•• Wild horses couldn't drag me away

CARACTÈRE Emma avait toujours eu cette faculté à focaliser l’attention sur elle, sans vraiment le souhaiter; Pour une raison ou pour une autre, depuis sa plus tendre enfance, les regards s’arrêtaient invariablement sur son visage, avec chaque fois la même expression d’extase et les même compliments jaillissaient à chaque fois de leurs bouches ; Quelle charmante enfant, disaient-ils en s’émerveillant devant la régularité de ses traits et la douceur de ses sourires, au plus grand plaisir de sa mère.
Et elle n’avait jamais compris l’origine de tous ses regards mais il y a une chose qu’elle savait bien ; Elle en était gênée parce qu’elle avait l’impression que quelque chose lui collait à la peau ; Une sorte d’étiquette des plus vives dont elle ne pouvait se défaire. Elle qui ne rêvait que de la douceur et des libertés de l’anonymat était malgré elle le fruit et le réceptacle de toutes les attentions des plus touchantes mais surtout des plus indésirables. Emma avait dès lors eu, toujours cette profonde envie d’indépendance; Qu’on la laisse voguer libre loin de toutes ces lumières si gênantes si oppressantes dans lesquelles elle avait l’impression de suffoquer. Sans doute était-ce pour cela, qu’elle chérissait tant les trop rares moments où dans son jardin elle pouvait à tout loisir enfourcher son balai et voler au gré de ses envies. Elle se disait alors qu’elle irait dans la plus déserte des îles pour vivre comme elle l’entendait, sans rien ni personne pour l’observer ; Sans rien ni personne pour la juger.
Emma avait toujours été une personne difficile à atteindre. Là où les autres enfants chahutaient avec agitation ; Elle restait calme et imperturbable, intouchable loin du chaos, assise dans sa robe blanche, elle se taisait et observait le temps s’écouler devant ses grands yeux bleus, appréciant tous les petits plaisirs que lui offraient le monde ; Une douce brise, une agréable chaleur, de délicieuses senteurs qui faisaient frémir ses narines et elle se disait alors qu’elle voudrait bien passer sa vie ainsi, dans cette paisible sérénité que lui offrait ses contemplations silencieuses et rêveuses. Elle avait toujours aimé rêvasser ainsi, le menton levé vers le ciel et une assemblée de nuages qui défilait ou bien le menton pointé vers un bouquin dans lequel elle laissait son esprit se perdre afin de se délecter d’histoires et de récits dont elle raffolait temps
Emme n’avait jamais aimé qu’on la juge. Sans doute était-ce à cause de son nom de famille ; Une autre étiquette dont elle se serait bien passée et qui lui apportait au quotidien de nombreux regards curieux et questions parasites devant laquelle elle devenait un mur de silence et surtout d’indifférence. A force, elle avait appris à disparaitre pour glisser dans un monde qui n’appartenait qu’à elle ; A l’abri de toute inquisition, de tout regard indiscret. C’était sans doute ce silence, cette absence qui la caractérisait le mieux. En effet, au milieu des conversations bruyantes, enjouées ou mondaines, Emma s’évadait toujours dans des longs moments de silences où elle s’abritait derrière son regard si mystérieux et partait si loin de nous ; Elle restait là, sans pour autant y être. De cette manière personne n’arrivait à lui mettre la main dessus ; Elle devenait alors malgré elle, l’objet de toutes les attentions. Parce que c’était bien ce mystère qui les rendait fous. Ce regard qui soutenait le vôtre, même perdue dans ses pensées. Emma maitrisait la parole, le dialogue avec parcimonie, justement parce qu’elle ne voulait pas qu’on la juge ; Alors elle se réfugiait et dans cette quiétude elle observait et sans doute jugeait le monde qui l’entourait, toujours avec cet air si énigmatique, si typique d’elle au final.
Et dans cette carapace, c’était pour elle un moyen de rester à l’abri ; Surtout de toute cette masse médiatique qui la suivait chaque jour pour faire enfin éclater au grand jour, le mystère opaque et impénétrable qu’était la famille Boswell.
Mais aussi nouée que sa langue pouvait se révéler, il n’en avait jamais été de même pour son esprit, si têtu et si impulsif à la fois ; Sans doute une des pires combinaisons possibles. En effet son cœur allait toujours à tambour battant commandant à son esprit le moindre de ses caprices, sans se soucier du reste et de toutes conventions. Le fruit d’une éducation qui favorisait son autonomie et son épanouissement personnelle elle n’avait jamais réellement connu de freins. Emma était libre. Emma faisait toujours comme elle en avait envie, n’en déplaise aux autres. Elle crachait en toute impunité et avec insolence sur toutes les règles qui souhaitaient l’enfermer se livrant au fruit de ses fantaisies sans se préoccuper de tout ce qu’il pouvait bien lui arriver. Parce qu’elle avait la vie furieuse, qui battait entre ses côtes, au milieu de sa poitrine. Emma avait toujours envie de tout et envie de rien à la fois. Et à mesure qu’elle devenait adolescente, elle n’en devenait alors d’avantage et insoumise ; Aussi volatile et éphémère qu’une brise. Les passions se succédaient et se déchainaient chez Emma à une vitesse hallucinante mais ne la lâchait jamais vraiment. C’était un cycle. Tout venait. Tout passait. Tout revenait. Et ainsi de suite sans jamais finir dans un rituel bien rôdé auquel elle s’abandonnait toujours. Il s’agissait là, d’ailleurs d’un bien curieux paradoxe, elle qui contrôlait si bien et si étroitement son esprit, pliait devant la volonté de son âme. Il en résultait alors une Emma volcanique. Incandescente. Une Emma qui souhaitait toujours aller au bout des choses, qui avait l’esprit agile et perpétuellement les mots rares, mais les mots qui touchent.
Emma tournait sans doute en rond au final. Personne ne pouvait se vanter de la comprendre totalement. Sans doute parce qu’Emma ne se comprenait pas elle-même. Par moment il lui en venait des vagues et floues. Parfois elle avait des inspirations soudaines au fil de ses lectures ou de sa maturation. Il lui arrivait de s’attacher à certain modèle, de se donner des routes à suivre avant qu’elle ne s’arrête soudainement en chemin ; Lassée ou peu convaincue. Il y avait toujours des multiples excuses qu’elle évoquait mais au fond il n’y avait qu’une seule chose à en retirer.
Emma ne savait tout simplement pas.