jules demande vélane donc

vélane

Elle avait passé des heures devant ce miroir, fixant son reflet dans l'espoir de voir, ne serait-ce que l'espace d'un instant, le charme s'évanouir et lui révéler la vérité. Cette vérité qu'elle craignait bien qu'en ayant conscience depuis qu'elle avait su ce qu'elle était – et accepté bien moins facilement que sa sœur. Là où Morganne avait toujours été opportuniste, Julianne n'avait jamais été capable de concevoir posséder quelque chose sans l'avoir durement acquis.

C'était d'un regard brillant de contrariété qu'elle fixait les traits de son visage, tirant sur la peau de ses joues et s'observant sous tous les angles, courant après une révélation qui ne viendrait surement jamais. Était-elle réellement aussi jolie qu'ils le disaient tous, ou n'était-ce qu'un écran de fumée, mensonge tissé de magie pour les berner tous? Des questions, toujours des questions, et jamais une réponse ne pointant le bout de son nez. Tout ce qu'il fallait pour user sa patience et ronger l'amusement qu'elle avait eu à la découverte de ce don (tantôt avantage tantôt condamnation), pour ne laisser qu'ennui et frustration. Bien loin de se peindre pourtant comme victime dramatique d'une beauté non désirée – sa vanité ne le permettrait pas – c'était juste tout simplement frustrant. Être belle était pour elle un fait et non une victoire, quelque chose d'offert à sa naissance sans qu'elle n'ait jamais eu besoin de faire quoi que ce soit pour le mériter ; c'était un atout dont elle n'était pas certaine de vouloir, qu'importe que leurs compliments plaisaient à son égo.

À force de triturer son épiderme, quelques marques rougies avaient fleuri sur son minois, attirant suffisamment l'attention de celui qui jusque-là avait le nez plongé dans un livre. « Mes compliments ne te suffisent pas? T'as vraiment besoin que ton miroir t'en fasse aussi? » Elle n'avait pas bougé, tout juste un battement de cils et le sillon entre ses sourcils se creusant un peu plus. « Franchement, tu vas rendre ton reflet jaloux à force, regarde toi. » Un soupir, et l'agacement montait malgré son faciès placide ; il lui fallut une inspiration de plus pour chasser le début de colère, avant de se tourner vers lui, une esquisse de sourire ourlant ses lèvres. « Tu sais bien que je préfère les entendre de ta bouche. Et je m'ennuyais. » Oh, ça sonnait presque faux, mais elle y croyait – voulait y croire.

Ah, c'était toujours la même chose de tout façon. Elle attirait le regard de quelqu'un sans le vouloir, si jolie Julianne avec son minois pâle et ses yeux clairs, crinière aussi dorée qu'un champ de blé, sans parler de ce charme éthéré qu'était le sien. Si jolie et contrariée pourtant, n'aimant pas vraiment les compliments. Parce qu'elle savait. Ils n'avaient pas besoin de le lui dire, elle était jolie et c'était un fait, rien de nouveau sous le soleil.

« Tu sais que je t'aime, hein? » Imperceptiblement, elle s'était raidie, avait mordu l'intérieur de sa joue. « Tu crois? » Qu'elle ose en douter semblait l'avoir blessé vu son expression, mais elle ne le releva pas, fixant toujours son propre reflet. « Est-ce que c'est moi que tu aimes, ou ça? » Elle pointa son image dans le miroir, déglutissant. « Hein? Est-ce que c'est moi ou juste l'idée de ce que je suis? » Et aucune réponse ne vint – elle s'y était attendue. Oh, il était en colère, mais jamais autant qu'elle ne l'était, et s'en alla en claquant la porte, crachant quelques mots rageurs dans le mouvement. Que grand bien lui en fasse, eh. Mais il venait de prouver ce qu'elle disait, lui comme d'autres.

Et si elle ne pouvait cesser d'être attirante, elle compenserait la frustration de ne pas le mériter par une rudesse tout en contraste avec son joli minois. Histoire de leur donner une bonne raison de parler dans son dos – et pas juste par jalousie.