Curiosity killed the cat, qu'ils disent. Curiosité aurait assassiné Lynch il y a bien longtemps, si elle avait pu. Elle l'aurait noyé dans le grand lac de Poudelard alors qu'il n'était qu'un enfant (car elle est immorale). Ou elle l'aurait bouffé tout cru dans les bois d’Allemagne, où les erlkings sont légion (immorale et morbide). La curiosité a peut-être raté de l'avoir pour de bon, mais elle l'a probablement rapiné d'autres parts de lui - son oreille est un exemple ; ou son index. Ou son innocence. Une fois qu'on croque dans le fruit de la vérité, la pomme, on scelle notre destin pour de bon. Et on commence à aborder la fatalité comme sujet de discussion le matin, au petits déjeuner.

Ou pas. Lynch ne petit-déjeune pas avec la conviction. Lynch est une sorte de chat de Schrödinger, en un double sens. Mort et vivant à la fois ?

Par contre Lynch flirte avec les secrets, et c'est un lourd secret qui doit siéger derrières les tatouages son professeur.

Lorsqu'il était rentré dans la classe, c'était la première chose qu'il avait remarqué. Et c'était la curiosité justement qui l'avait poussé à choisir de s'asseoir au second rang, pour inspecter de plus près ces ratures tribales.

Pour ne pas alléger ses interrogations, le professeur leur interdit d'aborder ce sujet. Cela prouva seulement la propriété magique de ces tatouages, pour lui. Pourquoi chercherait-il à rendre le sujet tabou s'il était n'était pas chargé d'interdits, justement ? Ou peut-être que c'était de simples tatouages, qui sait, chat de Schrödinger on a dit.

Tatouages, tatouages, tatouages. Tu passais déjà ton pouce d'un air réflexif contre ta lèvre inférieur en noyant les bruits autour de toi ─ les élèves qui répondaient à la question du professeur, les sièges qui grinçaient contre le sol, les rares blagues, les quelques rires ─ ils s'étaient tu ; tu t'es perdu dans ton palace mnésique. Tu te rappelles d'un livre (moldu) que tu avais dévoré plus jeune. Il s’avère que dans le folklore, les tatouages avaient une fonction de canalisation. Dans les vieux tribus africaines par exemple, certains enfants étaient utilisés comme réceptacles pour des "esprits maléfiques". On versait l'entité dans le corps, et on le tatouait pour le sceller, afin d'empêcher l'esprit de s'échapper. Dans d'autres rituels, on tatoue seulement celui destiné à être offert en sacrifice.

Si tu pensais que ton prof était un réceptacle ou un sacrifice ? C'est ce que t'aimerais bien savoir. Tes informations sur ce domaine sont en l’occurrence limités ─ pour l'instant ─ alors tu préfères freiner tes théories cocasses.

Non, vraiment, si ça se trouve ce n'était que des tatouages esthétiques.

Tu reviens enfin à toi, mais pas à temps faut croire. On attendait que tu répondes depuis de solides secondes, déjà. Tu réalises que c'était ton tour de réponse, et te lèves sitôt dans un grincement familier.

Pardon. L'art de la potion...

Comme si tu n'avais pas gratté assez de secondes en plus déjà. Blanc de mémoire, tu avais été arraché trop vite de ton palace. Tu es dans cet état précaire, ce vide qu'il y a entre tes anciennes pensées et les nouvelles que tu es supposé assimiler.

Hm, l'art de la potion...

Répéter la même formule deux fois n'aida ton cerveau à se réactualiser faut croire.

...c'est comme la cuisine, quand il s'agit de l'appliquer.

Première pensée qui éclora. Et qui n'a rien à voir un peu avec ce qui suivit, mais tu récupères tes repères comme tu peux.

Il faut être assez méthodique, puisqu'il faut savoir tout suivre à la lettre, mais... assez flexible et intuitif aussi, car on ne sait jamais ce qui peut arriver durant la préparation d'une potion. Un cheveu peut tomber dans le chaudron, ou une mouche, je sais pas....

Tu te perds, là.

...ce que je veux dire, c'est que l'art de la potion n'est pas binaire, c'est pas : je rate une potion ou je la réussis. C'est plus compliqué. Le vrai artiste des potions est celui ─ enfin selon moi ─ c'est celui qui ne compte pas seulement sur la rigourosité, mais qui sait sauver un ingrédient extrêmement rare à temps lorsqu'il voit que sa potion est sur le point de rater. Hm...

Et tu t’assois.

Il ne t'avait fallu que le bout du file pour remonter tes pensées au final, mais tu t'es sacrément éparpillé. Il n'empêche que, comme chaque réponse donnée pendant ce cours, chacune donnait une idée sur la couleur des pensées de la personne.