Cry me a river [Cail]

Les cours allaient bientôt recommencer et les élèves quittaient la grande salle pour remonter les étages. Ceux qui n’avaient pas participé à la chasse aux goules avaient tous mangé suffisamment pour remplir leur estomac et affronter une après-midi à se bourrer le crâne de nouvelle matière. Les autres n’auront qu’à se manger une main. Normalement, j’aurais dû suivre la masse et me rendre en cours de Défense contre les forces du mal. Normalement. Toutefois, à ce moment là, je préférais me faire arracher une dent qu’assister à un cours.

En vérité, je me balançais les castagnettes des répercussions de mon absentéisme. Monsieur Fitz pouvait bien me donner un an de colle, je n’irais pas plus à son cours. Tout ça parce que je m’étais engueulé avec Kiki. Encore. Contrairement à l’habitude, cette fois-ci avait pris des proportions démesurées parce que nous étions tous les deux trop bornés pour écouter l’autre. Je ne lui demandais pas la lune, seulement d’arrêter de risquer sa vie pour des conneries comme les dragonruns. Selon lui, j’étais trop chiante pour comprendre. Et bien je l’emmerdais avec toute ma chiantitude.

Tel Moïse qui sépara la mer Rouge en deux, je me frayai un chemin parmi les élèves. Les mains tremblant serrant la bretelle de mon sac, j’essayai de garder la tête honte et ne pas pleurer. Je n’offrirais ce spectacle à personne. En chemin, j’envisageai mes possibilités. La salle commune ? Impossible, il y aurait tous les plus vieux qui n’avaient pas de cours. Le parc ? Non plus. Une salle vide ? Fallait la trouver. Les toilettes ? Je ne m’abaisserai pas à ce point. Au final, je pris la direction des balcons.

Au loin sur ma droite, je vis Cail venir dans ma direction et j’accélérai afin de le distancer. Je l’aimais bien. Il était même l’une des rares personnes que j’appréciais vraiment et dès que je posai les yeux sur lui, je sentis les larmes m’envahir à nouveau les yeux. Je ne voulais pas tout ruiner de ma relation avec le garçon et pour ça, je devais éviter de lui parler. Si je ne parlais à personne, je ne pouvais pas faire plus de merde. Pas vrai ?

Les mains serrées sur la rambarde, j’essayais de calmer mes sanglots de fillette de quatre ans. Je vivais l’un des pires épisodes de ma vie, ces 50 minutes où le protagoniste voyait son monde s’écrouler et qu’il ne pouvait rien y faire parce que ça devait bien arriver un jour ou l’autre. Rageusement, j’essuyai mes larmes et m’obligeai à prendre de grandes respirations. Inspire, expire, inspire, expire.

En entendant la voix de Cail, je le maudis intérieurement car je ne voulais pas être vu dans cet état. Pourtant, il était là et il s’inquiétait vraiment pour moi; je pouvais l’entendre dans sa voix. Lentement, je me retournai pour lui faire face essayant d’afficher un maigre sourire.

« Cail, je… »

Impossible. Cacher mes émotions derrière un air blasé était mon quotidien. Il était toujours plus facile de repousser les gens si on était chiant plutôt que sympa. S’il n’existait pas de lien, l’abandon se révélait tellement plus facile, la déception moins amère. Toutefois, mentir à Cail, en ce moment de vulnérabilité, se révélait au-delà de mes limites. Quand il ouvrit ses bras, je me précipitai contre lui. Ce deuxième grand frère avait su m’apprivoiser, ce qui me permettait d’être en confiance dans ses bras.

« Je le dé’teste… J’Je le hais tel’lement. » soufflais-je entre deux sanglots.

Mes mains tremblantes se cramponnaient à ses vêtements pour ne pas m’effondrait au sol tellement j’avais mal à mon Kokoro. Kiki, par sa stupidité, n’imaginait certainement pas à quel point ça en devenait épuisant de vivre avec lui. Toujours à faire des conneries, à se soucier de rien sauf d’avoir sa dose d’adrénaline dans la journée, d’imaginer le monde comme un giga parc d’attractions… Je l’enviais et c’est pour ça que je le détestais.