Entends l'appel de la sirène [Dean]

Avec le printemps, venaient les premiers vrais jours ensoleillés. Les élèves envahissaient le parc pour y passer leurs journées à étudier où à se prélasser et je ne faisais pas exception à cette règle. Dès la fin du déjeuner, je m’étais faufilé à l’extérieur du château sans être vue par Kieran. Je voulais UNE après-midi calme, sans problème ni chichi, où je n’aurais pas à courir dans les couloirs de l’école dans l’espoir d’aspirer un fantôme comme dans Ghostbuster. Le Moine gras n’avait pas apprécié la fois où mon frangin voulu l’enfermer dans un bocal. Ainsi, je le laissai en conversation avec Albert pour mieux m’éclipser, un bouquin à la main, dans le parc. Le seul qui savait où me trouver était nul autre que mon voisin de table, Dean. Assez difficile de disparaître discrètement lorsqu’on mange son repas végétarien à côté de lui.

Après un moment de recherche, je trouvai un arbre près du lac sous lequel m’installer confortablement. D’un regard assassin, je chassais toute personne qui osait s’approcher trop près de moi et m’empêchait de lire 1984. Même si j’adorais le lire, cette histoire me foutait tellement la rogne. C’était comme V pour Vendetta… La population cédait beaucoup trop facilement leur liberté pour un peu de confort. Et il ne fallait surtout pas remettre en cause de faux acquis. Les gens réaliseraient bien un jour que leur mode de vie ne permettrait pas à la planète de survivre. D’accord, nous n’étions pas encore rendus au stade du monde décrit par Orwell, mais nous n’en étions pas si loin que ça. En regardant les films d’espionnage, on se rendait bien compte que les gouvernements avaient accès à tout plein d’informations. Juste Londres, il y avait tellement de caméras que les autorités pouvaient presque savoir ce que j’avais fait le 28 août dernier. Personne ne le saura outre le policier qui regardait peut-être la télé à ce moment là.

Rapidement, la lecture, la chaleur, le silence, eurent raison de moi. Je me couchai au sol, collant mon livre contre moi, et je me laissai tombée dans les bras de Morphée. Enroulée dans ma cape, je dormis comme un bébé jusqu’à sentir la présence d’une personne à côté de moi. C’était comme un don que j’avais développé en vivant avec Kieran. Pour ma propre survie, je ne pouvais pas siester sans craindre une attaque perverse de mon frangin.

« Moui ? » demandais-je en tournant la tête sur le côté sans vouloir ouvrir les yeux. « Si c’est Kiki, tu veux bien me laisser dormir encore un peu avant de me proposer une de tes idées complètement folles. »

Je priai pour que ce ne soit pas lui.

PS: je fais mon code quand j'arrête d'avoir la flemme

« Oh Dean ! Non vas-y assis toi. Surtout si t’as des mandarines. »

Je le gratifiai d’un sourire alors que je m’assoyais à mon tour. J’étais toujours de meilleure humeur après mon imitation du Snorlax et un peu de causette avec mon camarade n’était pas pour me déplaire. Surtout qu’avec Dean, je ne craignais pas de partir à l’aventure sur un coup de tête et ça, j’appréciais. Après trois ans, nous ne nous connaissions pas tant que ça, et la faute revenait en grande partie à moi, pourtant je savais que le garçon était quelqu’un de bien. Pourquoi ? Aucune idée, mais j’avais cet impression et j’aimais bien traîner avec lui à l’occasion.

« Oh tu sais, c’est pas tellement difficile de faire plus attachant que Winston. Mais j’aime bien le côté dystopique du livre parce que le mec, il l’a écrit en 1950, et finalement, nous sommes pas tellement loin de la réalité. Enfin pas qu’on a perdu notre liberté, ou pas encore, mais les gouvernements nous espionnent, faut pas se mentir. Et ça, c’est pas cool. Faut se rebeller sur ça. » Je le regardai avec un peu trop de sérieux et je me rendis compte que je pouvais lui faire peur. « Va pas croire que je suis anarchiste… enfin… pardonne moi, c’était peut-être un peu intense. »

La fille connait presque pas le mec et elle parle déjà de rébellion. J’en avais des idées dans la tête, je comprenais mieux pourquoi j’avais si peu d’amis.

« Tu savais qu’Orween a écrit Une histoire birmane d’après son expérience dans la police impériale ? Je me doute que tu dois le savoir, mais c’est intéressant non ? »

Pour le coup, Wikipedia était mon ami. Sérieusement, on apprenait plein de trucs sur ce site là. Les scientifiques pouvaient bien contester la validité de ce site, mais ce projet de creative common de contenu était génialissime. Kiki et moi y ajoutions toujours des trucs. Une fois, nous avions créé une page sur Bartholomew et elle existait toujours ! À chaque été, nous ajoutions de l’information sur lui.

« La Birmanie… ça fait rêver. » Je me recouchai sur le dos en regardant les feuilles bouger dans le vent. « Enfin, pas nécessairement que la Birmanie, mais voyager. J’aimerais tant partir avec mon backpack pour trouver ma place. » Je levai ma main pour essayer d’attraper un rayon de soleil. « Pas toi ? »

Woah, Dean était assez d’accord avec moi et il semblait même être informé sur le sujet. Il critiquait même plus que moi allant jusqu’à parler de la manipulation des esprits. Ce que, le Ministère de la Magie faisait aussi. Je ne pus que soupirer de déception. J’espérais que le monde magique serait moins corrompu parce que, bah, il y avait de la magie. Toutefois, les inégalités sociales et tous les autres problèmes du monde moldu existaient aussi chez les sorciers. Il connaissait vachement bien Orwell et ça faisait plaisir à entendre. Enfin quelqu’un qui était intéressant.

Je le remerciai en prenant la moitié de mandarine qu’il me donna. Je dus reconnaître son talent pour éplucher les agrumes. En générale, j’avais tellement la flemme qu’il restait toujours un peu de la peau blanche sur la mandarine. Je mangeai un des quartiles savourant le coup sucré du fruit. C’était un moment parfait : j’étais dehors, couchée sous un arbre avec le lac à moins de quinze mètres, avec un mec pas trop con et je mangeais des mandarines.

Dean termina son idée et je ne pus que sourire. Certes, nous avions la chance d’être sorciers. Nous pouvions utiliser la magie, ce que les moldus n’ont pas la possibilité de faire. Mais étions-nous vraiment plus libre ?

« T’as peut-être raison. J’sais pas, ça fait que trois ans que j’le connais. »

Mais être obligé de se cacher, ce n’était pas ce que j’appelais être libre. Et puis, chacun avait des responsabilités face à ce pouvoir qui nous appartenait. Un mégalomane pouvait vite se présenter et vouloir prendre le contrôle. Ça c’était déjà vu dans le passer et nous n’étions pas exempts. D’ici là, autant en profiter pour voyager. Dean semblait plus voyage où il y avait de l’eau. La mer, les lagons, tout ça… J’attrapai la carte postale pour la détailler.

« J’comprends ce que tu veux dire par l’endroit où on est le plus proche de la mer et du ciel. Avec le reflet sur l’eau, on a l’impression d’être dans une mer d’étoiles. C’est ultra joli. Ça me rappelle la Nouvelle-Zélande. ‘Pa, Kiki et moi y sommes allés v’là quelques années parce que, de un, c’est cool, et de deux, c’est là que les Seigneurs des Anneaux ont été filmés. Tu dois sûrement connaître. Si c'est pas le cas, j'te renie, j'te jure. Toute la famille est geek donc c’était un voyage obligatoire. »

Nous avions visité le set de la contrée et vu quasiment l’ensemble des endroits où ça avait été filmé. ‘Pa avait utilisé de ses contacts pour que nous puissions avoir la meilleure expérience de notre vie. Du coup, nous n’avions pas ultra profité de la plage.

« Mais si je comprends bien, t’aimes bien l’eau. »

Serieusement, ce mec m’étonnait à chaque seconde et j’appréciais de plus en plus sa compagnie. Il avait une tête sur les épaules et comprenait bien que les zoos et les parcs aquatiques étaient une invention du Dark Lord lui-même.

« T’inquiète pas, j’suis habituée à pire pie que toi. » lui dis-je en rigolant.

Déjà, Dean s’en rendait compte lui-même ce qui était franchement un avantage. Mon frère lui, parlait et parlait et parlait, et continuerait à parler si je ne lui disais pas un « Ta gueule Kiki » lorsque j’en avais marre de l’entendre. Toutefois, je ne pouvais pas dire de la fermer à un étranger. Mon frère oui, Dean non. Ce dernier me ramena à lui quand il confondit Star Wars et le Seigneur des anneaux. Je le regardai avec des yeux gros comme des galions. Il n’est pas sérieux… Il ne pouvait pas… Il était tellement parfait jusqu’à maintenant. Puis il lâcha un je blague salvateur. Par réflexe, je le frappai sur l’épaule.

« Me fais plus de peur comme ça. J’ai cru que t’étais irrécupérable. »

Il proposa qu’on regarde les films ensemble. Top comme idée, mais comment ? La technologie ici on oubliait et je ne voulais pas vraiment l’inviter chez moi durant les vacances. J’entendais déjà ‘Pa en train de s’imaginer que je lui présentais enfin un petit copain et il ne lâcherait pas l’affaire. Puis, ma famille était timbrée, inclure une personne extérieure à nos histoires risquait peu d’arriver.

« J’vais demander à ‘Pa s’il serait pas capable de mettre les films sur les anciennes pellicules parce que j’pense pas qu’il y ait des lecteurs dvd ici. Donc, dès que je mets la main sur les films, j’te fais signe. »

Maintenant, le mec voulait en apprendre plus sur moi. C’était vrai qu’en trois ans, on ne s’était pas tellement parler, mais je ne voyais pas pourquoi les gens y mettaient autant d’importance. Dean était sympa, je pouvais faire un peu d’effort.

« Il y a pas grand-chose à dire en réalité. Et t’as pas tombé sur le bon Nails pour s’étaler sur le sujet. Kiki t’aurait fait une liste complète des choses qu’il aime, avec note en annexe. »

Il s’éternisait sur tout le sujet le mec. Même sur le goût des cornichons trempés dans la mayo.

« Pour faire court, j’ai bien tout ce qui est jeu vidéo, film, série télé, livres… J’suis une méga geek, mais c’est de famille. Hum… après, j’aime les arbres et les animaux ? C’est complètement nul. J’suis obligée de faire ça ? J’comprends que tu veux bien me connaître, mais c’est un peu bizarre de parler de soi comme ça quoi. »

J’évitai de trop le regarder pour ne pas montrer ma gêne et garder le visage le plus stoïque possible. Dans une tentative de diversion, je levai mes bras pour jouer avec les rayons de soleil qui filtrait au travers des branches.

« Le truc à savoir sur moi… C’est peut-être mon côté anarcho écolo réact. Justice, égalité, liberté, écologie, tout ça… J’vais pas être celle qui va faire les discours. J’aime mieux agir. »