?”
Tu prends sa main, un rictus narquois à la commissure de tes lèvres pour l’entrainer dans la salle de bal. Moins de personnes dansaient, car la soirée commençait un peu à battre de l’aile. Tu la tiras avec force vers le centre de la piste, au milieu des téméraires qui persistaient à s’amuser.

Tu posas tes doigts sur sa taille et ta tête sur son épaule. Une berceuse pour la faucheuse. Car après l’affront publique que tu offrais, il n’y avait que la mort qui t’attendait.
Tu murmures à son oreille, sensuel et agonisant.
— “Qu’est-ce que tu vois dans ma tête, désormais ?”

Serait-ce déjà la fin du spectacle ? Une apothéose apocalyptique. Les rideaux se referment alors que les deux protagonistes de la pièce se sont quittés dans une tirade pathétique et dramatique. Pour toujours jusqu’à la fin du temps. Fin.

Non. Tu ne veux pas que ça se termine comme ça. Tu ne veux pas demeurer prisonnier de ses ronces qui se referment autour de ton cou chaque année, pour t’emprisonner dans un marasme victimaire jusqu’à la fin de ta vie parsemée de regrets. Non, tu ne veux pas travailler au ministère. Non, tu ne veux pas fréquenter quelqu’un d’autre que cette ingrate aux cheveux violets. Tu n’étais peut-être encore qu’en fin d’adolescence, à peine jeune adulte.. et ce que tu voulais était sûrement encore changeant, non déterminé.. mais ce que tu ne voulais pas était clair dans ton esprit. Tu ne voulais pas devenir comme lui. Tu voulais être libre, libre d’être un connard sans y être prédisposé.

— “Je suis toujours impressionné par tes capacités.”
Tu marques un pause, un fin sourire aux lèvres. “Maintenant tu arrêtes de lire, sors de là.”
Un ordre autoritaire certes, mais tu savais qu’il fallait contrôler ce genre de don si on ne voulait pas que ça devienne intrusif.

Tu fermes les yeux, te laissant bercer au rythme de la musique douce, la guidant à chacun de tes pas. Tu savais bien danser, ayant appris au cours de ton éducation solide.
Chaque mouvement était instinctif, ce qui te permettait de te concentrer sur chacune de ses paroles. Des mots qui font souffrir, qui caressent et qui blessent.
Tu déposes un baiser délicat sur son front, frôlant à peine sa peau de tes lèvres glacées.

— “Chuuut. Je sais Alice, je sais.”
Tu ne veux pas qu’elle en dise plus. Tu refuses d’en entendre davantage. Ce soir, il n’y a que vous, la musique et leurs regards outrés. Vous deux contre le monde. Un escadron qui a perdu d’avance, et qui se jette dans le vide, sans parachute.
Tu soulèves son menton désormais pour la regarder dans les yeux. Tu lui offres un petit rictus arrogant, comme pour te rassurer toi même au fond de ton égo.

— “Personne n’a parler de se laisser, n’oublie pas que nous sommes dans la même école. Nos études ne sont pas terminées. Arrête de parler comme si après cette danse, nous n’allions plus jamais nous adresser la parole.”
Tu caresses sa joue, puis perd ton sourire, l’air plus grave.

— “Je ne te promets rien. Pour après.”

Arcturus. Arcturus. Ce prénom te faisait l’effet d’un scintillement dans le noir. Comme une bougie qui se consume, comme la lune qui s’allume, comme le chant des sirènes qui caressent et qui blessent. Les lumières artificielles des lustres en cristal qui tournoyaient au dessus de vos têtes, ça te donnait le tourni et ça t’hypnotisait. Cette soirée finissait parfaitement bien. Car elle arrivait à son terme. Les articulations dans tes jambes commençaient à tirer, fatiguée de t’avoir portée jusqu'à aussi tard. Le sommeil te gagnait et l’irritation s’insinuait sournoisement entre tes pores.

— “Arrête Alice, arrête de me parler comme si tu m’apprenais des choses. Ce ne sont que des belles paroles. Les paroles ne remplacent jamais les actes et ce n’est pas en enjolivant des phrases toute faite que nos affaires vont s’arranger.”

La chanson se termine, les musiciens réajustent leurs baguettes magiques pour préparer le morceau suivant. Tu l’entraines sur le côté. Tu ne veux plus danser. Tu ne veux plus faire semblant.

— “J’aimerai que nous arrêtions de parler de ça. ça me.. ça me fatigue.” Tu détournes le regard, fuyant la confrontation pour ne pas exposer à ses yeux ta frustration. Tu jettes un coup d’oeil vers tes parents. Ils disent au revoir à ta soeur. Ils comptent rentrer. Peut-être en ont-ils assez vu ?
Ton père se détache du reste de la famille et se dirige vers toi, à nouveau. Son regard est dur et implacable. Les yeux de Mr. Hinglsey étaient revenu sur Alice. Tu savais bien pourquoi il se pinçait les lèvres. Il tirait toute sa fierté de par son sang pur et quiconque avaient dans sa famille un parent moldu était considéré par ton père comme un sorcier de seconde classe. Il n’osa cependant rien dire devant toi et se tourna totalement pour te parler en face à face.

— “Nous te reverrons pour les vacances d’été. Tu travailleras au ministère comme mon second pendant les deux mois afin de te former à ton futur poste.” Tu serras les dents mais acquiesa poliment sans rien ajouter.

— “Mlle McOwell.” Il tourna les talons, le dos plus droit qu’une règle et s’en alla retrouver sa femme. Tu soupiras une fois qu’il fut éloigné en te passant d’une main sur le front, comme épuisé d’être resté devant lui sans rien faire.

La soirée arrivait à son terme. Ou plutôt, ta soirée s’arrêterait là. Tu en avais encore trop dans la tête. La beauté de Zephyrus, votre danse, ses révélations… tu en étais convaincu au fond de ton âme. Tu avais changé ce soir là, quelque chose s’était réveillé. Quelque chose que même la douce voix d’Alice ne pourrait rendormir. La dureté hypocrite et mal placée de la vie te poussait à croire que ta place était peut-être finalement celle qui t’étais prédit.

— “Ne m’en veux pas mais j’aurai besoin de prendre des distances, prochainement. Ce n’est pas contre toi mais je crois que.. que j’ai besoin de réfléchir à certaines choses.” tu passes une main sur ton front, fiévreux. Les lumières et le tempo plus lent des musiciens - logique en fin de soirée - te faisaient tourner la tête. Tu t’approchas pour attraper le visage de la jolie brunette et déposa un baiser sur son front.

— “Je vais rentrer. Si tu veux finir la soirée, je te souhaite qu’elle soit agréable jusqu’au bout.” Tu baisses les yeux sur le masque que tu tenais dans tes mains depuis quelques temps maintenant puis tu le remis devant tes yeux.

— “A bientôt félice Alice.”
Tu refermais progressivement les rideaux de cette nuit si intensément dramatique. La pièce était terminée et il était temps de démarrer un nouvel acte, plus sage. Ou pas.