Une soirée de cons [Green]

Du plat de ma main, je lissai le tissu du vêtement préférant regarder mes pieds que le miroir devant moi. Je n’étais pas confortable dans cette robe rouge en dentelle. Même la longueur me semblait indécente. C’était normal qu’elle m’arrive à mi-cuisse ? Il n’y avait pas erreur de taille ? Et ces talons ? Comment les filles faisaient-elles pour en porter ? Sérieux, ça faisait beaucoup trop mal aux pieds. Faut souffrir pour être belle mon cul ouais. Des converses, ça c’est confortable et je n’étais pas sur le point de me tordre la cheville à chaque pas. Et pourquoi devais-je passer une heure à me coiffer et à me maquiller. Un autre truc débile destiné seulement aux femmes. Mais Kiki y avait tenu. Depuis qu’il était tombé sur l’origami, il ne m’avait plus lâché car OMG c’est trop génial quelqu’un s’intéresse à toi. C’est peut-être Alexis ou un admirateur secret. Selon lui, je ne pouvais pas y aller en jeans et chemise de flanelle et sortir le grand jeu. Un peu pour compenser ma mauvaise humeur. Trop drôle le frangin. Il y prenait clairement plus plaisir que moi et s’évertua à trouver tout ce don j’avais besoin pour être la plus jolie de la soirée pour ce prince mystérieux.

À 20h, mon frère me poussa à l’extérieur de mon bungalow et me disant de sourire. Facile à dire quand on passait sa soirée en compagnie de son amoureux. Au final, ça l’arrangeait puisqu’il pourrait passer sa soirée à bécoter Rief. Et ça, sans devoir porter des putains de talons hauts. Je maudissais la vie et cet origami. Pourquoi on m’invitait ? Et quel idiot pouvait bien le faire. Parce que non, les princes mystérieux ça n’existaient pas.

J’arrivai en bas du réfectoire et regardai à nouveau l’origami pour suivre les indications qui y figuraient. Je trouverais une porte cachée derrière un palmier à gauche des cuisines. Je n’avais qu’à la pousser et monter les escaliers. Ah-ah bonnes blagues des escaliers.

« C’est complètement ridicule. » dis-je en m’exécutant.

Au sommet, une seconde porte. Elle donnait sur les toits et pour cette fois, je témoignais de mon émerveillement par un Wow sonore. J’avais sous les yeux, une déco inspirée à la marocaine illuminée à l’aide de bougies. Sérieusement, le mec jouait le grand jeu. Deux bouteilles de vins reposaient dans un seau de glace au milieu de la multitude de cousins. Et pour conclure, la mer s’étendait au loin.

« Trop ridicule. Sérieux. »

Puis j’entendis une porte s’ouvrir et se refermer derrière moi. Voilà, c’était temps de connaître l’idée de mon prince mystérieux. Lentement, je me retournai pour pauser mes yeux cendrés sur Demeter Green.

Non. Noooon

Impossible. De tous les mecs sur cette île, fallait que ce soit Green, cette face de rat détestable et horripilante. Mais non, il ne pouvait pas avoir été l’auteur. Après tout, j’aurais reconnu son écriture. Après trois années d’insultes, le Serpentard n’a même plus besoin de signer ses origamis.
L’évidence était là : une farce. Encore. Chacun ayant tombé dans cet énorme piège imaginé par un autre. Par Merlin, pourquoi ? Sérieux. Ma vie sur cette île n’était-elle pas déjà assez merdique pour ajouter cette désastreuse soirée. Et bordel que j’avais été sotte. Au fond, j’y avais cru, j’avais espéré que, vraiment, un mec ferrait tout ça pour moi. Une vraie conne. Pas de prince mystérieux finalement, pas d’amoureux secret. Juste l’amère sensation qu’on se foutait encore de ma gueule. Kiki en serrait bien déçu, lui qui s’imaginait qu’on trouve chacun l’amour durant les vacances. Un summer love digne de Grease. Et bien Green ne sera jamais mon Danny.

« C’est ça dégage. »

Je l’avais à peine écouté préférant lui faire dos pour cacher ma déception. Qu’il s’en aille, ouais, car la perspective de rester une minute de plus avec lui me donnait la gerbe. L’agitation de mon aîné ne tarda pas d’attirer mon attention et je le regardai se débattre avec la porte. Quoi ? Il était trop idiot pour ouvrir une simple porte ? Faut tourner la poignée et tirer. Même un moldu savait faire ça.
Évidemment, Green ne se laissa pas abattre par son incapacité intellectuelle à effectuer une simple tâche. Non, même dans la pire des situations, il trouvait toujours une insulte.

« J’préférerai séduire un détraqueur.» Je lançai l’origami vers lui. «T’es vraiment un pauvre con si tu crois que j’peux être attirée par toi. Faudrait que je sois aveugle, sourde et quadraplégique. »

Avec rage, j’enlevai mes talons pour les lancer un peu plus loin. Il n’était pas question de les porter une seconde de plus. La coiffure ne résista pas longtemps à mes doigts et mes cheveux tombèrent sur mes épaules. Malheureusement, je ne pouvais pas enlever cette robe à la noix.

« Si tu veux partir, t’as toujours l’option de sauter en bas du toit. »

« Je te pousse si tu veux de l’aide. » dis-je alors qu’il s’approchait du bord du toit. Je ne le retiendrais pas si l’envie lui prenait de sauter. Avec un peu de chance, il se briserait la colonne vertébrale et ne viendrait plus à l’école. Ouais, bonne idée. Il rendrait un service incroyable à l’ensemble des élèves.

Si Green alla s’asseoir sur les coussins, je préférai rester sur le bord du toit, les pieds ballants dans le vide. Cette soirée s’annonçait longue, surtout que, je m’étais finalement séparée de ma console. Kiki avait refusé que je l’emmène avec moi. Tout ce que je pouvais faire maintenant, c’était de regardé l’horizon. Palpitant. Je commençai même à compter les secondes avec le maigre espoir que le temps s’écoulerait plus rapidement. En même temps, nous n’avions aucune idée de la durée de ce « rendez-vous ». Une heure ? Deux ? Et si c’était toute la nuit ? Peut-être même qu’on devrait relever un défi pour obtenir l’autorisation de descendre du toit. Un Saw amoureux. Si c’était le cas, nous aurions un indice. Un bout de papier, un message dans le ciel, un mot gravé sur le toit. Quelque chose ! J’en soupirai en me laissant aller sur le dos tellement la situation m’exaspérait.

Allongée, les mains sur le ventre, je continuai à compter à voix basse. Toutefois, au bout d’un moment, mon ventre gargouilla tellement fort que je fus certaine que même Green avait entendu. Merde, ce que j’avais la dalle. Je savais qu’un panier en osier avait été mis à notre disposition Mais le dit panier se trouvait à côté de mon compagnon d’infortunes. Fait chier.
Ma faim m’obligea à bouger. Mon estomac s’automangeait et je n’avais pas l’intention de mourir de famine lors de cette stupide soirée. Du coup, je me laissai tomber à côté de Green pour jeter un regard dans le panier. Fromage, baguette, noix de coco et saucisson. J’étalai notre butin aux yeux de Green.

« Tiens, t’as l’air à aimer ça la saucisse. » lançai-je en lui tendant la pièce de charcuterie. « Fais juste attention à ce que la viande touche pas au reste. Ce serait sympa, même si je doute que tu saches ce que sa signifie. »

Je rompis le pain pour m’en prendre morceau et y poser du fromage. La première bouchée se révéla être une délivrance et j’engloutis le reste du pain.

« Tu me donnes le vin ? »

Quitte à les avoir, j’allais bien en profiter.  

À son insulte, je lui servis mon plus beau doigt d’honneur anglais, beaucoup trop occupée à mâcher ma bouchée pour lui répondre. J’avais faim, ok ? Et chez moi, avec Kiki et ‘Pa à la table, c’était littéralement la loi de la jungle. Ces deux-là mangeaient tellement rapidement que je ne pouvais que les imiter afin d’avoir de quoi me mettre sous la dent. Green ne devait pas connaître ces doux moments de famille. Je l’imaginais bien manger comme un petit lord tout droit sortit des fesses de Merlin. Monsieur pouvait bien s’étouffer avec ses petites cuillères en argent. Et il faisait quoi, là, avec sa face de fouine condescendante ? Je ne lui demandais pas la lune, juste la bouteille de vin. Cette espèce de scroutt à pétard avarié ! Avec frustration, je le regardai ce verser de mon vin. Sans même partager. J’espérais presque le voir mourir, empoisonné. Mais il resta en vie. Malheureusement.
Je le regardai se levai et attrapait la bouteille pour me verser un verre. Ce n’était pas du scotch, mais ça me permettrait de survivre à cette soirée avec l’autre idiot. Surtout s’il obligeait la conversation.

« T’as pas idée. »

À croire que la vie s’acharnait sur moi. Devoir passer une soirée en tête à tête avec la pire bouse d’hippogriffe de l’école n’avait jamais été dans mes plans. Même le calamar géant aurait fait un meilleur compagnon.

« Kieran s’imaginait que j’y rencontrerais mon prince charmant. Évidemment, c’est raté. J’ai plutôt le droit au prince des connards. »

Je répondis à son petit air prétentieux par mon usuel rictus frustré suivi d’une longue gorgée. J’essayais vraiment de ne pas lui montrer ma déception. Il ne faudrait pas que Green réalise que ses remarques m’affectaient moindrement. Il en prendrait la grosse tête. Quoiqu’elle était déjà sur le point d’exploser.

« Et toi, tu t’attendais à retrouver qui. Ton petit copain ? Tu sais le petit merdeux avec qui tu traînes toujours. Pas le binoclard, l’autre… Ou peut-être espérais-tu la folle qui parle s’évertue à parler comme une sorte de Yoda raté. Tu sembles énervé Demeter. Pourquoi serais-tu énervé alors que tu es vivant.» Ricanais-je. « C’est Ryan, c’est ça ? »

J’avais fait mouche. Green s’accrochait à la rambarde comme un désespéré et s’il avait pu, il l’aurait certainement arraché pour m’assommer avec elle. Pauvre choupinou, la vérité le dérange ? Je bataillai du regard avec lui. Oui mon chou, j’osais dire que toi et ta cloche de meilleur ami faisiez CracCrac ensemble. Je n’y croyais pas vraiment. En fait, je m’en balançais les castagnettes. Mais ça le faisait réagir et ça c’était drôle. Peut-être que maintenant, il se  laisserait tomber du toit.
Saute, saute, saute
Malheureusement, il se distança du rebord pour s’avancer vers moi. Mes doigts cherchèrent ma baguette, prête à la sortir en cas de réel danger. Suspicieuse, mes yeux le suivirent jusqu’à ce qu’il se laisse tomber sur les coussins. Cette horrible face de rat s’approcha de moi et je ne pus que reculer la tête afin d’éviter l’irréparable : ma mort par un baiser empoisonné. Bordel, je nageais en plein délire. Cette voix mielleuse, ce regard charmeur, cette proximité… À quoi jouait-il ?

« Ta gueule, fais pas semblant… »

J’aurai aimé être plus mordante dans ma voix, mais la situation me troublait vraiment. À cette distance, je distinguais les différentes teintes de bleus avec quelques touches de gris dans ses yeux. Un regard à la fois glacial et extrêmement beau. Derrière l’odeur du sel, son doux parfum venait titiller mes narines et j’en appréciai les subtilités. Et pour la première fois en trois longues années, Green me fit un compliment. Le rouge me monta aux joues et mon cœur s’accéléra.
Par les babouches ensorcelées de Merlin, mais qu’est-ce qui me prenait ?  Cette bouse d’hippogriffe ne pouvait pas me faire un tel effet. Sérieusement. Ce scrout à pétard qui pourrissait ma vie depuis le jour où j’ai mis les pieds à Poudlard. Il ne pouvait pas être sérieux. Il ne pouvait pas… Et moi je ne pouvais pas…
Mes yeux ne devinrent que deux fentes. Non, impossible. Je lui mis ma main sur le visage et le repoussai hors de mon espace vital. Rapidement, je me relevai pour aller, à mon tour, m’appuyer sur la rambarde.

« Garde ça pour ton petit copain. »

Je le fixai toujours, le rouge ne désirant pas disparaître de mes joues.  

Par les grelots ensorcelés de Merlin, ce crapaud se montrait soudainement beaucoup trop insistant. Je fis un pas de côté, m’assurant ainsi de ne pas reproduire la même situation précédente. Et je n’aimais clairement pas la manière dont il me regardait. Je ne savais pas trop pourquoi, mais je préférais même son usuel regard d’emmerdeur. J’essayai bien d’y déchiffrer un signe. Il devait mentir. Sûrement. Il s’agissait de Green après tout. Cette vipère sans âme qui me pourrissait la vie depuis des années. Aucune chance que sous cette haine, se cachent des sentiments. Nah…
Toujours à me questionner, je me retournai pour fixer l’horizon. En l’ignorant, Green se révélerait peut-être plus intelligent qu’il ne paraissait et comprendrait le message de me laisser tranquille.
Sauf que non. Ce derrière de gnome revint à la charge.


« Si j’ai déjà eu un copain ? »

Je pensai à Matthew, mon ex petit copain New-Yorkais. Le seul. Un enfoiré. Rencontré lors de mes voyages chez ‘Man, il avait joué les gentlemans. Un summer love qui avait foiré. De grandes promesses pour être trahie de la plus connarde des façons. Une nuit intime pour être délaissée une fois de retour en Écosse. Un texto et le rêve se terminait. Même pas les couilles pour le dire de vive voix.

« Ouais j’en ai d’jà eu un, mais ça te concerne pas. Maintenant fous moi la paix. »

D’une gorgée, je terminai mon verre de vin. Je m’éloignai de nouveau de lui, mes hanches ondulant dans ma robe rouge. Sans attendre, je me resservis sans plus accorder d’attention à la bouse de dragon qu’on m’infligeait ce soir. Lui amoureux de moi. Du délire. Il était amoureux que de son reflet.
Puis le seul mec qui s’était essayé sur moi était tellement bourré qu’il ne se souvenait même plus de la soirée. Alors fallait arrêter de me prendre pour une idiote.