Bo connaissait tous les membres du personnel administratif et éducatif de l'établissement. C'était son travail. Et en même temps, elle n'en connaissait presque aucun et cela lui convenait parfaitement.

Elle était retournée au buffet et sirotait tranquillement sa de bière-au-beurre quand le premier invité entra dans la salle. Elle reconnut le jeune bibliothécaire, l'un de ses rares collègues qui trouvait grâce à ses yeux et lui offrit un hochement de tête discret quand il la salua. Elle n'était pas décidée à se montrer plus sociable que cela ce soir – elle n'était pas là de son plein gré et elle comptait bien le faire sentir.

Bo avait la main plongée dans le bol de chips quand la professeure de rhétorique entra à son tour (elle lui grogna une réponse à son bonsoir), suivit du professeur de potions. Elle ne prit pas la peine d'essuyer l'huile qu'elle avait sur les doigts quand il lui serra la main, et fronça un peu plus les sourcils quand il l'appela Isabeau au lieu de Bo ou tout simplement son nom. Elle ne se présentait jamais sous ce nom qu'elle n'aimait pas entendre et que personne n'utilisait jamais, mais ses collègues arrivaient toujours elle ne savait comment à le lui jeter à la figure. Allez savoir.

Elle avait entamé sa deuxième bouteille quand le professeur de botanique les rejoignit, elle le regarda ajouter son présent au bar déjà pourtant bien rempli avant qu'il ne revienne baiser les mains des dames. Bo le laissa faire, ses doigts toujours recouverts d'huile et de sel, et elle se demanda quelle était cette manie d'établir un contact physique avec de quasis inconnus. Puis elle décida d'arrêter les frais et partit s'isoler à l'autre bout du buffet, là où elle avait peu de chance de se faire emmerder par ses collègues. Et là où se trouvaient également les verres et les bouteilles non-entamées.

La succession des professeurs continua, et entrèrent tour à tour ceux de japonais, français et soins aux créatures magiques. L'un avec une bouteille (à croire qu'ils avaient tous peur qu'elle organise mal cette réunion), l'autre avec un rhume (qui lui arracha un sourire) et le dernier avec une annonce de scroutt à pétard en fuite (elle l'aurait engueulée si elle n'en avait pas rien eu à faire). L'annonce eut néanmoins son petit effet à en croire les réactions des autres personnes présentes mais l'attention de Bo fut vite attirée par Galen près d'elle.

« Hey Isabeau, je voulais simplement signaler que j'ai reçu un hibou de l'école, mais euhm... Ouais, j'ai pas pu lire ce qu'il m'avait envoyé. Peut-être que ce serait mieux d'envoyer un elfe la prochaine fois ? Parce que bon, le hibou... Ouais non. He... He he...
_ Je pensais que ces piafs avaient un peu plus d'instinct de survie que ça, soupira-t-elle en terminant sa bière. Bon au moins t'as pas eu besoin de lire le message puisque tu es là. T'en veux une ? »

Elle lui refourgua une bière dans les mains sans attendre, avant d'entamer elle-même sa troisième. Plus loin, le spectacle de Shasta toute furibonde lui tira un sourire ; c'était toujours plaisant de voir quelqu'un se colérique s'énerver sur quelqu'un d'autre que soi. Surtout quand la victime était un demi-géant plus qu'imposant et l'agresseuse une femme en dessous de la taille moyenne.

Tout autour de la salle des groupes commencèrent lentement à se former et Bo soupira, désireuse que les choses se déroulent rapidement. Elle se tourna alors vers Galen, se souvenant qu'elle n'avait sans doute aucune idée de ce qu'ils faisaient tous réunis ici.

« Le directeur voulait organiser une réunion de rentrée. Histoire de discuter des derniers événements et se mettre au point pour la suite. Il voulait qu'elle soit aussi légère que possible, alors j'ai fait le plein de boissons. Tout est sous les tables. »

Et elle lui fit un clin d’œil entendu, avant de retourner à sa bière-au-beurre.

« Merde il faut faire quelque chose... »

Protecteur, ta main est venue se poser sur l'homme qui t'accompagnait. Un scrout à pétard. Ce n'était pas un peu dangereux comme bestiole ? Sûrement car sa moitié proposait de prendre les pièges que lui avait laissé son prédécesseur. Alors qu'Isabeau avait expliquer la raison de leur présence. Ce qui était logique, qu'il fasse un petit tour pour se connaître. Afin de mieux encadrer les élèves, mais aussi boire de l'alcool sans culpabiliser. Comme pas mal de japonais, tu n’échappais à un amour particulier pour la boisson a la couleur des blés. Tu caresse sa main de ton doigt, toute la douceur dont tu étais capable concentrée pour le soulager un peu de sa nervosité.

« Qui ça ? Le demi-géant, c'est Atlas. Les autres, suffit de demander. Je ne sais pas si ça va durer longtemps. Ce que je sais, c'est que C'est pour notre bien à tous les deux ce genre de moment. Histoire de savoir les noms des personnes à contacter. Comme notre excellent potioniste, Seth, ne regarde pas trop ses tatouages, il n'aime pas particulièrement ça. »

Tu lui faisais grâce d'un sourire suivi d'un clin d’œil avant de posé un baisé éclair sur le coin de ses lèvres. Tu gardais un contact avec lui, c'était en même temps pour toi et lui. Tu gardais un joli sourire. Tu n'étais plus seul à affronter ces personnes. Tu appréciais certaines, d'autres que tu connaissais que peu. Tu voulais t'approcher du prof de soins aux créatures magiques. Les animaux t'avais toujours fasciné, en dépit de leur fuite face à toi. Tu pourrais même faire fuir le scrout qui s'était déjà échappé de la surveillance de son soigneur. Tu prenais un peu bierreaubuerre. IC'était spécial. Mais il y avait pire comme goût.

« Bah, il y a une sacré réserve, tu as prévu pour un régiment. Tu peux être fière de ta réserve Isabeau ! »

Tu faisais des compliment sincères, teinté de ton léger accent. Tu savais que tu finirai par lâcher ne ou deux de tes plaisanteries qui ne ferait rire que toi. Mais que serait une soirée sans elles. Même dans la sphère privée, tu le faisais. C'était toujours un plaisir. Ça permettait au moins de rire de toi-même. Vraiment, tu avais bien fait de traîner le loulou dans cette soirée, il en sortirait plus social. Bien qu'une part de toi serait jalouse. Le côté qui s'inquiétait de sa fuite. Comme celle de bien d'autres avant lui... C'était nouveau ça, l'alcool mélancolique ?

Il commença à sembler très clair aux yeux de Bo que, où qu'elle aille dans cette salle immense, un collègue trouverait toujours le moyen de venir le rejoindre ou de lui adresser la parole. À croire qu'elle était maudite. Ou que ses collègues étaient beaucoup trop sociables à son goût. Galen s'éloigne et elle ne la retient pas, mais déjà de nouvelles apostrophes fusent et ce prénom honni résonne dans une nouvelle bouche. La partie rationnelle de son cerveau lui souffle que le tout jeune professeur de japonais ne pense pas à mal. Tout le reste qui se fiche bien de la rationalité lui suggère de l'écraser avec tout ce qu'elle a de morgue et de méchanceté. Elle réfléchit un instant à toutes les choses blessantes qu'elle pourrait lui lancer, puis finalement boit une nouvelle gorgée de bière et se contente d'un hochement de tête vaguement poli pour répondre à son compliment.

« Bo, pas Isabeau. Bo. »

Elle le grogne, toute sa mauvaise humeur contenue mais toujours présente. Comme ça, la prochaine fois, elle aura une bonne raison de l'envoyer paître avec les scroutts. Plus d'excuses, que des conséquences. Cae arrive à son tour, lance des salutations auxquelles elle répond mollement, dépose sa bouteille et repart aussi sec. C'est à la vue de cette dernière que Bo réalise que celle qui se trouve dans sa main est vide. Elle l'a bue bien plus vite qu'elle ne pensait. C'est au tour de la psychologue scolaire de venir la féliciter pour cette belle initiative qui n'est pas la sienne et elle soupire avant d'ouvrir une nouvelle bière-au-beurre d'un coup de baguette machinal et de la placer dans les mains de Nasha.

« C'était l'idée de Bogeyman, tu n'as pas lu l'invitation ? »

Pour la première bonne impression on repassera, mais au moins lui a-t-elle offert à boire. Bo s'éloigne sans une seule arrière pensée et encore moins un soupçon de culpabilité, en quête d'un alcool bien plus fort. D'un nouveau mouvement de baguette, elle sort le whisky-pur-feu de sous la nappe où il était caché et en verse une quantité raisonnable dans plusieurs verres. Puisque cette réunion ne semble mener nulle part (parler des sigmas ? imaginer une contre-attaque, un moyen de défense ? pour quoi faire ?), autant écouter le conseil d'Atlas et se lâcher. Et puis, avec de l'alcool dans le sang elle supportera sans doute beaucoup mieux tout ces bons sentiments (hypocrites) qui lui saturent les sens. Avec ce qu'elle a de chance, quelqu'un d'autre va venir l'emmerder et il ne lui restera plus qu'à faire la bouteille cul-sec.

« Bon...jour et bonne année. »

Quand on parle du loup (ah putain jeu de mot qu'est-ce qu'elle est drôle)(peut-être qu'elle n'est plus si sobre que cela à force). Bo lève son regard patibulaire habituel vers le nouveau venu mais un vague sourire vient étirer le coin de ses lèvres à cause de cette blague hilarante qu'elle s'est faite à elle-même. Jaydan le nouveau garde-chasse semble intimidé, ce qui lui fait plaisir et l'amuse beaucoup en même temps. Ça va elle ne mord pas non plus (contrairement à lui)(bordel elle a mangé un clown ce soir).

« Bonne année. Tiens. »

Elle lui flanque un verre de whisky dans les mains sans lui demander son avis, puis en attrape un autre et trinque.

« Et bonne soirée, puisqu'apparemment on parle pas des sujets sérieux et on se lâche à la place ! »

L'alcool n'efface pas tout non plus, manquerait plus qu'elle perde son sarcasme. Déjà Bo part dans une direction opposée, ses verres pleins flottant dans son sillage, avec dans l'idée de s'imposer auprès de Serge qui a toujours réussi par elle ne sait quel mystère à supporter ses humeurs massacrantes et les calmer (tout le contraire de Caelum et Shasta, qui ont tendance à jeter de l'huile sur le feu chacun à leur manière). Elle se doute qu'elle interrompt quelque chose quand elle voit le petit bibliothécaire agripper la chemise du professeur de français. Bo lève les yeux au ciel et arrive juste à temps pour capter les dernières paroles prononcées.

« Tu as un peu de fièvre. Tu es sûr que ça va aller ?
_ Heureusement j'ai un remède miracle pour ça. »

Aussitôt les verres trouvent les mains de leurs nouveaux propriétaires et elle trinque avec chacun d'entre eux.

« Dans les yeux, ou sept ans sans sexe, dit-elle en français à l'adresse de son compatriote. »

Son regard en dit long sur à qui elle pense quand elle mentionne cette privation, puis elle se tourne vers Hyacinthe qui semble bien trop amorphe à son goût. Il va falloir le secouer.

« Tu n'as pas entendu ce qu'à dit Atlas ? Bois, ça te fera du bien. Santé ! »

Bo avale son whisky sans sourcilier.

Voir un verre d'alcool dans ses mains était toujours un moment comique. Tu ne savais jamais à l'avance à quel partie sombre tu ferai face. Aurais-tu droit au séducteur ou au casanier qui ne te parlerait même pas. Ou pire une nouvelle personnalité. Les paris étaient ouverts. Alors que la demoiselle aux cheveux si blonds qu'il rivalisaient sans peine avec la boisson alcoolisé qui était sur la table. Comme pas mal de personne de ta nation, tu aimais beaucoup, mais la couleur te faisait plus pensé à de la paille qu'à ses cheveux. Tu trouvais les siens bien mieux. D'ailleurs en tant qu'homme ne voulant pas trop le conflit, tu allais lui dire autant mettre les choses bien.

« Bo-chan, je préfère ta couleur de cheveux que celle de la bière, qui tend plus vers le ocre. »

Alors qu'elle semblait se préoccuper des malades du lot. Les pauvres. Les malades sont si arrangés que ça te fait pas mal de peine. Voir ainsi la demoiselle virevolter disait clairement que l'alcool commençait doucement à faire son œuvre. Tu la voit avaler un autre verre. Tu demande ce qu'elle pourrait faire. Ton compliment était peut-être mal tombé. Tu n'en savait rien. Tu haussais les épaules. Tu étais venu ici pour papoter avec des collègues. Alors tu le ferai.

Tu t'approche d'un groupe. Celui composé de Hyacinthe, un des malades, d'après ce que tu avais pu voir. Mais trop t'approcher serrait risquer un rhume. Mais si tes nombreuses excursions aériennes au Japon avait un avantage, c'était de te prémunir contre ce genre d'attaque immunitaire. Alors une distance raisonnable entre lui et toi. Tu le saluais.

« Bonjour, Hyacinthe-san, il ne faut pas trop vous forcer, si ça va pas. Je crois qu'un petit somme dans un coin vous sera plus que favorable. Mais après je suis pas votre père. Faites comme bon vous semble. Atlas-san vous retrouverez votre créature étrange. Sinon je sais pas ou vous vous fournissez, Bo-chan, c'est une bonne cuvée. »

Pour preuve, tu prenais un verre que tu buvais, cul sec. Ta résistance à l'alcool va atteindre ses limites dans cette réunion, mais ça tu en avais rien à faire. Tu étais là pour pour ça en partie. Laisser le tout au lendemain, fêter cette année avec de nouveaux collègues. Autant mettre les formes. Se montrer encore plus sociable. Une soirée qui s'annonçait superbe, mais peut-être se tromperait-il. Bo-chan, ça te faisait un peu rire.