« Salut beau roux, je t’attendrai ce soir après le couvre-feu dans la salle d’entraînement. Prend juste ta baguette.
Ps : Oui je viendrai habillé, pour qui tu me prends ?!»
Disait l’origami qui attendait sagement que Marvel daigne revenir dans son bureau. C’est que j’avais espéré le croiser dans le couloir, mais il était bien trop consciencieux pour sécher ses cours. Alors que moi ça ne me dérangeait pas d’avoir une trentaine de minutes de retard que je justifierai par : « Parfois vos contacts sont en retard, c’est une excellente mise en situation. J’espère que pendant tout ce temps vous n’avez pas passé votre temps à glander et que vous allez m’exposer ce que vous pouvez faire dans ce genre de situation. » Sans même sourciller de honte. Qu’à cela ne tienne. J’attendrai.
***
21 heures passées. Les mouflets étaient tous au lit, théoriquement et les armures étaient là pour s’assurer qu’aucun de ces petits gobelins ne viennent se perdre dans la salle d’entraînement. Parce que je ne comptais pas réellement épargner le professeur d’étude des moldus et que je risquais d’en prendre pour mon grade. Parce qu’on ne sait jamais ce qu’on risque en titillant un gentil docteur Jekyll. Finir en levrlavette sur le sol était une possibilité et je n’avais pas réellement envie que mes élèves me voient mis K.O technique par le plus … euh… Docile ? Gentil ? Marvel. Oui. Le plus Marvel de tous les professeurs. Parce qu’il méritait que son nom devienne un adjectif. Marvel dont l’animal totem est un narval. Soit un poisson avec une corne. Y’a quand même plus terrifiant dans le coin.
Ce n’est pas que je doutais réellement de ma capacité à venir à bout de lui. En réalité un simple mouvement de baguette suffisait pour le rétamer. Sauf que c’était contre-productif, bien que peut-être jouissif. Je sais pas trop pourquoi il m’a demandé à moi de l’entraîner, au lieu d’aller voir McFayden. Peut-être parce qu’elle passait trop de temps en entraînement avec Leroy. En entraînement. Hein. Et donc, pour ceux qui pourraient malencontreusement tomber sur notre séance d’entraînement à nous, il est fort peu probable qu’elle tourne de manière aussi inattendue que la leur.
Toujours est-il que je ne pouvais pas réellement refuser. Bon en fait si, mais ce serait assez dommage. Il me connaissait, ou du moins j’osais espérer qu’il me connaissait suffisamment pour savoir que je n’allais pas y aller de main morte. Enfin. Excepté mon bras hors d’usage. Je ricane et je me désespère en même temps. Un jour j’avais eu du respect pour moi. Sauf qu’il ne savait pas à quel point je comptais le titiller.
J’avais plus ou moins conscience que cette histoire avec les sigmas le dépassait un peu. Et qu’il se sentait démuni. Et puis de toute façon, si le fleuron de la sorcellerie échouait quand ils étaient ensembles- référence subtile à la stupéfixion générale que j’avais loupé - alors lui tout seul ?
Au moins je pouvais m’assurer qu’il ne décède pas si, un jour, au détour d’une ronde il se retrouve nez-à-nez avec une de ces engeances d’harpies et de trolls au masque doré. Il allait falloir que je fasse ressortir ce que j’avais toujours soupçonné en lui et qu’il étouffe derrière des raclements de gorge maniéré et autres rougissements certes mignons, mais totalement désespérants. Et irritant, quand vous aviez passé une partie de votre jeunesse à essayer de le pécho au détour d’un couloir. En vain.
Enfin. Tout ceci était derrière-moi depuis longtemps et je souhaitais très bon courage à celle qui avait pris le relais. S’il avait pas fini marié avec une vieille sangsue qui a essayé de -ou réussi à- vampiriser tout son argent et sa gentillesse. Ce qui ne m’étonnerait qu’à moitié. Très franchement.
Ah. Et il y avait cette histoire avec Bo. Je n’avais pas réellement compris les circonstances de leur engueulade, mais ça semblait sérieux. Très sérieux. Et j’avais l’intention très sérieuse de ne pas m’en mêler plus que de raison. Mais si ça pouvait le mettre en rogne, c’était bon à prendre.
Je m’installe en tailleur au milieu de la pièce, installant mon bras inerte sur mon genoux de manière à avoir presque l’air d’avoir une posture normal. Il ne restait plus qu’à attendre Marvel.
Every man is a warrior from a world we'll never know, know, know Every man is a warrior in a world we'll never know, know, know.
Ça avait commencé par un origami, qui l'avait fait doucement sourire. Non seulement Caelum avait pris au sérieux son appel à l'aide, mais en plus il ferait l'effort de s'habiller cette fois-ci. Il faudrait songer à un moyen de le remercier, de lui renvoyer l’ascenseur pour avoir accepté de l'entraîner. Était-il plus du genre à apprécier les tartes aux pommes, ou les écharpes tricotées à la main ? À moins que Marvel ne trouve un moyen de l'aider avec quelque chose de plus personnel. Voyons voir, quels étaient ses talents ? Il s'y connaissait sur la culture moldue, et en robotique. À moins d'arriver à lui fabriquer un bras bionique, ses savoir-faire ne seraient pas très utiles à son ami. D'autant plus que pour ça, il faudrait que l'autre accepte l'idée qu'il ne retrouverait jamais son membre atrophié. Et très honnêtement, c'était un terrain miné sur lequel Solberg ne préférait pas s'aventurer.
La boule au ventre, le rouquin s'était préparé pour ce rendez-vous nocturne. À quoi devait-il s'attendre ? Il n'en avait franchement aucune idée. Mais s'il pouvait être certain d'une chose, c'est que Caelum Bones ne le ménagerait pas. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il s'était tourné vers lui plutôt qu'un autre. Parce qu'il en avait assez d'être la petite chose fragile à protéger.
Dans un monde où les femmes étaient reines, il avait toujours été celui qu'il fallait couver. Pauvre Marvel ! Si fragile, si délicat. Si faible, comme sorcier. Et pourtant si doux, si gentil. Une vraie peluche humaine. Durant des années, on s'était même demandé s'il ne finirait pas cracmol. Mais ce n'était pas grave, il avait d'autres qualités. C'était un intellectuel aux gestes trop fragiles, un génie incompris, la tête perdue dans les étoiles. Alors en réponse, on l'avait couvé plus que de raison. On l'avait étouffé de câlins et de mots doux, comme un véritable petit trésor.
Mais ça, c'était avant l'attaque des Sigmas. Cette dernière avait réveillé quelque chose de féroce en lui. Et cette fois-ci, il ne comptait pas fuir. À quoi bon cacher son feu intérieur, quand il pouvait apprendre à le contrôler ? Certes, la magie l'avait toujours effrayé, mais elle pouvait aussi provoquer des miracles et sauver des vies. L'utiliser était le seul moyen de faire face à ceux qui voulaient tout détruire. Même si pour ça, il devrait les renvoyer en enfers.
« Caelum, bonsoir. » Avait-il lancé vers son collègue, en refermant délicatement la porte derrière lui.
C'était étrange de se retrouver ici, dans cette même salle où il s'était ridiculisé tant de fois. Car il n'avait manqué aucun des cours de rattrapage donnés par McFayden. Pourtant, quelque chose n'allait pas avec lui. C'était comme s'il si son corps et son esprit étaient déphasés. Il connaissait les formules et les gestes, mais rien ne se produisait. Et si le choixpeau avait fait une erreur, en l'envoyant à Poufsouffle ? Et s'il n'avait tout simplement jamais eu ça dans le sang ? Cette idée le terrifiait, autant qu'elle le réconfortait dans sa nonchalance. Car s'il voulait arriver à des bons résultats, il allait devoir travailler. Et pour cela, il faudrait sans doute débloquer quelque chose dans son cerveau, et se confronter à des côtés de lui qu'il n'assumait pas totalement.
« … Merci d'avoir accepté de me donner un coup de main. » Sérieusement ? C'est tout ce qu'il trouvait à dire, à un mec qui avait perdu un bras entier en se battant pour une noble cause ? Et le pire dans tout ça ? Ce n'était même pas une boutade volontaire. Non, Marvel était juste terriblement maladroit.
« O-ou plutôt de baguette. Enfin tu m'as compris : c'est super gentil de bien vouloir m'aider quoi. Je te revaudrai ça, c'est promis. » Et il avait baissé les yeux, rougissant de honte. Et merde, quel imbécile il faisait.
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