Il reprit sa cravate en main pour la replacer comme il fallait, tu t’étais rassis et tu continuais à jouer avec le stylo, le sourire enfonçant violemment tes pommettes. Les dérogations n’étaient pas rares pour les petits délits, ils devenaient souvent des minables au sein de la population mais gardaient contact avec la magie. Le mieux dans l’histoire, c’est que les feuilles étaient préparées à l’avance, parce que les flemmards ne changeront jamais, et que tu pouvais faire passer une dérogation qui en principe, n’aurait jamais dû être inscrite ici. Il desserrait le noeud et admirait là où t’avais coché, où t’avais signé à sa place. Professeur. Il ne pouvait plus rien faire, reprendre une feuille ou changer, c’était trop tard. C’était signé. Alors, le renvoie se transforma en réorientation pour ton plus grand bonheur.
Il soupira et tira sur la tiroir à sa droite, fouillant dans les dossiers et sortant une pochette noire en cuir, des feuilles, des photos, toi et ton parcours. Pourquoi t’étais arrivé dans ce bureau. «
Ethan Fitzgerald, Auror durant 4 ans. Plutôt beau parcours effectivement ».
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A l’époque, t’avais vingt-quatre ans, la fougue de la jeunesse sauf que toi tu passais ton temps dans ta chambre à réviser, dans le jardin à t’entraîner et tu mettais de côté ce que t’aurais dû faire à ce temps-là. Rien ne t’importais plus que cette formation abominable, celle qui te menait à perdre le sens des priorités. Devenir Auror, ton rêve depuis toujours. Contrairement à d’autres, t’avais commencé la formation plus tard, pour prendre le temps de devenir plus puissant et de pas passer pour un nul, de réussir du premier coup. Tu supportais pas l’échec de toute façon.
Ce jour-là, c’est celui où t’as pleuré de joie. L’unique. Parce qu’au final, t’avais gagné. Tu les avais tous vaincu.
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Tu restais taciturne, comme à ton habitude quand on évoquait ta réussite, c’était pas magique pour le coup, juste de l’effort, du sang et de la sueur. T’étais pas le genre de mec qui attend que les choses viennent d’elles-mêmes. T’allais les chercher. Il émit un léger sourire en ta direction, puis étouffa un rire. «
En même temps, les Fitzgerald ne sont jamais mauvais ». Mais soudain, sa lueur chaleureuse devint glaciale et tes doigts grincèrent sur le stylo lorsqu’il évoqua le sujet. «
Savez-vous où elle est maintenant ? ». T’avais la mine mauvaise et tu répondis d’un signe de tête que non.
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« ETHAN ! » Elle paniquait, son regard pétillait, les larmes aux yeux et tu la protégeais de ton corps, des regards des gens. « Crie pas si fort, idiote. » Fallait qu’elle s’en aille, c’était sa dernière chance avant qu’ils la retrouvent. Vous aviez tous deux une apparence ordinaire, vous prenant pour des moldus en bonne et due forme. Ça te faisait mal de la laisser partir, mais fallait qu’elle oublie tout ça, qu’elle vive libre et peut-être sans magie. Tu t’en fichais, c’était plus ton soucis, t’étais allé trop loin et t’allais payé pour elle. Tu le sentais. Un grondement résonna dans l’allée en béton face à la mer, le paquebot laissa la passerelle taper la terre ferme et des milliers de moldus entrèrent dedans tels des fourmis. Elle voulait pas y aller, elle s’accrochait à toi. Et tu la poussas, au dernier moment. T’étais seul. Et t’allais périr.
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Tes jambes se fléchirent quand t’y repensas. Elle avait fuit l’Angleterre, elle était sûrement en Amérique, mais t’en savais rien. Au fond t’étais dans le pétrin à cause d’elle. Le mec se touchait la moustache comme une réflexion intense, cherchant désespérément à te faire cracher le morceau, mais y’avait rien à dire. «
Pourquoi l’avez-vous protégé, Monsieur Fitzgerald, vous saviez que vous alliez perdre votre statut, n’est-ce pas ? Alors pourquoi. »
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T’ouvris la porte, un peu énervé de la journée. Ils étaient pas foutus de lire un dossier, pas foutu d’être discrets et de mettre des gens à Azkaban. Des moins-que-rien. Elle était assise sur la chaise de la cuisine, et fixait droit devant elle. T’avanças, l’air distrait et tu te retrouvais nez-à-nez avec une armoire. Le genre qu’on trouve pas n’importe où, celle où y’a un miroir dessus et qui fait deux fois ta taille. Elle ne disait rien, jouait avec ses cheveux et ses yeux se reflétaient adroitement dans le miroir. Tu t’en approchas, même si voir ton reflet était la pire des choses, une peur indéniable que tu portais en toi, sans savoir pourquoi finalement. Ta main se posa sur la clé quand tu croisais ses iris. « Etha.. » Tu la laissas pas finir et tu ouvris d’un coup sec. « PUTAIN. »
Y’avait un mec allongé par terre, dans sa cuisine et il était dans un sale état. Ton regard effaré alternait entre le corps au sol et ses cheveux blonds. « Me dis pas que… » Elle commença à pleurer, essuyait ses larmes avec le bout de sa baguette et la pointa finalement vers toi. « Je t’avais dis que c’était une mauvaise idée. POURQUOI TU M’AS PAS ECOUTE ?! » Tu hurlais, t’en pouvais plus, en plus elle te menaçait, elle était pas mauvaise mais n’avait aucune chance contre toi. « Okay, tu reposes cette baguette et je ne dirais rien ». Elle gardait la tête droite et l’air déterminé, elle se fichait de ton marché. « Je t’aiderai à te cacher ». Parce qu’au fond, même si tu ne disais rien, ils la retrouveraient, alors qu’en l’aidant, tu faisais office d’alibi. Elle jeta la source des sortilèges impardonnables à terre et s’écroula en face de toi.
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T’arrivais pas à répondre, tu tremblais presque. T’aurais pu la désarmer, la balancer et être plus un héros qu’un vaurien. De toute façon, héros ou salaud, ce sont des mots qui ne valent pas grand chose. Tu voulais juste pas, elle méritait pas de vivre éloignée dans une cage. Tu savais qu’elle avait un bon fond. Le type à la moustache tenta de te reprendre le stylo que t’éloignas de lui, te reculant. «
Une dernière question, si vous voulez bien ». T’avais pas trop le choix pour le moment. «
Regrettez-vous vos actes ? »
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Dans un des couloirs les moins fréquentés, y’avait un attroupement, des gars de cinquième année, des Gryffondors, ceux de ta maison qui hurlaient en se marrant. « Vas-y, vise le nez — Elle mérite qu’on lui déforme le visage ». T’accourus, porté par l’élan et tu te retrouvas face à une Serdaigle, une blonde, les cheveux lisses et la peau pâle. Elle avait ton âge, tu le savais, tu l’avais vu avec des amis à toi. Tu t’imposas entre eux. « Laissez-la ». Ils te fixèrent, puis rirent. Un Gryffondor plus jeune qui se prend pour un combattant de première ligne, t’étais pitoyable Ethan. Pourtant, ni une ni deux, tu leur colla à tous un poing, dans le ventre ou le visage et ils partirent, tabassés par un mioche comme toi.
La jeune fille se releva, épousseta sa robe et ramassa une petite boîte en métal dans laquelle t’avais des photos de ta famille. « Je crois que ça t’appartiens ». Elle avait des yeux marrons quoiqu'un peu verdâtres, magnifiques et tu te perdis dedans. Ta main repris le truc, tu bredouillas un pauvre merci et la raccompagnait jusqu’au hall. Avant qu’elle ne parte tu la retins par la manche. « Euh… Tu t’appelles comment ? » Elle sourit et te donna son bracelet. « Brooke ».
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T’esquissas un rictus. «
Jamais ». La blonde qui t’avais quelque peu tapé dans l’oeil à l’époque n’avait pas changé, elle restait la même et tu continuais de la protéger. Tu te levas, repoussas la chaise et te dirigeas vers la porte. «
Vous oubliez ceci ». T’attrapas de ta main droite le papier roulé, scellé et entouré d’un ruban rouge. Le papier officiel. «
J’espère que vous serez un bon professeur, Ethan ». Tu pris même pas la peine de lui répondre, et tu claquas la porte.
T’aurais pu le tuer, mais il avait cédé.