ÉPISODE #10 — Grand Bal Masqué [Sujet commun]

Le premier ministre de la magie espagnol, à la moustache remontée et à la tête droite, au teint halé et les cheveux coiffés, s'approche de vous dans une démarche noble et arrogante. « Je ne sais pas comment vous pouvez rester à Poudlard. On entend dire que la médiocrité y est à son apogée ces derniers temps, surtout depuis que Bogeyman en a pris les commandes. Vraiment, quelle honte, emmener des dragons dans une enceinte scolaire. Il est évident que ma sœur ait retiré son enfant de cette école pour l'envoyer à Durmstrang. Merlin lui-même n'aurait jamais osé une telle insulte à l'éducation. Et le ministre qui approuve... Vraiment, il était temps que quelqu'un intervienne. Je me demande bien ce que cette révolution apportera, les Sigmas sont des êtres tellement imprévisibles. Par Merlin, je viens de voir mon reflet dans le verre. Si ce n'était pas moi, je dirais que je n'ai jamais vu pareille beauté dans ce monde ! Oh mais attendez. Je n'ai jamais vu pareille beauté dans ce monde !»

CONSIGNE : répondre au premier ministre de la magie espagnol chacun votre tour dans votre prochaine réponse.

 
Un instant de déséquilibre, un regard rapide dans une des glaces accrochées dans la salle et Eros avança vers Fallen qui s'était déplacée vers les fenêtres. Un homme venait de la quitter et le jeune homme se rendit compte avec stupéfaction que c'était le même bougre qui était venu lui parler peu avant. Il se demanda comment avait-il réussi à traverser cette foule immense mais garda la question pour soi. Il n'était pas là pour ça. Il remit son masque, rapidement, efficacement, roulant de ses épaules à chaque mouvement. Fallen venait de le remarquer et elle avait écarquillé ses grands yeux verts dans une interrogation muette. Pour l'instant, il n'avait aucune réponse à lui donner. Sincèrement, il savait pas lui-même ce qu'il faisait là. 
Il ne se permit aucun relâchement et releva un peu plus le menton, choisissant un parcours avantageux, permettant de mettre en valeur les mouvements fluides de son corps. La femme devant lui était un défi, défi difficile, certes, mais il ne pouvait se permettre d'échouer. 
Il se souvenait encore ce que disait sa mère sur les sang purs. La plupart d'entre eux, en plus d'être hautaine et orgueilleuse, avait la fâcheuse tendance à considérer les vélanes comme des créatures indignes de leur présence. Sauf quand il s'agit de tromper leurs épouses, pensa-t-il, amer, se souvenant d'un ancien scandale où un grand nom aurait été entaché à cause de la liaison extra-maritale d'un homme qui aurait été découvert avec son amante vélane au bras.  
Mais ce n'était pas important, là, maintenant, et il n'avait aucunement l'envie de séduire Fallen. Au contraire, la jeune Dewitte ne l'attirait point. Malgré la beauté de ses cheveux noirs corbeau, de ses yeux verts attrapant la moindre étincelle d'or des flammes des bougies, et malgré ses courbes qu'elle ne savait toujours pas mettre en valeur, Eros ne voyait en elle qu'une enfant, une enfant gâtée, qui parfois s'avérait trop intelligente pour son genre. Comme en ce moment-même. 

"Eros... Très cher. Je ne te pensais pas adepte de ces fêtes. Toi aussi subis-tu la contrainte familiale ?"

 
Il s'inclina, très bas, avant de la regarder à travers son masque corbeau. Elle était jolie, il l'admettait volontiers, mais il lui manquait ce quelque chose de particulier. Cette étincelle qui l'aurait fait briller. Et puis, elle avait un caractère sacrément déplaisant que l'apparence ne changerait jamais.
 

"Contrairement à toi, je suis ici de mon plein grès."

 
La réplique, cinglante, lui échappa. Il se sentit rougir, comme pris en faute, et décida de jouer sur son physique, encore une fois, sûrement pas la dernière. Un demi-sourire, comme s'il avait dit ça juste pour la taquiner un peu, avant de prendre délicatement sa main et de déposer un baiser dessus, se penchant, une main dans le dos, comme un gentleman digne de ce nom. 

 
Il secoua sa tête pour se donner plus de contenance et secoua sa tête avant de la regarder dans les yeux. Il se souvenait de comment charmer une femme, il n'y avait rien de plus simple. Il aurait pourtant préféré que cela ne fonctionne pas. Ce serait un changement bien apprécié dans sa vie où tout le monde lui cédait tout ce qu'il voulait. 

"Je me suis permis de venir pour vous tenir compagnie. Ainsi vous aurez un cavalier que tout le monde convoite. N'est-ce point merveilleux pour votre opinion publique ?"

 
Il s'était penché vers elle, dirigeant son souffle aux alentours de sa clavicule, sachant pertinemment qu'elle devait respirer son odeur à pleins poumons là où elle était. Il sourit, satisfait, et se recula, attendant de voir les effets qu'il aurait sur la fameuse Fallen Dewitte. 

Eros contemplait Fallen en attente de sa réponse. Elle se mordit la lèvre, à la grande surprise du vélane. Elle l'observait attentivement, comme se nourrissant de l'image qu'il renvoyait. Soudain, elle se redressa, mettant en valeur sa finesse et élégance, laissant sa tête vaciller sur le côté. Ses épaisses mèches ébène tombèrent sur sa pâle nuque, découvrant une peau légèrement dorée à la lumière des bougies. Eros glissa son regard sur l'épaule ainsi dénudée, descendant plus bas, sur la clavicule, au creux du cou...  
Il ravala sa salive lorsqu'elle déplaça le poids de son corps sur la jambe gauche, arrondissant ainsi ses hanches qu'il n'avait pas remarqué avant. Il a chaud tout d'un coup, et ce n'est sûrement pas l'effet de son costard. Il se sent un peu blêmir, surpris, puis se redresse, avide. Il ne sait pas ce qu'il lui arrive, jusqu'à ce qu'elle vrille ses yeux aux couleurs si vives, d'un vert apaisant mais à la fois chamboulant, dans les siens.  
Les dents de Fallen emprisonnent sa lèvre inférieure jusqu'à ce qu'elle ne contrôle plus son petit rire enjôleur qui fuse comme une menace. Eros a compris. Elle lui rend la monnaie de sa pièce. 
Il n'a pas été habitué à ce que les femmes lui fassent du charme. C'est lui qui leur en faisait toujours, ce qui les rendait dingues, les perdait au point qu'elles étaient incapables de faire autre chose que le contempler. Mais son charme ne doit pas fonctionner sur Fallen comme sur n'importe qui. Elle semble avoir une légère préférence pour les femmes, chose qu'ils ont en commun. C'est peut-être pour cela qu'elle n'a aucune difficulté à garder un esprit clair et à lui balancer les quatre vérités. 
Heureusement, il y est habitué. Une autre fois, d'une autre personne, ces mots auraient pu être blessants, voir même le mettre en colère. Mais il attend, il sait que Fallen n'a pas fini. 
Elle toussote et sourit. Il prend un sourire profond, tellement ce sourire la change. Il le sait sincère. Elle s'amuse, ils sont entre amis. Oui, difficile de le croire, mais ils sont bons amis depuis un moment déjà. Eros apprécie ce lien si étrange, ponctué par quelques chamaillements, quelques duels, mais surtout une confiance silencieuse et une promesse dont les mots n'ont jamais été prononcés. 
Je ne partirais pas. 
Elle se reprend, regarde autour d'un air un peu dédaigneux. Fallen n'est pas bien parmi ceux qui sont comme sa famille. Elle n'aime pas l'étiquette, bien qu'elle la garde. Elle n'aime pas la pureté du sang, bien qu'elle l'ait. À vrai dire, elle dégage un on-ne-sait-quoi respectueux, qui fait que personne n'ose lui reprocher de ne pas détester moldus et impurs, de ne pas être hautaine et froide. Elle est elle-même et ça, personne ne peut le lui reprendre. 
Elle l'attrape par la manche et le tire vers la piste de danse. Pendant quelques secondes il a la panique dans les yeux, mais les cours que lui donnait sa mère lui reviennent vite en tête. Fallen veut rendre folles de jalousie les autres femmes et cette envie lui arrache un rire amusé.  
Dérangé par son masque au nez un peu trop long, Eros en détache la partie inférieure et la range dans son sac dissimulé sous le costard, à côté de sa baguette. Maintenant, c'est un loup qu'il porte sur son visage et ça le met un peu plus à l'aise. Doucement, il prend la main de Fallen et noue leurs doigts ensemble. Il sent le frisson de la jeune femme suite à ce contact, mais il ne peut pas faire différemment. Il lui adresse un sourire désolé, pose sa seconde main sur la taille plus fine qu'il ne le croyait de son amie et lentement, sans la presser, la guide au rythme de la musique. 
Les couleurs se mêlent et dansent avec eux. 
La soirée est d'or, d'ébène et d'émeraude. 
Et elle, elle a des étoiles dans les yeux.