Tu les regardes, ces gens autour. Tu ris sarcastiquement en les voyant, dans ta barbe. Toi, Euan Charlie Fairbairn, tu te dis que t'aimerais n'être qu'une personne normale. Tu te dis que tout ces gens, avec des chapeaux pointus, des robes et des balais, ils sont pas comme toi. Ils sont différents. Mais encore, toi aussi tu l'es. Différent. Dangereux.Enfoiré.
CHAPITRE 1 -
«
Joyeux anniversaire, joyeux anniversaire, joyeux anniversaire Erlen. Joyeux anniversaire. » 2004. Le 22 Décembre. La princesse du jour, c'est Erlen. Mais toi, t'aurais bien aimé être la princesse du jour. Tu boudes. Ta mère vient de voir, t'embrasse sur le front. «
Joyeux anniversaire à toi aussi Euan. » Mais les gens, ils sont là pour Erlen, pas pour toi. Elle, elle a treize ans, la chanceuse. Toi, t'es petit encore, t'as que huit ans. C'est petit huit ans. Tellement petit. Trop. A huit ans, tu comprends pas encore que la jalousie, c'est pas bien. Tu comprends pas que le regard que tu lui envoies, à Erlen, il va lui coûter cher. Très cher. Elle sourit, Erlen. Bah oui, elle est heureuse, elle. Elle a même un gâteau. Toi aussi, t'en as un, oui. C'est vrai, mais toi, personne est là pour te voir. Tout les amis d'Erlen sont là, aucun des tiens ont voulu venir. Ça, c'est parce que t'as pas d'amis, Euan. T'es ce gosse en surpoids, les cheveux un peu gras. T'es ce gosse qu'a des lunettes, celui qu'on appelle le serpent à lunette. Parce que t'aimes bien parler sur les gens, Euan. Surtout sur les personne que tout le monde aime, comme Erlen. Tu souffles. T'es passablement énervé. Pas content, le gosse. Tu t'avances vers elle, et tu pousses son gâteau par terre. C'est ta sœur, c'est pas méchant. Elle fait pareil. Maturité mise de côté. Et tu pleures. Et tu cries. Parce qu'elle a tout. Elle a des amis, elle est belle, et elle a un anniversaire à proprement parlé. Et maintenant, t'as même plus de gâteau. Et tu tapes du pied. Et tu cries, encore. Et elle est devant la fenêtre, Erlen. Et elle est comme aspirée, Erlen. Et elle tombe par la fenêtre, Erlen. Elle tombe, pendant quatre longs étages, Erlen. Et Erlen, elle reste paralysée. Et Erlen, elle pourra plus jamais bouger.
CHAPITRE 2 -
«
Maman ? Qu'est-ce qu'il y a ? » Elle te regarde, elle sourit. Mais quand elle sourit, c'est jamais vraiment comme avant. On dirait qu'il manque quelque chose. Et puis, la vérité est là, il manque quelque chose. Toi aussi, t'as changé. T'es plus en surpoids, t'as plus de lunettes, et si tes cheveux sont gras, c'est à cause de ton gel. Les gens t'apprécient. Toi, toujours pas. Tu penses qu'ils sont qu'une bande d'hypocrites incapables de regarder au delà d'un physique désavantageux. Et puis y'a ceux qui viennent te voir pour savoir comme Erlen, elle va. Eux, ils viennent, avec leurs yeux globuleux et leurs langues de vipères. Prendre des nouvelles, ouais. Bien sûr. Pouvoir aller raconter à tout le monde que la populaire du collège est devenue un légume ouais. Allez vous faire voir. Tu t'assois à côté de ta mère. Maintenant, c'est vous deux contre le monde entier. Vous deux contre ta monstruosité. Vous deux pour essayer de sauver ta sœur. «
T'es prêt ? » T'hôches la tête. Négativement. Tu seras jamais prêt à faire face à ça. A ça. A toi, à tes pouvoirs, aux monstres. «
T'es pas obligé. » T'hôches la tête. Si. T'es obligé. Bien sûr que tu l'es. Erlen, tu l'as mis dans cet état. Parce que tu savais pas, parce que t'étais pas prévenu. Parce que t'étais un petit con. Erlen, tu la sortiras de cet état. Parce que tu sauras, parce que tu pourras prévoir. Parce que t'as mûri. T'as compris. Que t'étais dangereux. Que t'étais une bête, qu'il ne fallait pas laisser en dehors de sa cage. Et ta cage à toi, elle a un nom. Tu regardes une dernière fois le seau de la lettre que t'as reçu. Son nom, à ta cage, c'est Poudlard.
CHAPITRE 3 -
«
Wow, Euan, ton sort. Bravo mon pote. » Ce gars, c'est pas ton pote. Aucun d'eux ne l'est. Ça fait qu'un an que t'y es, dans ta cage. Certains trucs, tu les trouves simples, mais aucun t'intéressent. Toi, tu t'intéresses à la magie qui soigne. Celle qui s'utilise pour guérir les gens. Celle qui t'utiliseras pour soigner Erlen. Que ce soit autorisé ou pas. Pendant les vacances, ta mère, elle était contente de te voir. T'étais ravie de la retrouver. T'as eu l'impression de pouvoir maîtriser, canaliser, et ça t'a fait du bien. Et c'était la première fois depuis tes huit ans que t'avais l'impression de pouvoir vivre sans blesser quiconque. Trouillard. «
Merci. » T'es poli. T'as la tête haute. Tu souris aux gens. Tu leur fait des fleurs parfois. Aux monstres. «
On va manger ? » T'hôches la tête. Tu dis rien. Tu souris. De ce faible sourire que tu sais si bien faire. Un faux sourire, un petit peu. Tu t'assois en face de la personne et tu commences à manger. La nourriture est merveilleuse. Et des fois, ça te donne envie de pleurer. Parce qu'elle aimerait cette nourriture, Erlen. Un jour, tu lui feras goûter, cette nourriture. A Erlen. Tu t'excuses calmement à la personne en face de toi, et tu te lèves. Tu pourras jamais lui faire manger quoique ce soit si tu restes là à profiter de la bonne bouffe de l'école. Tu fonces, cours, vers la bibliothèque. Tu trouves le rayon sur les médecins sorciers. T'ouvres le livre, tu lis. Tu comprends rien. Tu prendras le temps qu'il faudra. Tu lis, tu lis, tu lis. T'assimiles rien. Tu comprends pas. Tu sers la mâchoire. Putain. Tu fermes le livre avec force sur la table et tu le pousses avec force par terre. Le bruit du livre au sol résonne. Tu reprends ton souffle, tu ramasses le livre, t'excuses, et le remet à sa place. D'un pas rapide, tu sors de l'endroit de belle sagesse impossible à atteindre et tu vas t'enfermer dans la première salle que tu trouves. Tu t’accroupis au sol, dans un coin, mets tes lèvres dans l'intérieur de ton coude. Et tu cries.
CHAPITRE 4 -
Maman,
Je sais que t'aimes pas trop les hiboux, mais je suis désolée, c'est un cas urgent. J'ai réussi à comprendre un des livres. Pour la première fois aujourd'hui. J'ai passé la journée à la bibliothèque. J'ai du faire des pauses. Je me suis énervé, j'ai crié, j'ai pleuré. J'ai frappé. Mais j'ai réussi. C'est grâce à quelqu'un qui m'a aidé, de plus âgé. En fait tu sais...ils sont pas. Enfin. C'est pas tous des monstres. Je l'ai rencontré hier, il s'amusait à faire des sculptures en neige en utilisant la magie. Maman, c'était magnifique. Je l'ai regardé faire, assis sur un muret. Et il m'a regardé, et il a sourit. Mais, il ressemblait pas à un monstre. Il ressemblait à un ange. Il m'a aidé à comprendre. Il s'en va en fin d'année. Mais maman, je l'oublierais pas. Parce qu'il m'a fait comprendre quelque chose. Maman. C'est pas le fait d'être sorcier qui fait de nous des monstres. Le fait d'utiliser la magie pour blesser quelqu'un à vie, ça, ça maman, c'est ce qui fait de moi le monstre.Tu regardes le parchemin. Les mots deviennent tâches étant passés sous tes larmes. Tu prends la feuille avec toi, et tu te jettes sur ton lit. Tu le regardes, incapable de lire quoique ce soit dessus. Trois ans que tu vis en te trompant sur leur compte. A tous. A certain. T'es sûr qu'il y en a, d'eux, qui sont des monstres. Mais tu dois te l'avouer, certains sont juste...des sorciers. Des gentils sorciers. Qui utilisent la magie pour de bonnes raisons. De belles raisons. «
J'peux entrer ? » Tu souris, c'est lui. T'hôches la tête. Tu déchires le parchemin, le jette à la poubelle. Il est illisible de toute manière. Il te prend dans ses bras. Et toi, t’essuies ta dernière larme. «
Merci. » Il sourit dans tes cheveux. Et tu regardes le parchemin déchiré. Elle peut pas savoir. Que ta prison, elle devient, petit à petit, ta maison.
CHAPITRE 5 -
«
Tu penses que ça, ça peut marcher ? » Tu lèves les yeux au ciel. Il fait qu'elle te lâche, c'est lourd. Tu continues à feuilleter le bouquin, assis sur ta chaise, chez toi, pendant les vacances. «
Alors ? Tu penses que... » «
MAMAN SERIEUX, FERME LA ! » Tu fermes le livre avec force et te retournes, yeux énervé, vers une mère apeurée. Elle tremble, elle est faible, tellement faible. Elle s'assoit sur ton lit. «
Mais moi, je veux juste t'aider, Euan, je veux juste... » Et tu ris. C'est sarcastique. C'est méchant. «
Et comment ? Hein ? Comment ? Tu comprends même pas un mot sur trois de ce qu'il y a écrit dans ce bouquin ! Alors comment exactement, est-ce que tu comptes m'aider ? Hein maman ? » Et elle tremble, et elle pleure. Et toi, oui, tu la ressens un peu, la culpabilité, mais tu te dis que sérieusement, elle l'a cherché. Elle sèche ses grandes larmes de crocodiles de victime, et elle se lève, la tête haute. C'est ça, essaye de paraître grande dame toi qui n'est rien d'autre que pauvre petite mère brisée. «
T'as raison Euan. Après tout, tu dois apprendre à réparer tes erreurs toi même. Oui. Parce qu'Erlen serait avec nous, si tu n'avais pas... » Tu la coupes. Parce que tu refuses d'entendre ça une fois de plus. Tu fermes la porte à quelques millimètres d'elle, qui vient de passer la porte, en te parlant. Tu te lèves, haineux, et tu balances la chaise par terre. Oui. Tu le sais que c'est de ta faute, c'est pas comme si elle avait besoin de te le répéter, encore et encore, sans arrêt, comme un disque rayé. Tu frappes du pied ton lit et tu t'assois, rageur sur le matelas si peu moelleux. Ce soir, t'iras voir Erlen à l'hôpital. Et tu lui diras que t'as décidé d'emménager seul. Pour te concentrer plus facilement sur tes recherches. Tu lui diras encore que t'es désolée. Tu lui raconteras ta journée, et tu lui diras que t'essayes de tout faire, tout, pour qu'un jour, elle puisse bouger.
CHAPITRE 6 -
«
Euan, t'es très calme aujourd'hui, t'es sûr que ça va ? » Quand t'es pas chez toi, à Poudlard, t'es chez toi, à Londres, dans la quartier moldu. Avec des colocataire plus que normaux. Plus que moldus. «
Mais tu comprends pas, Rahid, c'est le calme après la tempête. » Tu rigoles doucement. Ils sont cons. Ils commencent à s'insulter dans ta chambre et toi, tu les regardes faire. T'as pas parlé à ta mère depuis un an, et c'est mieux comme ça. T'as pas envie de lui parler. T'as pas envie de l'entendre te dire que t'es la seule et unique raison de son désespoir. Après tout, c'est pas toi qui lui ai dit de quitter ton père. C'est pas toi qui lui ai acheté son premier paquet de clope, ni sa première bouteille de Whisky. Alors non. Tout son malheur n'est pas de ta faute. Mais quoi ? Vraiment ? Tu te convaincs que non, que tout n'est pas uniquement de ta faute. Et puis, aussi, tu l'as pas vu depuis un an parce que t'as pas envie de lui dire que finalement, Poudlard, c'est devenu un refuge pour toi. Et que quand t'as besoin de te réfugier de ta magie, c'est plus chez elle que t'as envie d'aller, mais avec ces deux gros cas sociaux que sont tes colocataires. «
Oh, hey, Rahid ! C'est toi qu'a le gâteau ? » T'ouvres un de tes deux yeux. Tu vas sérieusement leur faire vivre un mauvais quart d'heure s'ils se mettent à chanter joyeux anniversaire. Ils chantent pas. Tu les entends même pas s'approcher. Tu te lèves, tu les regardes, et tu leur souris. Un vrai sourire. Un beau sourire. «
Les gars, sérieux ? » Ils sont tous les deux là, Rahid un cupcake à la main. Pas de bougies. C'est pas un jour qui se fête. Pas pour toi. Tu rigoles, et les regarde croquer dans la pâtisserie, l'un après l'autre. «
C'est dégueu mon pote, tu loupes rien. » Tu lèves les yeux au ciel, sourire posé, et tu passes à côté d'eux. «
A plus tard, cassos. » Tu sors, fermes la porte, souris. Oui. T'es bien avec eux. Tu te diriges vers l'hôpital. C'est l'heure de lui souhaiter un bon anniversaire.
25 ans. 22 Décembre 2016.
CHAPITRE 7.8.9.10.∞ -
« Euan, content de te revoir ! Bonne année. » Tu souris au porteur de la voix et lui sers la main. T'entres par la grande porte d'entrée dans le château. T'as toujours ce sentiment de mal-être, d'être différent, d'être monstre. Ce soir, tu crieras. Ce soir, tu frapperas les murs, et tu t'auto-insulteras probablement. Ce soir tu te renfermeras sur toi-même. Et demain, peut-être que tu seras exécrable avec tout le monde. Ce soir, demain, tu te sentiras coupable pour cette simple pensée que tu as, à ce moment précis, là, en passant les gigantesque portes : je suis rentrée. Je suis à la maison.