il faut bien que jeunesse se passe.

Peu de temps après lui, c’est au tour d’Arthur de se sentir mieux, au grand soulagement de son meilleur ami.
Bien sûr, ils ne sont pas encore prêts à sortir gambader dans l’herbe, tous les deux, mais le sol ne tangue plus dès qu’il bouge, et son estomac semble enfin s’être calmé. Une partie de Lancelot ressent vraiment de la reconnaissance vis-à-vis de Joyce. Une autre ne désire qu’une seule chose : la taquiner un peu. Il faut dire que c’est beaucoup plus confortable pour lui, ainsi. Remercier quelqu’un, c’est assumer sa faiblesse et reconnaître que l’on a eu besoin de son aide ; c’est une façon d’avouer sa vulnérabilité, et le Serpentard ne supporte pas ce fait.
Cela dit, elle l’ignore complètement, se contentant de répondre sur un ton plutôt professionnel – à sa grande déception.
« Oui maman. Arthur et moi, on va jouer à un jeu de cartes dans nos lits. »
En fait, c’est un message codé pour Arthur. Généralement, quand ils évoquent un jeu de cartes, cela veut dire qu’ils ont des choses à discuter. Des choses concernant les duellistes illégaux, bien sûr. C’est le moment idéal : pas d’infirmier, pas d’autres élèves, et la préfette ne va probablement pas rester avec eux tout le temps, elle s’ennuierait trop. Elle s’est assurée de leur état, et a rempli son devoir ; désormais, plus rien ne l’oblige à passer du temps en compagnie d’un type comme lui.
Si elle se montre plutôt gentille avec le gamin, elle ne peut s’empêcher de lancer une pique à l’attention de Lancelot. Un aîné plus calé, vraiment. Le jeune homme la regarde froidement, mais ne dit rien. Il sait très bien que, s’il en avait envie, il lui ferait très facile d’être bon en potions. Mais qu’est-ce que cela lui apporterait, sur le plan professionnel ? Pas grand-chose. Par conséquent, il ne voit pas l’intérêt d’étudier cette matière plus que le minimum nécessaire. De toute façon, le Suédois a toujours préféré les sortilèges. C’est bien plus utile dans un duel qu’une banale potion.
« Je les y ai laisserai, mais si tu ne les trouves pas, ne t’en plains pas, c’est que quelqu’un les aura volées. »
Joyce finit enfin par sortir de l’infirmerie, et Lancelot lance un profond soupir de soulagement. Ce n’est pas qu’il ne l’aime pas, mais sa façon de le traiter, trop maternelle et en même temps trop méprisante, le dérange toujours un peu.
« Bon alors, on passe au travail ? propose-t-il à Arthur. J’ai une petite suggestion à te faire... »
Un sourire malicieux accroché à ses lèvres, le Serpentard vérifie pendant quelques secondes qu’ils sont bien seuls, avant de s’approcher d’Arthur et de s’asseoir sur son lit, commençant à lui murmurer quelque plan machiavélique dont il a le secret...

Arthur ne savait pas ce que Lancelot pensait de la préfète de Serpentard, mais le Serdaigle fut d'avis quant à lui qu'elle était une personne aussi responsable que sympathique, tout à fait le type de caractère qu'il fallait à ce rôle. Elle avait bien fait son travail : elle leur avait fourni un remède efficace, ne leur avait pas crié dessus pour leur maladresse alors qu'ils l'auraient pourtant bien mérité, et elle avait même quelques conseils de bon sens à leur donner. Il est vrai qu'Arthur ne se serait sans doute pas reposé davantage si elle ne lui avait fait comprendre que c'était dans son intérêt de prendre le temps de se rétablir complètement. Lui se serait levé comme si de rien n'était pour profiter du reste de sa journée, avant de s'effondrer le soir venu à cause de quelques effets secondaires mal venus. Peut-être Fitzgerald le prenait-elle un peu trop pour un gamin malgré tout, mais Arthur n'avait pas fait grand chose pour tromper cette impression. Lancelot, lui, se sentait particulièrement infantilisé et n'hésita pas à appeler la préfète « maman » pour se moquer d'elle. Ce n'était pas très poli, comme réaction, mais ça lui ressemblait tout à fait. En revanche, le sous-entendu était très sérieux, et il était évident que Joyce Fitzgerald n'allait pas le comprendre. Arthur lui-même fit comme s'il n'y avait strictement rien de suspect.

« Encore merci ! déclara joyeusement Arthur en refrénant son envie de lui sauter au cou. Je m'en occuperai demain, alors, et je penserai à demander à quelqu'un de plus compétent la prochaine fois ! »

Quoi ? Après tout, ce n'était pas lui qui avait sous-entendu en premier que Lancelot n'avait pas un bon niveau en potion. Et puis, il fallait bien que l'un des deux paraisse un minimum raisonnable. S'il était mesquin de punir Lancelot de la sorte, d'autant plus lorsque la faute venait de lui, Arthur aurait eu du mal à s'en priver. Même s'il savait que l'orgueil chevaleresque de Lancelot était déjà profondément blessé. Mais il avait besoin de comprendre qu'il ferait mieux de ménager les préfets s'il ne voulait pas avoir de sérieux ennuis. Un préfet qui le détesterait n'aurait aucun scrupule à le dénoncer s'il découvrait le pot-aux-roses.
La préfète partie, ils se retrouvèrent seuls dans l'infirmerie. C'était l'occasion idéale de reprendre leur discussion là où ils l'avaient abandonnée... néanmoins, Arthur n'était pas trop serein, car il ignorait quand l'infirmier reviendrait, ou quand un autre élève viendrait se faire examiner. Rester sur place n'était pas très prudent, l'infirmerie était un lieu public après tout. Cependant, Lancelot avait envie de se remettre au travail, et le sourire malicieux qui trônait sur son visage montrait clairement qu'il n'avait pas envie d'attendre pour lui dire sa fameuse bonne idée. Arthur surmonta ses inquiétudes et écouta Lancelot lui murmurer sa suggestion dans l'oreille. Heureusement, personne ne pouvait les voir se livrer à de telles messes basses. Par réflexe, Arthur se mit à rire, sachant très bien que Lancelot comprendrait qu'il ne se moquait pas de lui, mais qu'il ne faisait que sauver les apparences. Il ne se sentait pas tranquille dans cette situation.

« Écoute, glissa Arthur à son tour, c'est une très bonne idée, mais on ferait mieux de parler dans un coin plus tranquille, n'est-ce pas ? On se retrouve au point de rendez-vous numéro 14 dans dix minutes. » Puis haussant la voix. « Je vais me reposer un peu dans mon lit, celui-ci sent trop le vomi. »

À peine cette deuxième phrase dite pour brouiller les pistes, Arthur se leva doucement de son lit, récupérant ses chaussures et le reste de ses affaires, avant de sortir de l'infirmerie et de prendre la direction de la tour des Serdaigle.