demande don

Tu soupires. Tu observes ta baguette, posée sur un coin de ton bureau. Tu fermes les yeux. Tu as toujours été différent. Tu as toujours été ce genre d'erreur de la nature, un Dewitte sans vraiment en être un. A la naissance même tu étais différent, tu n'étais pas comme le reste de ta famille. Qui était au courant de toutes façons ? Toute ta famille savait que tu n'étais pas un simple Dewitte. Tu étais, en termes convenables, une exception. Mais si tous avaient su à quel point, tu serais probablement devenu une erreur. Un monstre. Tu lèves la tête vers les quelques tableaux qui trainent dans ton bureau, adressant un sourire mélancolique à tes aïeux. Un sourire bien plus proche du rictus déformé que toute autre chose, mais une tentative de sourire malgré tout. Tu regrettes un peu de ne pas être simplement né avec cette vocation. Mais qu'importe à présent. Ne t'es-tu pas juré de ne plus regarder derrière toi ?

Tu finis par prendre ta baguette, la faisant tourner un instant entre tes doigts. Tu jettes un oeil aux tableaux, ton regard changeant alors. Dans l'éclat de tristesse et de regret vient se distiller une goutte de mépris. Un soupçon d'orgueil. D'un geste du poignet, tu fais alors apparaître un reptile sur ton bureau, négligemment installé sur ton siège. Accoudé, te soutenant la tête de ta main libre, jambes croisées, tu observes le serpent onduler quelques instants sur ton plan de travail. Tu le fixes quelques instants. Pauvre créature, créée par magie, et destinée à disparaître par magie. Une série de sifflements plus ou moins long s'échappe alors de ta bouche, alors que les regards de tes aïeux se détournent. Les sourcils se froncent. Les mines de dégoût apparaissent. Mais tu sais pertinemment qu'aucun d'eux n'ira ébruiter ce don. Cette erreur. Tous sont bien trop attachés à la réputation de leur sang. Ils tiennent bien trop à leur image pour risquer de la salir en annonçant autour d'eux qu'un de leurs descendant est un être sombre, fait de magie noire.

Tout cela est tellement stupide. A ton avis, combien de secrets comme le mien sont enfermés dans les mémoires des vieux Dewitte ?

Tu souris en voyant les mouvements de recul des vieillards sur les tableaux. En voyant leurs airs partagés entre haine, dégoût et déni. Et pourtant, tu aurais envie de leur cracher au visage que tu es comme eux. Que le même sang coule dans tes veines. Qu'ils n'ont pas toujours été d'un blanc immaculé, et qu'un des leurs aura un jour sombré dans la magie noire, pour qu'un tel héritage lui soit transmis. Et pourtant, tu n'es pas comme eux. Tu es différent. Tu n'es pas un vulgaire Médicomage de chez Dewitte, père et fils. Un sourire ironique vient tordre ton visage. Combien de secrets ? Combien de mensonges au sein de votre histoire ? Et toi ? Que fais-tu de mieux que ces vieux croulants ? Pourquoi ne pas accepter la vérité ? Pourquoi ne pas faire face ? Tu n'es guère mieux loti qu'eux tous. Et un éclair de dégoût passe dans tes yeux, suivi d'un voile de tristesse.

Tu ne comprend guère tout ça, pas vrai ?

Nouvelle volée de sifflements. Nouvelle réponse silencieuse de la bête. Que tu finis par détruire d'un contresort, alors que Finnick te sort de tes pensées, feulant, apeuré par la présence du reptile. Tu observes ton chat tourner autour de ta zone de travail, toujours à l'affut, avant de le siffler. L'instant d'après, le voilà installé sur tes genoux. Tu lui grattes la tête, pensif. Tu sais bien qu'il le faudrait. Que tu devrais changer les choses. Te prendre en main. Accepter ce que tu es. Ce que tu as fait. Essayer de tout aplanir. Et cesser de te cacher derrière ce prétendu nouveau départ. Tu n'as rien reconstruit. Tout est encore à faire. Comme si être une erreur n'était pas suffisant : tu dois encore corriger les tiennes.