Le temps sévit, les heures défilent. La journée simple, loin d'être mémorable. Quelques instants d'ennuis, comblé par des lectures secrètes. Quelques visites d'élèves, aucune manifestation de ton ami Serge. Les habitués sérieux venu pour réviser, toi de bonne humeur enfouis sous le travail, accordant quelques sourires mérités à tes travaux accomplis. De la paperasse, de la paperasse. Et tu crois génial ? Non, bien sûr que non. Hyacinthe est modeste, Hyacinthe est humble. Et ta journée bien trop calme.
A trier, ranger, renvoyer, passer deux trois commander, songer de nouveau à l'agencement de la bibliothèque souvent têtue en ce moment, elle s'agite. Et fait tomber quelques livres au passage, que tu découvres à chaque fois gisant sur le sol, innocemment. Lors de tes plus lourdes journées, ça te fait soupirer. Des fois t'es à la limite d'abandonner, mais le travail reste le travail même quand tu ne l'aimes pas - et c'est très rare.
Pas que ça te dérange bien au contraire, ça te berce, toi, ton esprit. Ca te permet de divaguer, d'avoir la sensation de nager. De l'eau caressant le visage et de pensées pleines de nuages. Tu t'égares l'heure qui passe, le temps dévale sans que tu n'en prennes réellement conscience. T'avais cru voir l'ombre d'un géant passer mais les souvenirs sont vagues et le travail trop grand. Et le temps arrive, celui de la fermeture, à petit pas. Y'a un groupe d'élèves qui débarquent, légèrement essoufflés, les bouquins sur le bras et les excuses pleins les pattes. Tu n'as pourtant jamais été sévère avec la ponctualité, pour ne pas dire que tu n'es jamais montré aucun signe de sévérité. Agrippant les bouquins, tu les poses simplement sur ton bureau et tu souhaites tout de même un bon soir à ces enfants.
L'heure arrive et tu vois les derniers habitués des lieux se lever. T'attendes calmement qu'ils quittent tous la bibliothèque après un rapide au revoir, pour à ton tour quitter ton bureau, le pas lent. Tu fais ton dernier tour, passant autour des tables, vérifier que rien n'est été retrouvé. La routine, inscrite dans ta chaire, inévitable, mais que pourtant tu aimes - d'autres la trouveraient tragique, une fin en soit, celle de toute passion et de toute volonté, mais à tes yeux cet équilibre n'est qu'une façade pour en découvrir d'autres univers, ceux tout plein de merveille, bien caché. C'est peut-être ça, la sagesse, savoir trouver d'autre bien que ceux sur terre. Soma sema, répète encore certains philosophe. T'es bien loin de tout ça Hyacinthe.
Ta démarche est furtive, sans aucun sourire, mais y'a une chevelure bleue qui s'enflamme. Tes yeux qui brillent et ton âme qui vibre. Curieux tu penches la tête, l'ombre du géant était bien réelle. Et tu te souviens avoir salué Atlas plutôt, dans l'après-midi, le pensant partit depuis longtemps. Tu avais tord, apparemment. Atlas Pendragon dormait paisiblement, imposant, presque terrifiant d'un point de vu autre. Mais toi tu souris, amusé, tu t'approches alors de lui, toujours silencieux. Tu t'arrêtes un instant, tu te baisses, posant ta main sur son épaule - elle te parait alors cruellement petite - et secouant légèrement, tentant de le réveiller. Atlas, Atlas. Tu murmures doucement, sur le ton d'une berceuse. Tu devais le réveiller pourtant. Atlas, réveille-toi. Tu pourrais presque l'entendre grogner.