Episode #5

Et même lui avait cédé à la vague d’enthousiasme déferlant en ce moment même entre les couloirs de Poudlard. En les voyant courir d’un pas agité et virevoltant, s’exclamant tous aux terrains, tous aux terrains, à tue-tête il avait alors levé le nez de son livre puis jeté un regard par la première fenêtre pour apercevoir un spectacle formidable de balais volant en tous sens.

Excité comme un gamin à la mention du noël qui approchait, pour Demeter le plus précieux des cadeaux sous le sapin serait sans doute le retour du Quidditch. Car pour lui il était impensable que tous ces évènements n’y aboutissent pas. C’était la logique des choses. Et s’il était vraiment très attiré par l’idée d’assister à des dragonruns, le Quidditch par son passé historique avait un côté sacré chez les sorciers et suscitait un engouement semblable à nulle autre pareil. Et la famille de Demeter n’y faisait pas exception. Il avait assisté à toutes les coupes du monde et suivait attentivement les résultats hebdomadaires de la ligue, supportant avec ardeur le club de Flaquemare en compagnie d’Argus. Il oublia alors son examen de potion pour lequel il révisait, tandis qu’il faisait route vers le vieux stade de Quidditch. Mais Demeter restant Demeter malgré la joie soudaine qui l’habitait, il joua, rugueux, des coudes en écartant des minus de premières années qui lui bloquaient le passage, provoquant quelques protestations indignées bien vites transformées en mines apeurées lorsqu’il leur imposait le silence par un sourire carnassier. Il griffonna rapidement un origami en route pour prévenir Juniper, James sûrement à la bibliothèque prit même le soin d’en envoyer un à Stella pour la convier aux festivités et fit finalement de même pour Rosabel, même s’il doutait quelque peu que les deux dernières viennent. L’événement était peut-être un peu trop trivial pour elles. Dans tout cela il n’oublia évidemment pas Argus même s’il était certain que ce dernier ne vienne pas tant son aversion pour les balais était devenue systématique. Il songea alors qu’il fallait définitivement faire quelque chose pour résoudre ce problème, mais deux ans d’efforts ponctué de méthodes les plus diverses et variées n’avaient en rien aidé à soulager la phobie de son meilleur ami.

Finalement parvenu au bas du château, il fila rapidement à travers la cour du château, rejoignant une petite procession d’élève qui allait bien évidemment dans la même direction que lui. Parvenu sur place il observa avec merveille et allégresse la danse virevoltante des balais ; Une vision nettement plus apaisante que le ballet chaotique des hiboux duquel il avait été victime quelques semaines plus tôt. Il n’eut pas loisir de détailler les lieux ni la foule qui s’y trouvait plus longtemps, puisqu’un balai parvenu derrière lui, le fit s’envoler d’un coup.

Pas vraiment ravi, Zachary se frotta la tête en se relevant. Il n’avait pas prévu de rencontrer le mur, mais le balai qu’il avait choisi d’enfourcher en avait décidé autrement. Pestant contre ledit balai comme un gamin, le Serpentard se releva, épousseta sa veste avec dédain et secoua les cheveux. Le pauvre balai, fatigué de ces années passées à ne rien faire, n’eut droit qu’à un regard froid de sa part lorsque le jeune homme ramassa la batte qu’il empruntait pour la journée. Enfin du matériel qui acceptait de coopérer.
Visiblement capricieux, deux autres balais entrèrent dans la réserve, emportant avec eux Kieran, Abby et Kenji. A cette vue, le jeune homme émit un ricanement, qu’il étouffa assez vite derrière un petit sourire en guise d’excuses. Il se dégagea ensuite de la réserve en désordre, bien décidé à voler sur un balai. Pas question de se laisser faire !

Tête de mule qu’il était, et avec toute la détermination du monde, il se plaça au bord du terrain et leva le bras, attendant qu’un balai un peu plus docile que le précédent se pointe par là. Il le méritait, ils allaient bien finir par lui obéir. Lui aussi voulait pirouetter dans le ciel, passer au travers des anneaux, virevolter comme un oiseau ! Et il n’était pas le seul élève coincé au sol. Pas question de se laisser faire, lui aussi avait droit à sa part de sensations fortes !
Alors quand un balai passa à sa portée, il était prêt. Il s’en saisit fermement, avant de l’enfourcher ; et il ne souhaitait qu’une chose. Qu’il accepte de voler. Hé, sois pas trop présomptueux mon gars.

« Quand la nouvelle était parvenue à Darwin, sa mâchoire avait failli tomber. « Les balais ? Tu es certain ? » Avait-il demandé, les yeux perdus dans le vide; l’esprit assailli par une multitude d’émotions. C’était à peine si il avait attendu la confirmation de son roux ami, claquant ses affaires et les engouffrant dans son sac sans fond — quittant la bibliothèque d’un pas soutenu. « C’est fou, par Merlin; totalement dingue ! »

Qui aurait cru que ces bouts de bois arrêteraient un jour de n’en faire qu’à leur tête ! Lui qui depuis si longtemps rêvait de pratiquer le vol plus que de ne l’étudier ! Il avait assisté à de nombreux matchs de Quidditch, avec ses parents et ses cousins : il fallait dire qu’oncle Ben était particulièrement friand de ce sport ! Il se souvenait, oui; de ces cris et de ces couleurs — se souvenait de ces joueurs fendant le ciel plus que ne le parcourant. Aussi allait-il pouvoir, oui; prendre part à cette histoire ? Il avait du mal à y croire.

Mais comment en douter, alors que s’aventurant vers le vieux terrain; il les avait tous vu voltiger ? Certains se trainaient, d’autres virevoltaient : et lui, plus calme; semblait l’attendre. Allait-il pouvoir le chevaucher ? Ce n’était pas comme si il n’était pas habitué, l’avait déjà fait des dizaines de fois chez lui; et à la campagne : chez ce même oncle Ben ! Il avait déjà tenté, oui; de jouer au Quidditch. Avait manqué de finir avec l’épaule fracassée, mais bon : Poudlard donnait ce petit quelque chose en plus. C’était comme si à jamais resterait la trace de son action, de son jeu. Car il y avait tant d’yeux, oui; pour témoigner de son envol. Enfin.

Saisissant le balai, le blond préfet avait prié pour que tout se passe bien; et qu’il ne soit pas à terre car il ne voulait pas voler.

Une fois n'était pas coutume : Arthur avait décidé de se mettre très sérieusement à réviser en préparation des prochains examens. Lui qui détestait plus que tout au monde apprendre ses leçons et s'entraîner à lancer des sortilèges n'avait pas vraiment le choix : ses notes étaient légèrement à la baisse, ces derniers temps, pour une raison qu'Arthur ne voulait pas découvrir. S'il n'y prenait pas garde, il ne conserverait plus son statut d'élève moyen qui lui tenait à cœur. Lancelot lui-même l'avait prévenu qu'il devait se montrer un peu plus studieux s'il devait se fondre dans la masse. Cela ne plaisait pas vraiment à Arthur, mais il n'avait pas le choix. Ce jour-là, aucune distraction n'était venue le déranger : ses affaires étaient en ordre, il ne pouvait même pas prétendre avoir quelque chose à faire pour les duellistes illégaux, puisque ce n'était pas le cas. Étrangement désœuvré, Arthur n'avait eu d'autre choix que de se mettre à étudier un peu.
Et lorsqu'Arthur se mettait à étudier, il le faisait à fond. Il s'isolait afin d'éviter de se déconcentrer, car il ne parvenait pas toujours à contrôler le flux impitoyable de son cerveau qui lui présentait des idées géniales les unes à la suite des autres. Enfin, géniales de son point de vue, bien sûr, car elles avaient souvent un côté un peu fantasque dû à la puissance de raisonnement du Serdaigle. Il fut donc capable d'éviter l'afflux d'origami et de missives en tout genre qui perturba le château, d'autant plus que personne ne prenait pas la peine de lui envoyer de messages, puisque la plupart des élèves l'ignoraient royalement.
Cependant, après plusieurs essais relativement infructueux d'une formule demandant de faire preuve d'intuition plus que de réflexion, Arthur se décida à prendre une pause. Il ne pouvait s'empêcher de penser, et pour cette raison, manquait cruellement de spontanéité. Parfois, il s'agissait d'un véritable obstacle dans la vie. Pour s'aérer un peu l'esprit, Arthur décida d'ouvrir une des fenêtres. Évidemment, le mécanisme se révéla compliqué à dégripper, à croire que le risque de suicide par défenestration était si fort que l'on espérait que la difficulté à ouvrir la fenêtre suffirait à dissuader tout élève de se lancer dans cette entreprise, mais il y réussit sans trop de mal. Le plus difficile était d'utiliser la force nécessaire pour forcer l'ouverture.
Arthur fut frappé par un vacarme assourdissant qui l'étonna un peu. En se penchant, il se rendit compte qu'un certain nombre d'élèves se trouvait près du terrain de Quidditch... et s'étaient mis à voler. Fichtre, heureusement qu'Arthur n'avait pas décidé de s'y rendre pour étudier ou pour... Ses inquiétudes furent balayées par un balai qui transporta un élève en l'air... puis un autre... et ainsi de suite. Ainsi, les balais s'étaient réconciliés avec les élèves. Évidemment, Arthur avait estimé que cette issue était probable. Un certain nombre de personnes étaient encore attachées à ces bouts de bois et parfois même s'opposaient à l'usage de dragons à l'école. Cependant, la réconciliation avait été un peu plus rapide que prévue. Mais cela restait une bonne nouvelle.
Abandonnant sans arrière pensée ses révisions, Arthur se précipita dans le parc avec entrain. Une joie enfantine s'emparait de lui, l'amenant à laisser de côté toute considération sérieuse pour se laisser porter par l'instant. Arthur se sentait rajeunir, se voyait revenir à l'époque où il avait découvert que les balais magiques existaient et qu'ils permettaient de voler, comme dans les contes de sorcellerie que les Moldus racontaient à leurs enfants. Arrivé devant le terrain de Quidditch, Arthur se laissa entraîner par l'hystérie collective et laissa un large sourire s'épanouir sur son visage. De jeunes sorciers volaient un peu partout autour de lui. Certains dominaient leur balai à la perfection, tandis que d'autres avaient plus de mal à se faire obéir - et la vision de ces grands élèves mis à terre par leur monture avait quelque chose de drôle qui fit pouffer Arthur. S'il était agréable de les regarder, le plaisir de pouvoir voler lui-même devait être encore plus grand. Arthur se mit en quête d'un balai libre désireux de s'élever dans les airs avec lui. Il ne songeait pas à se demander s'il serait à la hauteur, tout lui semblait si magique qu'il lui paraissait impossible de se couvrir de ridicule. Arthur trouva un balai qui lui semblait un peu plus docile que les autres et tendit la main pour s'en empara.
Le vol pouvait débuter.