Don Ethan

T’avais jamais vraiment eu peur de bosser, de te priver de la plupart des choses pour arriver à tes fins, pour pratiquer la légémencie. L’entraînement était fastidieux, remettait en question pas mal de chose et pourtant tu t’y accrochais. Comme un trésor inestimable que l’on ne peut se résigner à quitter. C’est ce jour-là que t’as tenté, par simple curiosité, de t’immiscer dans la tête de se pauvre type, assis au bord du bar, une bière au beurre entre ses doigts crispés et râpés. Au fond, c’était qu’une question de conviction, d’être sûr que tu pouvais le faire, l’habitude n’y était pas mais tu sentais que t’allais y arriver. T’allais enfin pouvoir concrétiser la chose, prouver que tu valais mieux qu’eux.
T’étais accoudé sur un tabouret, même pas assis alors que t’aurais mieux dû. Ton regard le fixait, c’était une cible à ne pas perdre de vue, il fallait que tu arrives à entrer mais, doucement. Contrairement à ce que l’on croit, on se jette pas directement dans la personne, faut attendre, la cerner et une fois qu’elle a laissé la porte d’entrée ouverte, on y va. Pas de sonnette. Pas de frappe. Juste une confiance de soi qu’il faut établir dans la personne, croire que c’est nous. Tes yeux, qui jusque là étaient restés ouverts, se fermèrent bien qu’ils auraient pu aisément continuer à regarder la foule, mais tu voulais sentir ce qu’il ressentait. Ne faire qu’un avec lui.
Tout était noir. Puis, une petite lumière jaillit de nul part. Surpris, tu rouvris les yeux, en vain. Ta vision était brouillée. Tu ne voyais plus rien, tu ne voyais que lui. C’est paniquant, n’est-ce pas Ethan ? Ça fait peur de savoir qu’on peut tout savoir d’un autre, comme ça, parce qu’on le veut.
Puis, une douleur au bras qui se propageait, menant à l’apparition brusque d’une image, d’un moment ou même d’un fragment de vie. La sienne. T’étais en train de t’oublier pour ne te consacrer qu’à ses souvenirs, ses sentiments. En vérité, les sentiments se ressentaient par ce que les souvenirs, ces onces d’images dans ta tête, nous donnait. Et là d’un coup, t’as pensé « Mais il veut quoi lui, avec sa bière au beurre dans les mains ». T’avais la réponse, hein. T’avais juste à demander ce que tu voulais, et ça te venait à l’esprit. La concentration était au maximum, tes muscles contractés au maximum et t’étouffais. T’allais explosé. Ça en valait la peine de se faire du mal pour savoir tout des gens ? Tes yeux dissipèrent les souvenirs, ils n’étaient plus que dans ta tête. T’allais réussir. Ton coeur battait fortement, trop pour quelqu’un de normal. Mais t’étais anormal.

T’avais bien établit le contact, entre ta personne et sa mémoire. Tu relâchais la pression, peu à peu. Alors, il voulait quoi ? Une revanche sur la vie. Une vengeance personne. Retrouver ceux qu’il avait perdu.

Mais c’était pas tes affaires Ethan, tu faisais mieux de te retirer et d'essayer d'oublier à ton tour.