Une nuit d’été, alors qu’ils rentraient d’une soirée.
Les flammes. Elles dansent. C’est presque érotique, leur façon de s’élever comme des déesses. C’est presque extatique, leurs mouvements insoumis face à la détresse. Un feu grondant qui décime la vie, ravage les souvenirs et impassible même à la magie.
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« Seeeeth ! » Sidney hurle, il hurle à s’en déchirer la voix. Ou est son frère ? Il était là il y a un instant à côté de lui. Mais Seth s’est volatilisé alors que Sidney reste planté sur place, comme s’il envisageait de s’enraciner à ce moment là dans leur jardin. Il est tard dans la nuit et ses rétines ne reflètent désormais plus que leur maison qui continue de s’embraser dans un crépitement morbide. Le feu est différent, dangereux, agressif.
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« Seeeeth ! » Sidney s’en écorche presque la gorge. Il reprend ses esprits, comme s’il ne voulait pas croire à ce qu’il avait devant les yeux.
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Les flammes. Elles mordent, picotent et chauffent la peau. Seth n’a pas hésité, n’a pas réfléchi et s’est précipité. Seth n’a pas peur.
« Papa ! Mamaaaan ! » Il les appelle, sans plus réelle conviction, uniquement avec l’espoir arrachant de les revoir surgir, encore vivants, luttant pour éteindre le feu avec héroïsme.
Seth entend la voix de Sidney qui l’appelle de dehors. Il l’ignore, commençant à manquer de souffle.
Soudain, quelque chose attire son regard désorienté, la baguette magique de son père se trouvait au sol, coincée entre deux meubles. Pourquoi ne se trouvait-elle pas aux côtés de son maître ? Seth sentit son coeur battre la chamade, alors qu’il se saisit de l’objet en continuant de les appeler, essayant d’éviter le feu qui commençait à se rapprocher de là ou il se trouvait.
L’espace d’un instant, Seth aurait cru que par l’ondulation et le mouvement des flammes, elles se déplaçaient volontairement vers lui. C’était comme si le feu était vivant.
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C’était comme si le feu était vivant. Sidney en eut la conviction, alors qu’il fixait avec horreur celui-ci ravager sauvagement la toiture de la bâtisse qui s’écroula dans un fracas lourd au premier étage. Il crut apercevoir en s’approchant difficilement la silhouette de Seth, à travers la fenêtre crasseuse du salon.
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« Seeeeth ! Sors de la putain ! » Mais seth leva la baguette magique de son père et cria avec conviction.
« Aguamenti ! » Mais rien ne se produisit. Soit la baguette ne voulait répondre au fils de son propriétaire, soit le feu ne pouvait être éteint avec de l’eau. Sidney avait compris. Il se saisit d’une pierre et la jeta avec force contre la vitre afin qu’elle se brise.
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Seth s’était jeté derrière le canapé pour éviter les flammes qui avaient pris la forme d’un grand oiseau. L’immense condor enflammé s’amusaient sous les yeux effrayés de Seth à picorer sauvagement chaque meuble du salon, détruisant tout sur son passage. Il serra la baguette magique de son paternel et essaya de se relever douloureusement, retournant dans sa tête un moyen de sortir de cet enfer surréaliste.
Soudain, une pierre le frôla de quelques centimètres et il fut éclaboussé d’une pluie d’éclats de verre. Sans perdre de temps, il se hissa sur le rebord de la fenêtre et bondit dans le jardin. L’oiseau de flamme, qui sembla contrarié, continua de tout détruire sur son chemin. Seth et Sidney étaient à nouveau réunis, spectateurs maudits de la destruction maligne de leur univers.
Quelques semaines plus tard.Seth se tient droit devant la glace, l’air fatigué, maussade. L’expression de son visage ne laissait transparaitre que de la mauvaise humeur. Sidney savait pertinemment qu’il ne fallait pas contrarié son frère quand il avait cette tête là. Il demanda cependant, d’une voix timide.
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« Quelque chose ne va pas ? »Seth tourna la tête pour le fusiller du regard, comme si le fait même que son frère eu le culot de lui adresser la parole était une réponse suffisante.
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« Ne me regarde pas comme ça, je n’y suis pour rien. » Se défendit Sidney en balbutiant. Il était en réalité parfaitement au courant de ce qui pouvait bien troubler Seth. Celui-ci rétorqua d’un ton menaçant.
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« Je ne vais pas me laisser faire par une cracmol ! Pourquoi les services magiques de l’enfance nous ont envoyé ici ?! »—
« Parce que c’est la seule qui s’est proposé spontanément pour nous recueillir… » répondit machinalement Sidney, comme si c’était la énième fois qu’il répondait à cette question.
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« Et tu pourrais me dire pourquoi toi tu vas aller dans l’école du coin et moi je suis envoyé en internat ?! Fichue bonne femme … » Le reste n’était qu’un flot d’injures et de haine. En réalité, Seth était forcé d’essayer l’uniforme de l’internat ou il devait être envoyé jusqu’à l’année prochaine, leur début de scolarité à Poudlard.
Depuis la mort de leurs parents dans un incendie criminel, les jumeaux Hedger fut recueilli par une étrange femme, sans pouvoirs magiques. Elle était petite et trapue, l’air acariâtre mais particulièrement douce avec Sidney. Elle le chouchoutait, l’affublait de surnoms ridicules comme si c’était son propre fils et ne pouvait s’empêcher de le complimenter à chaque fois qu’il faisait quelque chose.
Cependant, elle ne partageait pas le même enthousiasme envers Seth, et perdait son sourire rien qu’en l’apercevant. Depuis qu’elle les avait recueilli, elle semblait prendre un malin plaisir à le réprimander sans raison, à lui demander des tâches à faire toutes les heures et à lui rappeler à quel point il devrait prendre exemple sur Sidney.
Puis, du jour au lendemain, on aurait dit qu’elle ne pouvait tellement plus supporter l’arrogance et l’impudence de Seth qu’elle ne trouva aucun autre moyen de se débarrasser de lui qu’en l’envoyant dans un internat pour enfants à recadrer.
Sidney avait eu le coeur déchiré, et avait essayer en vain de raisonner leur mère adoptive.
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L’année passait lentement pour Sidney qui n’avait aucune nouvelle de son jumeau. Le camp dans lequel il se trouvait ne le permettait pas d’envoyer des lettres. Et Seth n’avait pas d’affaires magiques sur place, car c’était un endroit réservés aux moldus.
Cependant, un évènement important interrompit le déroulement de la petite vie tranquille et ennuyante de Sidney et de leur mère adoptive. Celle-ci reçut un coup de téléphone, un dimanche matin qui venait de la part du directeur du camp dans lequel se trouvait Seth.
Alors que Sidney écoutait d’une oreille attentive, il entendit la cracmol s’exclamer d’un air horrifié.
« Il fait quoi ?! » Sa voix stridente et criarde avait failli briser les fenêtres de la cuisine.
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Seth était assis dans le bureau du directeur. Il avait des traces de griffures sur la joue, un peu de sang coulait de sa lèvre éclatée. Il arborait une expression débordant de haine et de mépris à l’égard de n’importe qui qui croiserait son regard à cet instant. La mine renfrogné et affublé d’un vieux sweatshirt et d’un bonnet, il attendait impatiemment, dans l’unique but d’aboyer sur la première personne qui rentrerait dans le bureau.
Ce fut donc la mère adoptive des jumeaux qui entra en trombe, suivie de Sidney qui laissa échapper un air effaré en voyant l’allure de son frère.
Seth les ignora complètement, le regard presque fou et perçant, à fixer le directeur qui fut secoué d’un frisson.
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« Asseyez-vous madame. » demanda t-il avec un tremblement dans la voix.
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« Votre fils… » La cracmol eut un air de dégout, ce qui déstabilisa le directeur, qui poursuivit malgré tout.
« Votre fils a agressé deux autres élèves ce matin, à l’aide d’une batte de baseball. L’un a le bras fracturé et le deuxième a reçu un coup dans la tête et est actuellement hospitalisé. »Seth laissa apparaitre un rictus goguenard, comme s’il n’éprouvait aucune culpabilité, ni aucun autre sentiment autre que l’amusement. Ce n’était pas pour rassurer le directeur.
Mais la mère, eut presque un sourire à son tour, en se disant qu’il fallait sauter sur cette occasion pour ne pas le laisser revenir à la maison.
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« Je propose que… » Elle ne put terminé sa phrase. Des hommes du ministère entrèrent, accompagnée de la femme qui s’était occupé de placer les jumeaux il y a un an précisément.
Ils firent sortir Seth et Sidney sans un mot, et fermèrent derrière eux.
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Sidney n’osait pas regarder son frère. C’était clairement le malaise, aucun d’eux n’osait prononcer un mot. Il finit par briser la glace, la voix tremblante.
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« Je.. Je pense qu’ils vont les oublietter et tu pourras partir d’ici.. »—
« Pourquoi tu m’as laissé ici ? » La voix rauque et sifflante de Seth brisa totalement Sidney sur le coup.
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« Je ne pouvais pas.. »—
« Pourquoi tu m’as lâchement abandonné ici ? » Siffla à nouveau Seth avec colère.
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L’incident ne fut pas sans conséquences. Le ministère avait réglé le problème en douce, en effaçant les mémoires des témoins mais Seth fut lourdement jugé pour violence et agression magique sur deux moldues.
Mais ce n’était rien face à l’attitude encore plus persécutrice que lui faisait vivre leur mère adoptive à la maison. Seth avait changé, il était devenu brutal, constamment sur les nerfs et particulièrement méchant.
Si bien qu’un jour il craqua. Et même si Sidney avait tout fait pour le retenir, il ne le contrôlait plus.
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C’était la veille de la rentrée à Poudlard, dans une matinée, encore un dimanche, que le coup partit. Seth avait explosé, comme une bombe à retardement, une montre dont les aiguilles tournent dans tous les sens et s’affolent.
La mère était au sol, la joue rouge et le regard hébété, comme si elle ne comprenait pas la tornade qui venait de la renverser au sol.
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« Ne m’approche plus jamais, ne m’adresse jamais la parole ou je te jure que je te tue. » Des mots assassins, peut-être insouciants et inconscients, mais plus que sincères.
Seth prit ses affaires et partit.
Et sans un bruit, Sidney ramassa les siennes et le suivit.