doloris
«
Tha e dad (c'est rien) » et la réponse est presque automatique, la langue usée coule de source — si bien qu'il ne s'est même pas aperçu que l'autre utilise le dialecte écossais et qu'il a répondu par le biais identique. L'habitude ; le gaélique il l'a apprit tout jeune déjà. La moitié de sa famille ne parle que cela d'ailleurs, car c'était tous de vieux entêtés qui ne vivaient que pour les traditions et rêvaient de voir une écosse libérée et indépendante qui botterait les fesses de toutes ces chiffes molles d'anglo-saxons pas même fichus de porter un kilt correctement. Les McDonald sont une distraction à eux-seuls lors des réunions de famille ; et Perceval est le mouton noir, la
bizarrerie du clan — le sorcier égaré.
Il lui semble bien avoir entendu, depuis un fauteuil du salon commun ou bien entre deux salles de classe, que le Fraser est écossais également — en voilà la confirmation. Perceval hausse les épaules ; on le croit parfois dans son monde, à ne pas se mêler aux autres par dédain ou bien froideur. Il est le calme, l'apparent paisible au milieu d'un groupe de chahuteurs. Pourtant ; il fait attention. Il connait n'est-ce que de nom et de visage chaque membres de Poufsouffle. Il est plus énergique et fantasque qu'on ne l'estime. Compliqué, Perceval. Lui-même n'est pas certain de se connaître si bien qu'il ne le pense ; il se surprend parfois dans ses attitudes ou ses paroles. Toujours à se chercher, à s'apprivoiser.
L'apprentie infirmier semble concentré — il ne l'écoute même pas. Perceval soupire, mais le laisse se concentrer. Il hoche la tête sagement à ses explications. «
Ça me semble honnête et prudent. » bien que l'idée de se faire soigner parce Valces n'est pas des plus réjouissantes et il ne camoufle même pas sa grimace à cette idée ainsi que son «
j'espère qu'il marche droit aujourd'hui, l'alcoolo de service » grincé entre ses dents. Fraser s'approche, palpe son bras meurtrit. La question le prends un peu au dépourvu ; il ne s'attendait pas à ce que l'autre initie la conversation.
Pourquoi ? Cette question, combien de fois l'a-t-il entendu — de la bouche effrayée et coléreuse de ses parents, de celle surprise de certains professeurs ou camarades. Des yeux accusateurs et méprisants de Rosabel et les autres militants. On croit à tord que Perceval fait cela sans considération pour les dragons ; c'est faux. Il estime ses créatures plus que n'importe quelles autres sans doute. Il les respecte et veut les connaître. On lui proposerait d'y consacrer sa vie qu'il accepterait sans hésitation — des mots qui reviennent souvent dans ses conversations avec le professeur Ziegler. Il veut en connaître chaque aspect, être au plus près. Être un dragonrunner lui a permit d'apprendre leurs limites mutuelles, de vivre dans le danger permanent d'être la proie téméraire qui aborde le prédateur. Il a d'avantage apprit à leur contact direct qu'en bien des livres de zoologie à leur sujet.
Et surtout —
Il n'y a rien de comparable à la sensation, le temps d'un battement d'ailes, de ne faire qu'un avec le roi des cieux. D'être
libre ; ivre d'une liberté qui l'arrache jusqu'à sa condition d'être humain.
Mais tout cela, peut-il l'expliquer avec des mots ? (et le veut-il seulement ; ou bien Perceval s'est trop accoutumé à endossé le rôle du vilain profiteur qui veut soumettre les dragons à sa volonté?) «
Je sais pas. » répond-t-il. «
J'ai toujours été fasciné par eux. Je voulais juste être au plus près possible, apprendre à les connaître autrement que par les usages communs. Et puis — » son regard glisse vers Cailean, il se penche un peu vers ce dernier et le fixe ; son regard d'animagus, de renard amoureux de la nuit et de la vie hors des murs. «
C'est plutôt cool de vivre sans savoir si tu vas survivre à ta prochaine course. » Un inconscient — sous ses airs, Perceval est probablement un fou qui cache bien son jeu, un amoureux du danger qui repousse ses limites, avec cette fascination de la mort et du temps qu'il peut continuer à flirter avec elle sans pour autant trébucher et tomber en ses bras.
Perceval McDonald est, au fond, bien des choses.
Il se recule, ses yeux de nouveaux calmes comme le clapotis mélancolique de la rivière, et impossible de savoir s'il était sérieux ou s'il plaisantait. «
Et toi Fraser, pourquoi faire médicomagie ? Une envie de rendre le monde meilleur et d'être utile à ta société, peut-être ? » Il n'est même pas moqueur, nullement. Simplement curieux.