COME BACK FOR ME // CAELUM

Le silence est inexplicable et pourtant omniprésent. Il n’y a que le bruit de nos bottes sur l’herbe humide d’un mois de novembre. Il fait nuit noire dehors et pour cause, les nuages masquent un peu trop le ciel. Le froid est un peu saisissant et je regrette presque d’avoir fait montre de zèle. Ce n’est pas comme si j’avais quelque chose à prouver. À qui que ce soit, d’ailleurs. Mais c’est toujours mon problème à moi. Être utile. Ou plutôt me sentir utile. Il faut que je montre à moi et aux autres que je suis capable moi aussi de participer à la défense du château. Ériger des sortilèges de protection n’était pas suffisant. Il fallait que je fasse plus. Toujours plus.

Sauf que ce comportement  avait tendance à entrer en conflit direct avec ma flemme. Toujours présente quand, au bout d’une quinzaine de minutes je remarque, que oui, il fait foutrement froid. Que oui, on y voit aussi bien qu’en rase campagne. Que les fichues racines s’étendaient parfois sournoisement pour que l’on se prenne les pieds dedans. Alors oui. Je me demande pourquoi je dois encore me taper ce genre d’expéditions quand je pourrai être tout simplement dans mon lit. À rouler dans des couvertures que j’avais chouré ça et là. Donc j’ai toujours une sale tête de pas content, la mâchoire sèchement fermée et parfois je grogne entre deux racines. Ou du moins je prétends.

Mais dans le fond je sais que je m’amuse et que j’aime ça. Et le pire c’est que je ne suis pas ironique là-dessus. Et même si j’ai la flemme, j’ai l’œil alerte. Je retrouve des habitudes que je n’avais sans doute jamais perdu. Alors je ne peux plus masquer un sourire satisfait. Satisfait de me retrouver dans une situation dangereuse où il se pourrait que j’ai à affronter des mages renégats.

Enfin. Je soupire. On pouvait toujours rêver. Un ou deux sigmas à dérouiller sur place. Si quelqu’un pouvait prendre ma commande ce serait pas mal, quand même. J’avais deux trois trucs à régler comme des remerciements pour nous avoir tous très ridiculisé. Parce qu’il faut bien se rendre compte que leurs attaques surprises nous prenaient toujours au dépourvu et on se retrouvait souvent là, à regarder comme des cons. Impuissant parce qu’ils avaient de foutrement solides boucliers. Comment pouvaient-ils ridiculiser ainsi toute une flopée d’enseignants dont certains avaient fait leur preuve sur le terrain ? Où était la logique ?! Aussi présente que le respect dans cet établissement.

J’en était venu à la conclusion que ces enculeurs de gobelins avaient une chance de cocu. Ou qu’ils suçaient assez bien pour pouvoir aller et venir comme ça dans l’une des enceintes les plus protégées du monde magique. Bref. Il y avait des gens de l’intérieur qui les aidaient à foutre un bordel monstre dans le coin et ça c’était pas du tout une bonne nouvelle. Les intrus étaient plus faciles à démasquer que les traître.

Et donc. J’étais là. À crapahuter dans le parc un lumos brandit devant moi et un Atlas pas très caustique à côté de moi. C’est que s’il s’attendait à ce que je parle, il était préférable qu’il abandonne l’idée tout de suite. Parce que j’étais toujours contrarié. Contrarié parce qu’il avait dit et proposé, contrarié d’avoir expulsé un mollard sur sa chaussure, parce que ça n’avait pas été ma meilleure idée, contrarié aussi d’être contrarié alors que je me suis quand même dérangé pour aller lui chercher une stupide tasse que j’ai du aller casser deux trois depuis en scred. Désolé pas désolé. Alors Atlas me dit, finalement, comme si sa langue avait décidé de fonctionner de nouveau qu’elle est particulièrement dégueulasse. La tasse, pas sa langue, hein. Je hoche la tête. J’étais particulièrement d’accord. Alors je dis :

 « J’ai juste pris le truc le plus horrible du magasin. Et tu me feras pas croire que ça t’as pas fait plaisir, hein, les chats et toi c’est une histoire d’amour. Alors une tasse qui réuni créatures démoniaques et porcelaine stupide ? Je suis pratiquement sûr que t’en a sauté de joie. » Je lui donne un coup de coude qui de toute façon n’a du que lui effleurer gentiment les côtes pour dire :  « Et rit pas comme un débile on est censé rester disc- »


Mais Atlas tombe, lourdement assommé par la gravité. Ok alors, pas de discrétion. J’ai rien capté. Je lève le bras en l’air, pour dire silencieusement : c’est pas moi, j’ai rien fait. Il propose une pause. Je m’accroupis. Si personne ne l’a entendu jacté, sa chute elle a presque réussi à faire trembler sol. Je range ma baguette et farfouille dans mes poches machinalement à la recherche de ma pipe. Mais je me rappelle alors que j’ai du tout laisser dans le bureau, précipitamment en apprenant qu’il fallait que j’escorte Princesse Atlas ici présente. Je soupire. Pas de tabac. Pas de tabac. Je récupère ma baguette, murmure un lumos – rare sort que je puisse encore prononcer et qui daigne fonctionner même sans passer par la case informulé, pour la pointer sur sa cheville. Je siffle :

 « J’espère que t’as rien de cassé parce que je pourrai pas te porter. » Je lui passe ma baguette en marmonnant un  « Rends-toi utile et tiens ça pls.» Je vais  soulever son pantalon tant bien que mal, ( bon en fait j’y arrive pas, mais pourquoi mettre des trucs aussi serrés aux chevilles ?) pour aller faufiler mon index et mon majeur sur sa peau et appuyer juste un peu.  « Si t’as mal hurle. Si tu vas bien lèves-toi, je vais avoir de la boue sur le futal et j’imagine pas les traces sur ton fessier princier. »

Il se relève, d’un bond, je reste sur mes genoux, la tête fixée sur sa cheville de demi-imbécile. Il dit qu’il n’a pas mal, mais les soubresauts de sa jambe m’indique le contraire. Je soupire, de toute façon, qu’est-ce que je pouvais bien y faire ? L’assommer et le traîner jusqu’au château ? Je relève la tête en claquant des doigts, en voilà une bonne idée. Atlas pose les mains sur les hanches, je prends le temps de me relever. Quand il me demande si c’est une technique pour le tripoter, je lève les yeux au ciel et me retient poliment de lui donner un coup de pied dans le tibia. Du coup je dis :

 « C’est ça. J’me souviens que t’étais pas très à l’aise la dernière fois que je t’ai tripoté. »

Et j’esquisse un sourire goguenard. S’il avait les idées suffisamment claires pour se mettre à déblatérer des conneries, c’est qu’il devait aller mieux que je ne le pensais. Quoi que, s’il continue de tester, comme ça, je vais finir par l’assommer pour de bon et l’abandonner là, où le traîner près du poulpe du lac histoire de rire un peu. Surtout s’il ne me rend pas ma baguette. J’ai encore le réflexe stupide d’essayer de croiser les bras, mais à ce moment-là je me souviens que y’en a qu’un sur les deux qui viendra et je finis par abandonner ma posture plus ridicule qu’agressive pour simplement lui faire une sale tronche.

Atlas, après un sursaut étonnant de son instinct de survie fini par me donner ma baguette en criant qu’il est un mec sympa. J’ai encore le réflexe de me retourner, surtout quand je crois avoir entendu quelque chose bouger. Comme si j’espérais que ce nouvel éclat ne venait pas de nous faire repérer. Je suis un instant très nerveux, tendu même, quand les conversations devenaient trop distrayantes, je n’étais plus capable de me concentrer suffisamment pour anticiper les danger. Puis je me rappelle que si des sigmas nous avaient entendu ils seraient arrivés plus vite que ça pour essayer de profiter de notre moment d’inattention.

Je me détends, plus ou moins. De toute façon, s’ils nous tombaient dessus ça m’éviterait quand même quelques autres rondes. Cependant je n’étais pas complètement rassuré. Et s’ils attendaient qu’on s’éloigne plus encore ? Je reporte mon attention sur Atlas, le jauge pendant qu’il parle. Je me dis qu’à un handicapé et un géant blessé versus des types qui pouvaient te balancer des protego inviolable, on risquait de pas faire le poids très longtemps. Avec tout ça je capte que la moitié de ce qu’il raconte. Je lève encore les yeux au ciel et je lui donne un coup de pied dans le tibia et je demande à demi amusé :

 « Et maintenant est-ce que t’as envie de hurler ? »

Par réflexe je me baisse et je retourne tripoter sa cheville.

 « Y’a pas de malaise tu vois? »

J’attends qu’il me montre qu’il ait un peu mal. Ce qui me ferait un peu plaisir sur le coup. Pas que je sois quelqu’un de sadique – bon ok un peu, mais j’avais pas envie de le voir boitiller jusqu’à la forêt interdite. Puis je me redresse une nouvelle fois pour mettre ma baguette contre son cou, gentiment et je chuchote :

 « Est-ce que tu te rappelles pourquoi on est là Atlas ? » Parce qu’il n’avait pas l’air de s’en rappeler. Je me rapproche plus pour murmurer furtivement et désigner les quelques bosquets derrière nous.  « Je crois qu’on est pas seul dans le coin. » ça pouvait être un stupide chat, tout le monde laissait ses chats sans surveillance dans ce foutu château. Ça pouvait être des élèves bien planqués qui n’ont pas la conscience tranquille. Ça pouvait être des sigmas, aussi et là je crois qu’on était dans de beaux draps, comme ça pouvait être mon imagination. Toujours est-il que je ne voulais pas montrer que j’avais repéré quelque chose, alors, comme si de rien n’était je reprends :  « Pas pour se faire des mamours à la belle étoile, même si t’en crèves d’envie. » Je lui demande, un peu plus sérieux :  « Maintenant je vais te le redemander. Est-ce que tu as mal à la cheville ? Parce que si on croise des sigmas et que tu peux pas sprint parce que tu fais le malin, je vais devenir plus furax et je te jure que c’est pas le genre de truc qu’on peut réparer avec une tasse à thé. » Je menace, lentement.  « Et par les couilles de Merlin, non, Atlas, y’a pas de malaise entre nous, mais y va y en avoir un si on reste longtemps à découvert comme ça, parce qu’il faudrait que je te traîne dans le buisson et ce sera pas très plaisant. » Je me recule.  « Alors maintenant on marche. Soit pour aller faire une petite ronde près du lac, soit pour rentrer au château. » Je passe derrière lui pour fixer l’arrière de ses fesses.  « De préférence avant que les gosses se réveillent, parce que t’as pas l’air très glamour comme ça, Princesse. »

J’esquisse un sourire goguenard quand il fait l’effarouché et qu’il planque ses deux fesses d’un coup. Peut-être que j’aurai du les lui claquer, vu comme il semblait gêné. Marrant quand on pense que lui, il se gêne pas pour poser ses paluches sur les miennes. Mais je commençais à le cerner, le bonhomme. Toutes ses provocations n’y changerait rien. Pour une raison aussi simple qu’immuable. Je ricane :  « Maintenant tu la ramène plus, hein, t’as que de la gueule, Atlas. » Il faut comprendre par là que si on le prenait entre quatre murs, Atlas finirait par se décomposer et balbutier jusqu’à ce que mort s’en suive. Note à moi-même : Lui tomber dessus dans un couloir désert pour tester cette petite théorie.

Je me fige quand il me regarde en prenant des airs terrifiés, en appelant à son dieu. Je me tends immédiatement, parce que je n’oublie pas que dans dans le buisson il y a peut-être une menace. Il tend le bras vers mon épaule. Je détourne les yeux pour voir ce qu’il y trouve avant qu’il ne me l’annonce. Un botruc. Je lève les yeux au ciel. Et merde, il allait me le rappeler longtemps… Il récupère l’animal avec sa grande paluche, la petite brindille semble encore plus fragile comme ça. Je grogne un  « Bon, ça va hein ! » Mais quelque part je suis déçu. Mes doigts se contractent, ceux de ma main inerte. Qu’est-ce que j’espérais, de toute façon ? Un mage noir ? Un sigma ? Ils ne se seraient pas aventuré ici, de nuit, ils préféraient les grands événements, ceux avec beaucoup de monde à impressionner et recruter. De nuit il n’y avait rien à faire et personne à effrayer. Je donne un coup de pied dans l’herbe, comme pour punir ma propre impétuosité. Calmer mon instinct et contenir la frustration accumulée ces dernières semaines.

Distrait, je fixe mon bras. Me rappelle alors comment je l’avais perdu et me force à garder la tête froide. Ce qui n’était franchement pas mon fort. Si j’émerge c’est que je sens quelque chose contre ma jambe. Je baisse la tête… Et tombe nez-à-nez avec un félin. Je me mords l’intérieur de la bouche. Gérer la peur, ça avait fait parti de mon entraînement. Alors je ne hurlais pas à la mort, ce que je devais contenir était mon irritation. Ma contrariété aussi. Le ridicule de la situation, parce que me tenais là. Droit comme un i. Comme si tous mes muscles étaient contractés pour que je ne m’écroule pas. Je garde les yeux fixés sur l’animal.

 « Atlas. » J’appelle, la voix rauque et impérieuse. Plus qu’à l’accoutumé.  « Dégage-moi ça, sinon je lui balance un coup de pied dans les côtes. » Je levais la tête vers lui, les sourcils froncés de concentration.  « Je déconne pas, Atlas. » Je somme une dernière fois, sans oser bouger d’un cil.

J’inspire entre mes dents serrés, les sourcils froncés, tandis que l’animal prend ses aises sur mes jambes. Ben voyons. Si je tombe sur le propriétaire de ce machin, il risque de passer un sale quart d’heure. Et après on se demande pourquoi il y a temps d’accident en salle d’entraînement impliquant ces foutus animaux. C’est à se demander pourquoi les apprentis sorciers les adoptaient. Je restais toujours figé, Atlas n’ayant pas décidé de bouger ses royales fesses pour m’aider.

Je suis sur le point de le héler de nouveau quand il s’approche. En faisant des entrechats. Je hausse un sourcil. Il doute que je sois capable de mettre mes menaces à exécution. Que je n’ai pas un cœur de pierre. Oh vraiment ? Sa main se retrouve contre ma joue. Je louche vers elle, les dents toujours serrées, que fait-il ? Je l’ignore, mais là, encore une fois, je crois qu’il n’a pas réellement compris à qui il avait véritablement affaire. Suicidaire qu’il est, il vient embrasser mon front et si mes pieds n’étaient pas si désespérément collé sur le sol, l’un d’eux aurait terminé sa course sur sa cheville blessée. Je grogne, les poings serrés, je me résous à attendre. Je compte machinalement dans ma tête. Si à trente il ne vire ce foutu chat de là, il va finir dans la stratosphère. Le chat. Je lui réservais un châtiment bien pire.

Arrivé à quinze il finit par retrouver un peu de bon sens et récupère le chat pour le balancer plus loin. Avec trop de précaution à mon goût. Et de retard aussi. Je détends mon épaule, avance vers lui quand il s’excuse de m’avoir fait fantasmer. Je lui donne un autre coup de pied dans le tibia quand il me tourne le dos. « Arrête de te la jouer, Atlas, je te l’ai déjà dit, le jour où tu me feras bander on en reparlera, en attendant arrête de prendre tes désirs pour des réalités. » J’esquisse un sourire quand il me dit que j’ai l’air inhumain.  « C’est sûr que comparé à une diva comme toi, je dois avoir l’air complètement insensible. » Je me remets en route quand je dis :  « Bon allez, on a assez perdu de temps. On va du côté du lac, maintenant. » Je marche d’un pas vif, pour le faire galoper lui aussi et qu’il finisse par me supplier de rentrer.  « Je n’ai pas exactement peur de ces trucs. » Non, depuis mon accident j’ai commencé à relativiser sur beaucoup de choses et s’il fallait que je parle de peur, je parlerai d’étincelle ou de brasier, de simple flamme ou d’un incendie plein de vélocité.  « Involontairement ils me rappellent des choses que je préfère oublier et dont je ne tiens pas à parler. »

Je n'ai jamais été quelqu'un de très loquace. Enfin non. C'est faux. J'aime parler, des autres, de choses particulièrement cocasses, des blagues stupides, des anecdotes héroïques ou encore tristes à pleurer. Confier des choses par contre? Non, les autres n'ont pas besoin de tout connaitre de ma vie, de mes états d'âme. Parce qu'ils se faisaient une idée précise de ce que j'avais pu vivre et ressentir parce qu'ils estimaient que la gazette des sorciers et sorcière hebdo étaient suffisamment bien informés. À croire que tout se devinait ou que le on dit que sont de bons informateurs. Alors on me parle généralement avec condescendance ou défiance, respect ou hilarité. Ça dépendait. Cette andouille d'Atlas pourtant avait l'air d'en avoir jamais assez. Comme s'il lui fallait collecter plus d'informations encore pour qu'il puisse fabriquer un de ses foutu filtre et me le refiler au détour d'une conversation tendue sur ses couilles qui auraient encore malencontreusement fini entre mes doigts.

Ce n'était pas une question de méfiance, ou de confiance, je le cernais assez pour savoir qu'il était con, mais le problème était que je ne savais pas à quel point il l'était. Qui sait quelle connerie il serait capable de rapporter à mes élèves. Je ralentis un peu - nan je dec' j'accélère le pas quand il accélère à son tour, un sourire un peu con sur les lèvres parce que je suis content. Il se retrouve, après quelques bonds de ballerine, devant moi. Il s'arrête net, je pile aussi. Il se penche en avant. Je hausse un sourcil.

Il ouvre la bouche pour parler de l'état de ma queue, encore. J'essaie de l'imaginer ferme et sauvage pour essayer de rentrer dans son jeu. Mais c'était difficile un peu quand je savais que mademoiselle prenait une voix bien trop aiguë quand elle croisait quelqu'un de nu et qu'elle aimait mettre des peignoirs en moumoute bleue. Du fait main. Sans doute. Mince. C'est que j'arrive plus à le prendre au sérieux.

Il me fait un clin d'œil. Je le lui rends. Il se remet en route et je lui pince les fesses discretos. « Tu me connais mieux que je ne le pensais.» Parce qu'il a raison sur un point. Je préfère quand c'est plus sauvage et ferme. Ah. Et qu'on me laisse utiliser ma baguette. Oui, même pour ça.

J'aperçois le lac quand il recommence à s'agiter. S'exclamer, tout à fait discrètement, puisqu'il ne semble pas du tout avoir oublié pourquoi nous étions ici. Non pas du tout. Je me relâche immédiatement après avoir compris que son exclamation ne servait pas à m'avertir d'un quelconque danger. L'horizon était claire et la surface du lac calme. Je jure dans ma barbe et range ma baguette, qui a bien failli faire exploser le vent.

Je hausse les deux yeux au ciel. Surtout que ce qu'il propose est con -mais je m'attendais à quoi, exactement ? - et que je suis assez con pour avoir envie d'y jouer. J'écoute ses explications et je dis:

«Non. » Je soupire. «Je te ferai faire des trucs impossible, possiblement dégradant, possiblement sexuel, possiblement débile si tu choisis action et ça va te faire chouiner. Et je serai obligé de retourner chercher une tasse débile pour me faire pardonner. » Je pose mon index sur son bide. «Et tu vas me demander des trucs ultra personnel que tu vas répéter et ou déformer à tes élèves.» Parce que si tu crois que je te vois pas venir avec tes gros sabots, tu te trompes. «Si tu veux jouer tu dois prendre des garantis. Je dois prendre des garantis. Tu répètes pas ce que je te dis et ce que je fais. Tu me demandes pas ce que tu peux mettre dans mon filtre d'amortencia. Tu poses pas de question sur ma mère. Tu me fais pas faire des trucs impossible à une main. Comme la macarena. Tu arrêtes de m'appeler Darling. Et tu viendras pas te plaindre si tu finis par devenir mon esclave personnel parce que j'vais gagner et qu'il ne te restera que tes yeux pour pleurer. Sinon je joue pas.»Et c'est pas négociable.  

Quand il dit qu’il n’a peur de rien je hausse un autre sourcil. Confondre garantis et limite était stupide. J’esquissais un sourire mauvais.  « Tu ne diras pas que je ne t’ai pas prévenu. » Je le fixe un instant, les vérités ne m’intéressent pas réellement, ce n’est pas comme si je me posais des questions sur son existence. Connaître son prénom, savoir ce qu’il enseignait et cerner plus ou moins la manière dont il fonctionnait me suffisait amplement.

Je sais qu’il fanfaronne, je sais aussi qu’il me connaît un peu mieux maintenant et qu’il sait que je ne plaisante pas quand je dis les choses. Mon sourire ne m’a toujours pas quitté et je jure que je lui ferai ravaler sa belle confiance en lui. La mienne d’ailleurs n’était absolument pas égratignée parce qu’il me disait. Et même si je venais à perdre – ce qui était forcément exclu – je trouverai un moyen pour lui faire regretter. D’être si mauvais et inefficace qu’il me jettera dehors au bout de cinq minutes en espérant que je ne remette jamais les pieds dans son antre. Encore.

Je vais m’appuyer sur un arbre, les yeux de temps à autre dérivant de son sourire énervant, récupérant avec mauvaise grâce son espèce de bisou flottant, une moue exagérée sur le visage. J’attends qu’il se décide à commencer. Pariant sur le fait qu’il ne choisira certainement pas action en premier. C’était évident, il allait y venir, parce que sa fierté ne lui permettrait pas de faire l’impasse sur cet aspect du jeu. Je pense que je lui ferai faire quelque chose d’impossible, de dégradant et de sexuel pour lui faire passer l’envie de me tester, un autre jour. En attendant il fallait que je trouve une question un poil embarrassante. Suffisamment, en fait, pour qu’il sache que je ne serai pas clément.

Je ne lui laisse à peine que quelques secondes avant la fin de sa phrase pour dire :

 « Surprenant. Bon, alors, est-ce que t’es puceau ou tu fais l’effarouché avec moi parce que je te fais trop d’effet? » Je le fixe, sans vraiment ciller, je sais qu’il s’attendait à une question du genre, peut-être que j’aurai du commencer par lui demander la taille de sa teub, mais je comptais l’achever avec ça quand il s’y attendra le moins.  « Tu peux déjà réfléchir à une action, pour moi, ça nous fera gagner du temps. »