We'll be doing what we do, Just pretending that we're cool [Aileas]

Après 17 ans de vie commune avec mon frère, je reconnaissais les signes d’une aventure qui se révélerait soit complètement débile ou dangereuse. De un, ça implique une rencontre dans un lieu qu’on a pas l’habitude de se rendre. Dans ce cas-ci, c’était la tour. De deux, mon frère disait que c’était hyper urgent. Mauvais signe… très mauvais signe, il avait une idée dans la tête et il été plus énervé que Raiponce le jour de son 17e anniversaire. De trois, Kieran ne prenait pas le temps de déjeuner ce qui arrivait presque jamais. Cet ogre vouait un culte à la nourriture et il nécessitait une excellente raison pour sauter un repas. De quatre, il y a cette histoire de goules qui circulent dans l’école et c’était suffisamment pour le pousser à faire n’importe quelle folie. Finalement, il utilisait un subterfuge digne du Pingouin : la musique de 1D. Là, mon frangin me prenait par les sentiments.

Suite à la réception de son message, je passai par la grande salle pour y prendre deux trois trucs à manger. Peut-être que lui n’avait pas faim, mais moi, je pourrais manger un potager au complet. Je pris la peine de faire deux salades dans mes pots Masson – toujours en trainer n’importe où on va – et filai vers les escaliers. Mon ascension vers les étages fut assez lente et je pris plus de temps que prévu. J’avais croisé Mew en chemin et je dus lui mentir sur ma destination finale. J’eus l’impression de le trahir sa confiance comme Brutus avec son copain César. Pourtant, mon frangin m’aurait jeté aux crocodiles si je ruinais ses plans du midi.

Que fut mon délice de voir mon frère gesticuler dans tous les sens en chantant horriblement un classique de notre groupe préféré. Tel un ninja de Konoha, je sortis silencieusement mon vieil appareil photo et j’attendis qu’il se tourne dans ma direction pour le saisir sur la pellicule.

« Très joli. J’pense avoir su capté ton expression de Boys Band. ‘Pa sera heureux que tes talents en danse s’améliorent. » Je m’approchai de mon frangin pour lui lancer un des pots Masson et une fourchette. « Bonne app. Je savais que t’aurais faim. »

Je ne tardai pas à attaquer ma propre salade en regardant des regards un peu autour de nous. Je détestais cet endroit digne des pires épisodes de Scoobidoo. Tellement creepy et tout.

« Pourquoi je suis là ? Tu veux qu’on fasse quoi ? Mettre une goule dans un bocal, prendre un selfie avec elle, lui apprendre à chanter, lui enfiler un tutu, ou peut-être que t’espère être le premier de l’école à rouler une pelle à une goule ? »

Assise sur un bloc de pierre, je mangeai ma salade en écoutant d’une oreille inattentive mon frangin. J’l’aimais beaucoup, mais parfois, j’avais l’impression d’avoir un moustique qui me tournait autour. Comment pouvait-il avoir autant d’énergie en lui ? C’était à croire qu’il avait siphonné mon énergie tel un vampire quand nous étions encore dans le ventre de ‘Man. Un truc de ouf… comme cette histoire de jumeau dans The Vampire Knight et j’étais clairement le plus faible des deux.

Bizarrement, je n’étais pas tellement enchantée de prendre un selfie avec une goule. Non, il n’y avait rien de génialissime dans cette idée. C’était même la pire idée de la semaine. Parce que oui, Kieran m’avait embarqué dans bien pire que ça ces trois dernières années et je comprenais très bien que personne ne veuille lui dire tous les secrets de l’école. À lui tout seul, il devait bien avoir fait perdre 400 points seulement cette année. Dès qu’on disait un mystère à mon frangin, on était certain que ça finirait en catastrophe. Comme envoyé son pire joueur sur le terrain en coupe du monde alors qu’il reste quinze minutes à la partie et que le pointage est à égalité. Pire, confier l’avenir des Sept Couronnes à un gamin narcissique, vil et sans cœur. On sait tous comment ça fini…

« Attends… t’espères vraiment que j’t’accompagne dans cette histoire là alors que t’as pas de plan. »

Malgré toute ma réticence, son commentaire sur tante Mariette me fit sourire. Kiki avait raison de dire qu’elle était toute une épreuve.

« Et tu veux apprivoiser une goule. T’as même pas réussi avec Sid qui est une belette. Alors j’espère même pas te voir essayer avec une goule. Ça reviendrait sûrement à vouloir apprivoiser un Ewok. Quoique ce serait cool d’avoir un Ewok apprivoisé. Et recule tu m’empêches de manger. » Je lui mis la main dans le visage pour le repousser. Sans succès. « Arrête j’te dis. T’es tellement lourd quand tu t’y mets. J’savais que c’était pas une bonne idée de venir… Ok ok… je t’aide à voir, pas attraper, voir cette goule. Mais après tu m’oublies pour ta compétition de lancer d’Erkling. J’y participerai jamais. J’veux même pas m’en approcher. T’as compris ? »

Je refermai mon pot Masson pour le glisser dans mon sac et je me levai pour lui signaler que j’étais prête. Son explosion de joie était digne des gagnants à au jeu télévisé The Price is Right… c’était un brin mignon.

Parfois, je me questionnais sur l’âge mentale de mon cousin. À croire qu’il était atteint par un rayon débilisant quand un truc ne lui plaisait pas. Il s’époumonait sur le caractère non dangereux d’une goule. J’en connais moi des petites bêtes totalement dangereuses et effrayantes : les Erkling par exemple. Et même les créatures les plus mignonnes peuvent se révélée ultra dangereuse. Devais-je lui rappeler le film des furbies ? ‘Pa n’avait pas pensé que ça nous ferait peur… Si c’était comme ça qu’il réagissait, je prenais mes cliques et mes claques et je le laissais se démerder avec sa goule. Si je me dépêchais un peu, j’avais encore du temps devant moi pour faire une sieste. Mais bon, il dut réaliser qu’il avait de la chance que je sois toujours là parce qu’il me prit dans ses bras. Le visage aplati contre le torse de mon frangin, j’attendis que son excès de bonheur disparaisse.

« Ça va, tu peux me lâcher… Kiki… tu m’étouffes »

Une photo et nous partions. Je ne serais donc pas obligé de trop m’en approcher et ainsi, je serai peut-être en sécurité. Levant les yeux au ciel, je me laissai tirer vers l’avant et j’attendis patiemment que mon frangin se décide où aller.

« Laisse moi deviner, t’as aucune idée d’où on trouve les goules ? Bravo Sherlock. Il y en a partout dans l’école et toi, tu choisis l’endroit le plus creepy pour commencer notre recherche. Génial… »

On pourrait m’accuser d’être trop sévère, sarcastique, pince sans rire, aussi sympa que le Grinch, mais j’avais toute mes raisons de pas être très enthousiasme par l’aventure que me proposait Kiki. Ce qu’il me proposait, c’était d’avancer dans le Mordore. Soudainement, un bruit beaucoup trop louche se fit entendre et je me retournai vivement vers la source du son.

« C’était quoi… dit, c’était quoi ? On va se faire attaquer par ses bestioles… »

Je m’étais mise dos à lui, la baguette pointée devant moi par une sorte de réflexes de duellistes.

Finalement, cette chasse aux goules était l’une des pires idées de ma vie. Défier Kiki ne m’apporta rien de bon sauf des goules dans le slip et me ridiculiser. Donc non, il n’y avait rien d’amusant dans cette histoire. La libération des goules dans la nature représentait le seul point positif car après tout, ça restait des créatures magiques pourvu d’une volonté propre. Ce n’étaient pas des jouets inventés pour le plaisir d’adolescents puérils.

« Je me suis tellement éclatée Kiki… t’as pas idée. »

Je me laissai tomber à côté de lui posant une tête sur son épaule pour ensuite fixer un point devant moi. Je n’étais pas en colère contre lui, mais je lui en voulais un peu de toujours tout prendre trop à la légère et parfois, il me donnait l’impression de se foutre de ce que je pouvais penser. Quoi que je dise, il le ferait pareil. Pour lui, j’étais chiante que pour être chiante. Par habitude, je remontai mes genoux contre moi.

« Hum les Dragonruns ? Je trouve ça con. Genre complètement. Encore plus con que coller sa langue sur un poteau en hiver ou la création de la mannette du Nintendo 64. Un dragon, ça devrait être en liberté. Comme dans Skyrim et j’exclus l’extension. C’est majestueux, c’est… je sais pas, c’est pas fait pour être monté comme un cheval. Même dans Game of Thrones, les dragons disparaissent parce qu’on les a privé de leur liberté. »

Dans toutes les histoires de dragons les plus cool, à l’exception de How to train your dragon, ces créatures étaient libres d’aller où bon leur semble.

« C’est comme si tu me parlais de vouloir monter une licorne… ça n’a pas de sens. Le dragon ne te donne pas la permission de le monter. Les Dragonrunners les obligent à faire la course. Mais pourquoi tu me demandes ça ? » Je le regardai pour voir son sourire… « Kieran Nails… tu y songes pas vraiment ? »

Je serrai le poing pour ne pas lui en donner une. Ce qu’il pouvait me mettre hors de moi. Comment pouvions nous être jumeaux alors qu’on pensait tellement différemment. Genre un problème dans notre code génétique, une capture d’extraterrestres ou n’importe quoi qui pouvait expliquer notre différence. À croire que nous étions l’incarnation charnelle du Yin et du Yang.

D’un mouvement rapide et sec, je lui arrachai l’enveloppe des mains pour l’ouvrir et la lire. Le diplôme de Dragonrunner me donnait envie de gerber. Je le tournai et retournai pour m’assurer que ce n’était pas une mauvaise blague. L’envie de le déchiqueter et de le faire manger à mon frangin me démangea très, très, fort. Mais outre la colère, c’était surtout l’inquiétude qui me rongeait. Là, on ne parlait pas de n’importe quel con qui utilisait des dragons pour faire mumuse, c’était de mon jumeau qu’il s’agissait.

« Tu vas vraiment le faire ? Et s’il t’arrivait quelque chose ? Te blesser, te brûler ou même te faire manger. Ça t’as traversé l’esprit ? »

Je regardai ailleurs pour cacher la peur qui me rongeait. Juste l’idée qu’il en meurt… Nop, je ne pouvais pas l’accepter. Surtout pour un truc aussi inexcusable que les courses de dragons.

« Je veux pas te perdre… » murmurais-je au bout d’un moment