« le digne et son chevalier » △ ft PERCEVAL

Le murmure franchit ses lèvres sans même y réfléchir ; habitude trop souvent répétées, longtemps exercées. « Lumos. »
Et la lumière fut.

Dans un soupir, Perceval entama son ascension vers le grenier. Les marches grinçaient, pareilles à des gémissements fatigués, sous ses pas. Il avait l'impression qu'elles allaient céder à tout moment — fichues vieilleries. Encore une fantaisie de Bastia ; il avait à peine été surpris quand il l'origami vert été venu s'agiter contre son crâne. Des fois ça lui prenait, elle avait des envies de le voir, de lui parler et ça ne pouvait pas attendre. Alors Percy laissait ce qu'il faisait et froissait l'origami dans sa poche en se dirigeant vers le lieu de rendez-vous. S'il n'aimait pas les filles de base, s'il les évitait, Bastia était un peu l'exception qui confirme la règle. Quoique maintenant, il avait Maav aussi — Maav la douce, la timide, la jolie Maav dont les yeux s'illuminent, pareils à des étoiles quand elle est plongée dans un de ses livres adorés et qu'elle s'envole loin du monde des mortels.

Mais Bastia, il ne l'avait jamais considéré vraiment comme une “fille” ; elle était différente. Plus dans le genre grande sœur, qui l'avait un peu pris sous son aile des années plus tôt.
Il avait rien demandé ; il avait eu Bastia. Et voilà.  

Un gémissement sur sa gauche lui fait tourner la tête. Quelques silhouettes se distinguaient sous la lueur de son sort de lumière. Des goules — c'est vrai qu'elles ont investi les lieux ces créatures. Automatiquement, Perceval récite dans son esprit ce qu'il sait de ces dernières. Apparence d'ogre crasseux. Se nourrit de papillons et d'araignées principalement. Les goules n'étaient pas spécifiquement dangereuses ; justes laides et cela suffisait parfois à intimider ceux qui ne les connaissaient pas bien. Mais à moins de se sentir en danger et d'être plusieurs, elles n'attaquaient pas et se contentaient de pousser des grognements mécontents. Perceval n'avait rien à craindre.

Une plus téméraire que d'autre lui feula dessus, comme outrée que cet humain ose venir les déranger sur son territoire. Perceval se contenta, en réponse, de grogner à son tour — renard irrité. La goule remballe ses gémissements et se recule. Perceval passe son chemin et s'en va rejoindre Bastia. Il la trouve finalement couchée sur sa cape, occupée à lire. Il élève un peu la voix pour s'annoncer. « Ça faisait longtemps que tu n'avais pas eu une nouvelle idée de lieu incongru. Tu sais que même les couples osent pas venir se bécoter discrètement ici ? À moins que tu apprécies la compagnie des goules, mais ça me surprendrait. »

S'approchant, l'adolescent se laisse tomber à terre à ses côtés, sa propre cape balayant le sol poussiéreux, mais il n'en a gère cure. Ce n'est qu'un peu de saleté, pas de quoi en faire toute une histoire. « Ça va ? Y a une raison particulière pour me faire venir ou tu te languissais juste de ma présence ? Pas que je n'aime pas devoir me farcir ce parcours et manquer de me rompre le cou sur des échelles instables mais— j'ai connu mieux. » la taquine-t-il un peu.

Évidemment qu'il ne serait pas tombé. Il chevauchait des dragons bon sang ; il était un Téméraire et les hauteurs de Poudlard étaient son territoire. Au fond, ça l'amusait d'aller n'importe ou retrouver Bastia.

Un sourire en coin. Non décidément, jamais il ne pourrait catégoriser Bastia dans la catégorie “fille parmi d'autres”. Elle est trop — trop tout. Il a bien conscience pourtant, que sa beauté froide d'apparence plait beaucoup, que des mecs parfois se retournent sur son chemin, le regard désireux. Mais Bastia, une fois que tu la connais, c'est tellement différent de tout ça.

C'est une grande sœur — le genre qui te mouche le nez elle-même quand il coule, te met des pansements quand tu t'écorches les genoux en te sermonnant et je t'avais bien dis de pas aller aussi vite. Le genre à te tirer les oreilles ou a te dire ne pas parler la bouche plein  — le genre un peu casse-pied que Perceval écoute en grimaçant parce que se faire réprimander c'est pas ce qu'il préfère.
Mais c'est aussi de la douceur, une oreille attentive. Des sourires en coin et des rendez-vous dans des endroits connus d'eux-seuls, alors qu'ils explorent le château, en découvrant plus chaque jour, chaque année, sur cet endroit magique plein de charmes incompris.

« Ouais, c'est sûr — comme une vampire étalée par terre comme pour sa sieste. J'manquerais ça pour rien au monde. » Il rit un peu. Parce que c'est tellement pas l'image que certains premiers années intimidés ont de Bastia quand elle défile dans les couloirs, impériale. « Par contre, redresses-toi ou alors, pitié, n'écarte pas les jambes. Découvrir la couleur de ta culotte n'est pas dans mon idée d'une “chose étonnante à ne pas rater” — » Parce que sérieusement, il savait qu'elle était du genre sans-gêne, mais à s'étirer ainsi, erm. Le Poufsouffle détourna le regard pudiquement. En parlant de la bêtise, il ose les épaules.

« J'vois pas de quoi tu parles — j'ai passé l'âge des bêtises de collégien. Et puis, j'ai jamais réussi à retenir leur mot de passe, c'est un vrai casse-tête. » Généralement, il n'y entrait pas. Il était venu une ou deux fois accompagner un de ses amis bleus, mais c'était tout — tiens d'ailleurs, ils doivent pas l'avoir bien prit le coup des punaises. Il demanderait à Anton; mai c'est quand même pas lui ?

Il soupire et tourne de nouveau la tête vers Bastia, remarquant l'objet doré mais terne qu'elle tient et qu'elle menace de lui faire manger. Mais ce n'est pas lui le coupable, il n'a même pas à se sentir nerveux ou à se justifier, Bastia aura confiance en sa parole. « C'est un vif d'or, vraiment ? Who — y a vraiment tout et n'importe quoi ici. » Il regarde autour d'eux, cherche d'autres trésors cachés en ces lieux obscurs.

La mention de Maav lui fait renverser la tête en arrière pour regarder de nouveau son amie. « Ah — ouais, 'fin un peu quoi. Disons qu'on se voit de temps en temps c'tout. » Il rougit un peu, s'emmêle dans ses mots. Pourquoi elle parlait de ça tout d'un coup ? « Et comment ça, c'est ‘bien’ ? » Il  voit pas en quoi, ou plutôt il ne veut pas voir.
Il ne veut pas se poser trop de questions. Il se dit juste que pour le moment ça va avec Maav et elle est pas chiante comme fille elle au moins et voilà — ça lui suffit.

Une goule lèche le visage du prochain joueur.

Ses mains s'ouvrent, accueillent l'objet sphérique en leur creux. Perceval regarde le vif d'or inerte niché entre ses doigts, caresse du pouce les ailes si fines et translucides, pareilles à celle d'une libellule. L'objet lui apparaît comme quelque chose de précieux, qu'il doit protéger et il a cette odeur, caractéristique. Cette odeur du passé — du qui a bien vieilli, qui a des histoires à raconter. Et les doigts de Perceval sont presque tendres alors qu'il tourne l'objet entre, pour l'examiner de plus près. Et il veut le voir voler, ce vif d'or. Il veut le voir s'élever de nouveau dans le ciel. Sa place n'est pas à moisir entre les planches d'un vieux grenier abandonné. Perceval se sent presque triste pour cet objet loin de sa fonction naturelle, condamné à demeurer les ailes repliées tristement contre son petit corps mécanique dans lequel la magie ne coule plus — et définitivement oui, c'est triste.  

Mais ses doigts soudain se crispent un peu et le vif d'or est relégué au second plan de ses pensées. Percy grimace un peu. Pourquoi Bastia doit-elle insister sur ce sujet ? Qu'il ait passé un peu de temps avec Maav n'était pas si — bon ok, c'était surprenant. Quand on le connaissait, on savait qu'il traînait rarement avec des filles. Décidément, la verte s'inquiète trop. Il hausse les épaules pour camoufler son embarras. « M'ouais. Disons que c'est un concours de circonstances à la base. Mais Maav est pas chiante donc ça va. Mais on révise juste un peu ensemble de temps en temps, c'tout hein. »

Ça le changeait des filles folles. Comme cette Ana qui le poursuivait avec ses questions stupides, ou encore Joyce la préfet exaspérante. Non décidément, les filles 'filles' c'était pas son truc — quelques exceptions subsistaient toutefois. Comme Maav la douce, la timide aux silences reposants. Ou Bastia. Bastia qui avait depuis longtemps comprit comment il fonctionnait, ce petit né-moldu ; ou du moins en apparence. Perceval se frotta la nuque. Il hoche la tête un peu. Ah oui — le jour de la rentrée. « C'était un sacré bordel ouais. Je l'ai rencontré là-bas aussi. Enfin, disons plutôt qu'elle m'a foncé dedans sans voir ou elle allait. » Son nez se fronce à ce souvenir douloureux pour lui. Tout s'était enchaîné de là ensuite. « J'ignorais que tu étais amie avec cependant. »

Et soudain — soudain quelque chose sur sa joue.
C'est tiède et humide ; c'est surprenant. Inattendu. C'est une langue.

« EH — ça va bien oui ?! » il agite la main et s'écarte, chassant la goule à l'impétueuse curiosité qui était venu sur ses genoux pour l'approcher. Perceval grogne un peu et il ne sait si c'est son geste qui a suffit ou bien si la créature a perçu le renard prédateur dont il ne faut titiller la patience en lui ; quoiqu'il en soit elle se recule. Le jeune homme toise la créature et s'essuie la joue — Beurk. Il a de la bave de goule partout. « J'sais qu'on m'a toujours dis que j'ai un bon feeling avec les animaux. Mais j'avais pas ça en tête pour autant. » Un ricanement. Il n'est pas en colère ; après tout c'est leur territoire ici. Même s'il y a plus mignon comme bestiole tout de même.

Un soupir. Perceval lève les yeux au ciel et souffle, de sa voix traînante, pareille à celle d'un enfant ennuyé qui attends qu'on le laisse sortir pour aller jouer plutôt que de se faire sermonner. « Oui, maman — » Des fois, Bastia agissait un peu trop en mère-poule à son goût. Il sait bien qu'elle plaisante en  Certes, d'un côté cela était agréable de la voir se faire tant de soucis pour lui et la part encore enfantine enfouie en lui appréciait de se faire materner ; mais mince. Il a dix-neuf ans désormais, il n'est plus vraiment un enfant justement. Quoique — pouvait-il se considérer adulte pour autant ? Perceval n'est pas bien sûr. Il se situe à une sorte de frontière, en équilibre entre deux états, deux mondes. Et s'il sait devoir basculer vers celui des adultes, quelque chose le retient et l'empêche de franchir le pas tout de suite. Pas encore — Poudlard lui réservait encore de belles années, il aurait le temps de l'être après. Même s'il aurait voulu que jamais ces années d'école ne s'achèvent, d'une certaine manière.

La goule curieuse a au moins le mérite de le tirer de ses pensées qui l'entraînaient au loin . Elle le ramène au présent, dans ce grenier poussiéreux de souvenirs, assis aux côtés de Bastia. D'ailleurs — il jette un coup d'oeil à la jeune femme, qui n'a rien dit. C'est inhabituel d'ailleurs. Il se frotte un peu la joue du revers de la paume, l'observant. « Eh. Je connais ce regard — Bastia, t'es consciente qu'une goule n'est pas un animal de compagnie hein ? » l'un des trucs très “filles” chez la Serpentard, c'est qu'elle adorait, au même titre que la plupart de ses congénères, tout ce qui était petit et mignon. Hors la goule actuellement, répondait parfaitement à ces deux critères.

Perceval se pencha en arrière, jusqu'à ce que son dos touche le sol poussiéreux, passant ses bras derrière sa tête. D'autres goules les entouraient d'ailleurs, cachées derrière les piliers ou bien des malles entassées dans un coin. Elles les observaient, timides créatures, impressionnées sans doute par la témérité de l'une des leurs. Leur présence n'inquiétait pas le Poufsouffle ; les goules n'étaient pas dangereuses. Elles ne devenaient agressives que si l'on s'en prenaient à elles et encore — il faudrait un groupe impressionnant pour qu'elles constituent une réelle menace. « Je suis sérieux Bast'. Je sais que t'es en train de te dire que c'est des peluches ou que sais-je, mais si tu en ramènes une dans ta chambre on aura des ennuis. » Il en avait l'habitude cependant. Mais cela ne voulait pas dire qu'il appréciait d'en récolter pour quelques escapades.

« Décidément, les filles et leur amour des trucs mignons — » soupira-t-il. C'était probablement cliché, mais il n'empêche que c'était vrai. Même Maav tiens, dont ils parlaient juste avant, devenaient certainement toute mielleuse devant une créature petite, ronde et/ou pelucheuse. Enfin ; au moins l'intervention de la goule avait d'ailleurs permit de changer de sujet, au soulagement de Perceval. Il n'était pas certain où Bastia voulait en venir avec la Serdaigle dont il était, il est vrai, relativement proche quoique leur lien était encore naissant et fragile. Mais il était absolument sûr, en revanche, qu'il ne voulait pas poursuivre cette conversation de peur de justement comprendre.

Ses réactions l'amusent, il observe du coin de l'oeil ce spectacle qu'il sait rare et précieux, caché au regard d'autrui, de ceux qui n'ont su nouer la confiance et l'intimité. Bastia qu'on disait si froide, si inaccessible — si les gens savaient. Que derrière cette armure solide se cache un cœur tendre et bienveillant. Une jeune fille simple qui aurait volontiers étreint entre ses bras une de ces créatures timides, comme une enfant serrant son ours en peluche contre son cœur pour se protéger des cauchemars venus la tourmenter. Elle grogne, elle bougonne — et ça le fait sourire un peu, discrètement. Cette facette méconnue, cette Bastia qu'il est l'un des rares à voir. C'est ce qui l'a poussé à apprécier la maternelle demoiselle au final.

Elle finit par abdiquer, à regret, ne lâchant les goules qui les observent du regard. « Fais pas cette tête va, achète-toi plutôt un chaton si tu veux un truc doux et adorable. » Il peut comprendre en un sens — c'est vrai que ces créatures sont plutôt mignonnes, du moins cette espèce-ci en tout cas. Perceval tourne un peu la tête pour les regarder aussi. Peut-être les goules allaient-il finir par s'accoutumer à leur présence ; certaines semblent considérer son ventre ou les genoux de son amie avec intérêt. Un lieu rêvé et moelleux pour une sieste sans doute à leurs yeux.

Il s'esclaffe. Mignon ; lui. Voilà bien des mots qu'il ne pouvait trouver qu'échapper des lèvres pulpeuses de Bastia — personne ne l'appelle ainsi sinon. « Non merci, folle. Je n'ai pas pour ambition de mourir étouffer dans ce qui te sert de poitrine, tout ça parce que tu as des élans affectueux et me confond avec une peluche. » Son regard croise celui de Bastia — sourire complice. Ce ne sont là que plaisanteries entre eux, que boutades inoffensives. Il y a peu de chances que la jeune fille mette sa menace à exécution, considérant qu'elle sait combien son rapport avec le sexe féminin est compliqué ; elle s'efforce d'ailleurs, à son niveau, de l'aider à remédier à ce souci.

D'ailleurs, parlant de cela. Perceval hésite un instant, ruminant ses pensées. Devrait-il aborder ce sujet délicat avec Bastia ? Il n'en parle jamais, évite plutôt d'aborder ce propos qui lui tourmente l'esprit bien plus qu'il ne l'aurait voulu. Même à Darwin ou Anton, il n'en a parlé — il ne sait trop pourquoi. Parce qu'ils sont des hommes, qu'ils ont leur propre soucis et qu'il craint trop qu'ils le charrient, comme deux grands frères chahutant le plus jeune d'entre eux, avec ceci ? Peut-être ; à moins qu'il n'ait simplement envie qu'ils commencent à s'intéresser à elle, à la regarder différemment pour ce qu'il en dirait.

Mais Bastia est une fille — elle est plus sensible, plus à même de comprendre et décortiquer la psychologie de ses semblables. Alors, peut-être qu'il oserait. Perceval se racle la gorge. « Bast ? Si je te dis Amandine Wellington, ça te dit quelque chose ? Une fille, blonde, à Gryffondor — » Il n'en dit pas d'avantage pour le moment, laissant le temps à sa camarade de lever le brouillard dans son esprit. Même si intimement elle ne la connait, le nom doit au moins lui parler suffisamment ; Amandine n'est point du genre à passer inaperçue.