Hot chocolate — [Kenji] ♥

« Grbmbmlbmlbl. » Avait baillé le blond Darwin, alors qu’il franchissait la porte délimitant le hall de la grande salle. Il ne savait pas vraiment pourquoi ils mangeaient encore ici, d’ailleurs, tant la moitié des élèves finissaient à l’infirmerie au bout de deux repas et demi. Car il caillait bordel ! Qu’il soit été ou hiver — rien n’y changeait. Il se souvenait encore de sa première année où un ciel azur l’avait accueilli; puis du drame de la seconde année : des flocons coulant sur eux; du gris s’imbibant au plafond. Enfin. Au final ça faisait bien cinq ans, et voilà qu’il s’était habitué à ce sortilège complètement défoncé. À quand y trouverait-on une solution ? Soupir.

C’était peut-être pour ça que le petit déjeuner était souvent sauté — car on préférait rester dans son lit; la tête enfoncée dans l’oreiller plutôt que de finir en hypothermie devant sa crème canari. Certains courageux se ramenaient des fois avec leur couette; ou même un plaid : lui-même le faisait encore lorsque mal réveillé; il frissonnait à la simple idée de se lever.

Mais bon, le printemps était arrivé; et le soleil dehors commençait à briller fort. Alors il se motivait, et donnait deux claques et sautait hors du lit presto. Fallait juste prévoir le parapluie ou le pull en plus; quoi. Quand c’était pas le sortilège d’imperméabilité — ce qu’il faisait, en l’occurrence. « Ah, Kenji ! »

Tiré de ses pensées, il s’était trainé à la table des jaunes. C’était un peu son rituel; que de venir squatter chez eux pour le temps d’une brioche ou deux. Avec si peu de monde dans la salle, qui allait lui en vouloir; après tout ? « Tant de courage en toi, mon gars. » Il avait cherché du regard si Percy était déjà là — mais non. C’était principalement pour lui qu’il bougeait ses fesses jusqu’à la table des blaireaux, mais avec le temps il avait sympathisé avec les amis de ses amis et… Et tout était parfait, ouais. Riant quelque peu de sa phrase pas très réveillée; il était allé se placer en face du brun dans un je peux ? abstrait. Plus pour la forme que les faits, quoi; vu qu’il avait déjà posé son derrière sur le banc. M’enfin. « Ça va ? Tu gèles pas trop ? J’espère qu’ils vont encore proposer du chocolat chaud. C’est pas car c’est le printemps dehors que ça l’est ici, par Merlin. »

Non car l’an dernier les elfes de maison s’occupant de la cuisine avaient cru bon de leur servir des fruits frais et des produits de saison. Sauf que même par trente-cinq degrés dehors; ici ils se les pelaient toujours autant. Enfin; après le mouvement étudiant qu’ils avaient dû essuyer; il y avait peu de chance qu’ils recommencent à faire leur petit malin et enlever les boissons chaudes de la table. Hurphm.


Redressant le regard, il avait adressé une esquisse resplendissante à l’égard du quatrième année. C’est bon; je suis réveillé.
Il était tout à lui, à présent.

« Hahaha, t'inquiète pas va; t’as déjà fait la moitié de ton mandat ici. Bientôt tu seras libre comme l’air et tu pourras faire ce que tu veux ! Même prendre ton petit déjeuner dans ton lit quoi — et ça, sérieux, ça n’a pas de prix ! » Avait commenté Darwin, soulevant un couvercle en verre pour aller piocher dans la pile fumante de pains au chocolat. C’est qu’il avait le sourire doux, à s’imaginer ce genre de choses; enfin. Il était tout de même un peu bizarre de se dire que Poudlard avait une fin. Ne seraient-ils pas tous un peu perdus, lorsqu’ils devraient quitter les dortoirs ? Ceux partagés avec leurs amis pendant toutes ces années; à rire comme à pleurer ? Il n’était pas pressé d’y penser, au final. Était bien ainsi; avec tout ce bruit et toutes ces personnes, à juste étudier. Travailler genre « pour de vrai », ça faisait un peu trop grand — un peu trop comme ses parents. Il fallait gagner de l’argent, se faire plaisir; entretenir la maison, payer les taxes et même fonder une famille.

…
Ouais, non. Il n’était définitivement pas dans l’urgence de voir le directeur lui remettre ses diplômes.

« Percy ressemblait à un croissant ? Ça veut dire quoi ça omg ? Genre roulé en boule et pas prêt de se réveiller ? Il a eu entrainement de ses courses de dragon peut-être hier ? Ah ouais c’est sans doute ça tiens. Ce serait pas la première fois après tout hrm… » Et tout en mâchonnant son pain chocolaté; le blond serdaigle s’était emparé d’une des tasses disposées devant lui. C’était l’heure du chocolat chaud. « … What. Pourquoi on s’en ficherait de Percy ? » Et il avait littéralement manqué de renverser la carafe remplie de son précieux; en entendant les propos de Kenji. « Ça te ressemble pas de dire ça ! Vous vous êtes fâchés ? » C’était possible, après tout; même les amis avaient des périodes de tension. « Tu veux en parler ? Je peux vous aider peut-être — enfin moi ça va oui mais bon. » C’est que cette potentielle histoire l’attristait pas mal. Alors il avait redressé ses yeux; et planté son regard dans celui du jaune. « Mais si tu veux pas je comprends aussi. Mais vu que je suis votre pote à tous les deux ça enfin bref. Maggle. Je te laisse la parole. » Un Darwin attentif était toujours trop bavard; quand ce n’était pas maladroit.

Ou les deux, d’ailleurs.
Mais bon; il était certain que ses bonnes attentions parviendraient à compenser son manque flagrant de délicatesse. Puis il s’agissait de Kenji et de Percy, quoi ! Pas comme si les deux s’avaient dans le nez ni rien — ils se connaissaient depuis leur arrivée au château. On séparait pas deux copains comme ça; si ?

Il était largué.
Complètement.

« Darwin dévisagea la tasse de Kenji d'un air perplexe; et décida d'écarter son chocolat — ce matin, pour sa santé; il n'en prendrait pas. Car il y avait quelque chose d’étrange, oui; dans les propos et la tenue de son ami blaireau. Il était bavard, et; pire ! Il semblait approuver tout ce que le blond disait ? Pourquoi cette soudaine attention ? Admiration ? Et… Et il le vouvoyait, par Merlin !! Non; vraiment, il n’irait se risquer à toucher à n’importe quel aliment ayant au préalable été sélectionné par son camarade. Cela semblait dangereux.

Aussi, quoi de plus normal à Poudlard ?
L’école avait toujours été réputée pour ses accidents farfelus; ses enchantements et ses caprices : sans oublier les légendaires escaliers ! Darwin se souvenait encore de sa première année; ou capricieux, les marches en pierre avaient décidé de tous les bloquer pendant trois heures. Ils avaient eu le temps de manquer deux cours, et de passer par toutes les strates émotionnelles possibles : panique, pleurs, angoisse…  Sans oublier cette sensation de vie et d’acceptation sur la fin : ils ne pouvaient qu’attendre.

Enfin ! Tout était devenu pire avec la réforme : entre la fontaine qui ne fonctionnait plus; la salle sur demande qui envoyait tout sauf où on lui demandait d’aller… Sans oublier le plus important, aka le Quidditch ! Balais fous furieux d’avoir été délaissés pour de vulgaires dragons. Hein hein.

Se recentrant sur Kenji, le préfet avait cherché ses mots; le rouge aux joues et les yeux écarquillés : « Euh… Tu vas bien ? Enfin tu te sens bien ? Enfin… Tu te sens pas genre différent de hier ? » Après tout, il pouvait s’agir d’une farce; hein — pourquoi pas ? Mais ça semblait un peu gros, surtout quand on savait qu’à son arrivée, le brun avait semblé parfaitement… Normal ? « Enfin je suis pas certain certain d’être le meilleur mais euh. Pas besoin de me vouvoyer tu sais ? Justement on est ami ? Les amis ça se tutoie ? Tu es tout aussi génial que moi, d’ailleurs ? Du coup euh pas besoin de t’engager à quoique ce soi, d’ailleurs ? Surtout que, justement, les amis ça aide pas nature ! Du coup pas de soucis; merci ? »

Et il était perdu, Darwin : totalement égaré dans ses propos. C’était la première fois de toute sa scolarité qu’on le mettait ainsi sur un piédestal : lui le gris, le studieux; le serdaigle. Lui dans l’ombre, tout simplement — celui qu’on jugeait inapte à briller, car manquant de charisme. Alors qu’il s’agisse d’un sortilège, d’une farce ou de quoique ce soit : il ne savait pas trop réagir. Fallait-il remercier ? Changer de sujet ? Et devait-il l’emmener à l’infirmerie ? Où cela allait-il passer tranquillement comme si de rien n’était ? « Tu as encore faim ? Tu te sens comment ? Si tu es fatigué ou que tu as mal à la tête hésite pas à me le dire; hein ! » Avait-il fini par tenter; se disant qu’il ne risquait rien à s’assurer une fois de plus de l’état mental de son ami. Au pire, ils avaient encore un bon moment devant eux. Se frottant l’arrière du crâne, embarrassé; le blond avait cherché du regard quoi manger — observant les élèves tout autour d’eux; histoire de voir.

Ça irait.

« Mais, il faut pas pleurer Kenji ! » s’était affolé Darwin, voyant le regard de son ami se brouiller sous l’assaut soudain des larmes. « Ça va aller, hm ? » avait-il vainement  tenté d’argumenter, ne sachant trop quoi faire d’autre. Et puis, si cela était résultat d’un sortilège; qu’y pouvait-il ? Avait-on réellement empoisonné la nourriture de la table ? Ceux au loin avait l’air d’aller bien, pourtant ? Était-ce juste Kenji ? Avait-il décidé de se mettre à dos un copain particulièrement haineux et vengeur ou bien ? Mystère.

Aussi le blond avait-il tapoté du bout des doigts les épaules du garçon qui était venu se réfugier pour un instant tout contre lui. Les contacts physiques, ce n’était pas vraiment ce dont il avait l’habitude; alors il ne savait pas trop comment réagir. Qui était assez fou, après tout; pour venir enlacer Darwin J. Moore ? Qui pouvait bien se souvenir d’un tel nom, pour commencer ? Hormis si ce n’était pour l’attacher à l’étiquette de préfet.

« Euuuuuh c’est pas que j’ai pas faim pas mais… » …j’ai pas envie de manger vu ton état avait-il distraitement complété; bien trop mal à l’aise pour trouver une réplique cohérente du premier coup. Non car voir son ami passer des larmes aux câlins puis à… Ce regard à moitié vide et cette bouille à moitié fondue sur la table ? C’était genre franchement bizarre, et qu’il ait vingt-et-un ans n’y changeait rien. Apprendre à gérer ce genre de situation, ça se faisait pas en cours : et on le subissait pas tous les jours.

Se frottant distraitement l’arrière du crâne, il avait cherché avec désespoir une solution : que pouvait-il bien dire ? Être franc et lui avouer qu’il s’était sans doute fait empoisonner, qu’il était pas son étant normal et qu’en toute logique il ne voulait pas se retrouver comme lui ? … Réussirait-il seulement à gérer la réaction s’en suivant ? Kenji n’allait-il pas se noyer dans ses larmes après ça ? Ou… Allait-il crier ? Vociférer ? Se sentir blessé à tout jamais ? Non, vraiment; ce n’était pas une bonne idée.

Quoique, si il ne pouvait pas le trainer à l’infirmerie ainsi… Ah, il savait ! « T’as raison je me sens pas très bien… Je sais pas pourquoi mais ça avait l’air d’aller comme tu as pu le voir mais je commence à avoir mal au ventre, j’ai peur de pas me sentir mieux si je mange… » Kenji lui avait tendu la perche, c’était merveilleux ! Il irait dans ce sens, s’incarnerait victime et grand malade — aussi le brun déciderait-il de l’accompagner à l’infirmerie et sur place il pourrait expliquer discrètement la situation à l’infirmier ? Parfait. Il ne lui restait plus qu’à jouer le rôle, quoique; sa grimace d’embarras devait très bien passer pour une de douleur. Merveilleux ! Ainsi il ne blesserait personne et ne ferait pas se sentir affreusement mal son camarade. « ... Tu penses que je devrais faire quoi ? » Oeillade quasi désespérée, tentative de poursuivre la mission sauvetage du poufsouffle sans faire plus de dégâts.

Ne restait plus qu’à continuer comme ça, oui.
Et tout irait.