Dorothea ✑ Brinkmanship

ÉPOUVANTARD; C'est toujours abstrait, avec toi, jamais rien de vraiment concret, si ce n'est par intermittence. Alors ce que tu as devant toi, ce qui t'épouvante, c'est un sombre nuage fibreux ressemblant étrangement à un obscurius. AMORTENCIA; Absynthe, épices, herbe coupée. BAGUETTE; bois d'aubépine, cheveu de vélane, 24.37 cm, rigide. PATRONUS; Belette. MATIÈRE FAVORITE; Défense contre les forces du mal. BOADICEA; une simple grenouille d'une extrême nervosité, au point qu'elle rendait nerveuse sa propre maîtresse, décédée récemment. AUTRES; ...

CARACTÈRE; Criblés de balles, nous cultivons nos airs vénusiens, comme les bêtes de scène que nous sommes. Elle est des nôtres, elle aussi nombril proéminent parmi tant d’autres. Bel élan de fierté, soif de reconnaissance, puis la débâcle et la décente. La décente. Celle-là même qui nous terrifie, le délire, la psychose, pudiquement poudrées de ces poussières de drôleries, de cabrioles, d’embrassades, de mégots peut-être. Surprise de prime abord, puis lasse accoutumance, ponctuée de propos cinglants et amers, souvent démesurés, parfois vulgaires, quand elle perçoit votre écoeurant désarroi. Il faut se repentir, du moins semble-t-il, de ces regards exorbités, parfois taquins et séducteurs, toujours éhontés, assortis de paroles proportionnées. Ces effusions de passion et de folie cherchant à vous déboussoler, vous détourner de cette sacro-sainte lucidité que vous adulez à n'en plus pouvoir. C'est ce à quoi elle semble obstinément s'amarrer, mais la vérité est qu'elle n'a aucune ancre digne de ce nom, et que ses doigts érodés glissent sur votre peau, la griffent en vain, sans jamais parvenir à s'y planter.

Elle perd ses moyens et un peu plus de cet équilibre qu'elle ne recouvrera jamais vraiment. Elle les perd souvent qui plus est. Clandestinement, certes, mais souvent tout de même. Extraversion anéantie le temps de renaître de ses sordides cendres. Tantôt abattement mesquin et vindicatif, silencieux et insidieux, lové dans les plis des draps sous lesquels elle se terre abondamment, tantôt rêves refoulés et gémissements étouffés, un poing mordu, des ongles rongés, peau de lèvres arrachée. Tantôt insupportable égocentrisme, tantôt dépréciation passionnée et destructrice. Pudeur fluctuante, passion dévorante. Toujours dans la clandestinité, sous cet iceberg isolé, cette façade soigneusement tressée d’acceptables notes amassées, de sourires affables et apaisés.

VLANG.

Des gestes brusques qui trahissent pourtant cette bête noire qu’elle traîne comme un bagnard son boulet. Parfois, Dorothea, l'oeil aguerri te trouvera des airs particulièrement sombres, avec comme une manigance à venir dans le creux de tes yeux vides, quelque méfait à accomplir, quelque déraison à débrider. Sombres pensées, morbides fascinations, souffle coupé, sous ces couleurs désunies, cette figure palote et amaigrie, ces tissus délavés et engorgées par la pluie et les contes que tu t'invente. Et c'est l'arrêt. La suspension. Absences et commotions. Sentiment d’abandon. Des rêves agités dont tu gardes le secret te surprennent chaque nuit, en sueur, haletante. Pauvre petite chose qui se débat dans ses draps. Pauvre petit être démuni quant bien même ces rêves n'ont rien d'innocent ni d'inoffensif: ils portent la marque de tes fétides chimères.

Tout t’abandonne, tes forces, tes amis. Du moins tu les appelles ainsi. Nerveux nuage secoué par le désir et l’envie. Ceux-là même qui te font te lever chaque matin. L’envie. Sa main, non, sa poigne de fer autour de ta frêle gorge.

Tu les regardes, eux, ces êtres dont tu ne sais plus si ils sont plus ou moins que tes amis, et tu ne sais si tu les aimes, les envies, les abhorres. Moi je vais te dire le soucis, Dothy. Le soucis c’est que tu n’as plus aucune prise, sur quoi que ce soit, sur les autres, sur toi-même, et cela t’envenime inexorablement. Les gestes de tendresse affectée, les caresses du bout des doigts sur les avant-bras sont autant d'oasis dans le petit désert que tu es, Dothy. Il y a ce désordre et ce trop plein d’intensité dans tout ce que tu fais, cela t’épouvante. Tu ressens ce besoin de te méfier de tout un chacun, sans relâche, tu te malmènes autant que tu malmènes les autres, mais tant que tu parviens à le dissimuler, ou tout du moins à l’atténuer, tout va bien.

Tout va bien.