I'm in love with your neck. [ Aileas ]

Il n’y a pas pire sentiment que celle de faire honte à ses parents. Surtout avec un père aussi cool que le mien. Et en ce moment, je me sentais comme Simba après l’intervention de Mufasa dans le cimetière des éléphants. Ces derniers temps, Kiki et moi étions allés trop loin dans nos conneries et le directeur envoyait presque une lettre par semaine à notre vieux. La dernière fut celle de trop, clairement. Dimanche dernier, ‘Pa s’était déplacé jusqu’à Pré-au-Lard pour nous passer le savon du siècle. Même Rief n’aurait jamais pu l’égalé. Ça avait commencé par un silence pesant puis il avait sorti une vingtaine de son sac d’explorateur pour les lire une à la fois. Ouais, je me demandais même pourquoi on était encore à l’école… Au final, nous étions privés d’argent de poche, privés de jeux vidéos durant tout l’été et nous pouvions faire une croix sur notre voyage à San Diego pour le Comic-con.

Depuis ce temps, je broyais du noir. Pour m’empêcher de chercher des noises aux autres, je me plongeais dans une multitude de lectures diverses et jamais on ne m’aura vu autant étudier. Déjà, je n’avais plus l’argent pour payer Anton et ensuite, ‘Pa m’avait bien fait comprendre que si nous n’obtenions pas tous nos cours aux BUSE, il était prêt à nous priver d’ordinateur. Une menace qu’il ne fallait pas prendre à la légère.

Après le cours de runes, je traînai les pieds en dehors de la classe le nez dans mon livre de métamorphose. Je naviguai parmi les élèves sans vraiment les distinguer jusqu’à m’arrêter en plein milieu du couloir pour noter un truc à propos d’un sort. Ce fut alors que je sentis un contact sur ma nuque et un frisson me parcourut de la tête au pied. Fermant d’un coup mon livre, je me retournai en tapant la main à l’aide de l’objet pour la distancer de mon piercing.

« Qu’est-ce qui te prend, bordel. »

Je le fixai dans les yeux, genre avec mon regard qui tue, aucunement heureuse de me faire toucher de la sorte. Je m’en branlais les castagnettes de sa raison, ça ne se faisait juste pas. C’était un mec de ma maison et il me disait quelque chose, mais son nom…

« C’est Hubert c’est  ça? » En réalité, je m’en fichais un peu. « On t’as jamais dit que toucher les inconnus, et surtout une fille, ça se faisait pas ? »

Bon, ce n’était pas de l’harcèlement, mais c’était déjà assez creepy comme ça. Sérieusement, qui touchait les piercings des autres avec une telle fascination ?

Comment ne pas se faire des amis en 10 secondes… Fallait croire que j’étais incapable d’être sympa un instant. Non bien sûre, je jouais encore une fois les chiantes avec un inconnu seulement pour défouler ma frustration accumulée depuis le weekend. Je ne voulais pas vraiment m’excuser, je détestais devoir le faire, toutefois ce mec n’avait réellement rien fait. Lentement, ma main se posa sur ma nuque pour la masser un moment. Allez, je pouvais le faire, c’était aussi facile que de battre Boswer dans Mario. Mon aîné sembla un moment légèrement mal à l’aise et je ne sus si son sourire était adorable ou totalement creepy. Malgré mon attitude exécrable envers lui, il ne tarda pas à complimenter mon piercing, ce qui, évidemment, me fit rougir.

« Hum… je l’ai depuis presque deux ans. C’était un de mes cadeaux d’anniversaire pour mes 16 ans. »

J’essayai de garder l’air le plus blasé du monde. Parler avec un garçon que je connaissais que de vue ne m’intéressait pas des masses. D’un autre côté, je lui devais bien quelques explications compte tenu de mon comportement envers lui. Dilemme. Qu’est-ce que Kiki ferait à ma place ? Répondre à son compliment par un autre compliment… aussi bien me mettre à genou et le supplier de me pardonner. Il lui proposait de partir à l’aventure, mais ce n’était pas le meilleur moment alors que j’essayais de faire profil bas. Une seule solution s’imposait, lui taper la causette.

« T’es le premier à trouver mon piercing joli. En fait, les gens le décrivent en utilisant d’autres mots et ils sont plus curieux qu’autre chose. Après tout, c’est moins mainstream que la langue. »

J’eus une pensée pour Kiki et son piercing. Tellement moins cool comme parure quand douze gobelins tirent leurs langues percées durant un GN en remplacement de leur cri de guerre. Depuis, le temps, s’en était presque devenu un critère de sélection pour entrer dans leur groupe.

« Spencer, c’est ça ? J’m’excuse de mon comportement. J’suis à cran ces derniers temps et tu méritais pas que je te tombe dessus comme le ferait Northrop. »

J’avais peut-être parlé un peu rapidement, comme si je lui jetais mes excuses au visage et c’était un peu le cas, mais c’était fait. Mon expression n’était pas plus sympa pour autant et je pariai que Spencer me prenait pour une folle aigrie et détestable.

Évidemment, tout ne pouvait pas se dérouler sans anicroche. Une conversation normale dans cette école s’avérait être un miracle et tandis que je commençais presque à apprécier la compagnie de Spencer, ce dernier posa une main sur ma hanche et l’autre sur mon épaule pour me placer sur le côté. Mon aîné l’avait fait avec une telle délicatesse que je ne pus me fâcher contre lui, surtout lorsque je vis la raison de ce contact. Il venait de me sauver d’un accident avec un Serpentard qui devait faire trois fois mon poids. Genre entre lui et moi, j’étais certaine de perdre.

L’entendre rire à ma remarque sur Northrop me troubla puisque je ne m’attendais pas à une telle réaction. Généralement, personne ne riait à mes piques. Pire, il ne semblait même pas fâché devant mon comportement aussi détestable que Blair Wardolf dans Gossip Girl. Ça me faisait presque chier tout ça puisque je réagissais mieux quand on s’offusquait.

« Je… hein ? »

Un instant. Avais-je bien entendu ? Spencer m’invitait à aller faire mes devoirs avec lui dans la grande salle ? Je m’étais attendu à ce qu’il s’excuse et me laisse derrière, oubliant ainsi toute cette histoire de piercing. Non, le mec me proposait vraiment de l’accompagner. Bordel, moi qui espérait être seule pour continuer mon étude. Dire non me picota le bout de la langue et pourtant je m’interdis toute réponse hâtive. Mew et Kiki me répétaient que je devais me faire des amis car Poudlard se vivait avec les autres et non pas seul dans son coin en envoyant chier toute personne qui s’approchait trop près. Maudite conscience de merde. Je me détournai de mon aîné et fit un pas en avant.

« Cool. »

Je ne donnais pas totalement mon accord avec un cool, pas vrai ? Ça restait assez flou entre le oui, je t’accompagne, c’est beaucoup trop génial, on va tellement se faire du plaisir, et le je le fais surtout pour te faire plaisir. Je marchai à côté de lui cherchant un sujet de discussion pas trop barbant pour lui.

« T’as beaucoup de devoirs ? Enfin t’es quoi… en cinquième ou sixième ? Tu dois pas en avoir une tonne non plus. T’es pas en terminal. Mais, ça doit sûrement dépendre de ta discipline. Non ? »

J’avais mille sujets à parler et je choisissais celui des devoirs. Bravo pour l’originalité.

Étrangement, la présence de Spencer, quoique gênante, me calmait. Sa voix, sa manière de me regarder, ses légers sourires en coin qu’il tentait de dissimuler réussirent à chasser au loin mes soucis. En réalité, je ne comprenais toujours pas ce qu’il me voulait exactement et sincèrement, je m’en contrefichais bien. Ainsi, je marchai les mains dans mes poches à côté de lui tout en jetant des regards discrets dans sa direction. Il avoua être en sixième année et étudier la langue des êtres de l’eau.

« Cool, c’est original. » grommelais-je.

En effet, nous étions très loin de l’éternelle médicomage ou l’étude des créatures magiques. J’aimais bien cette idée d’apprendre une langue bizarre qui ne servirait à rien. Un peu comme ces zélés qui apprennent le Dothraki alors que c’est une langue imaginaire inventé par des linguistes pour une série télé.

Le reste du chemin, un énorme trois minutes, se fit en silence. Je jetai à l’occasion des regards en sa direction, me demandant si je devais continuer à la questionner, mais j’arrivai à la conclusion qu’il était ultra difficile d’entretenir une conversation. Kiki le faisait avec tellement de faciliter que je me demandai si j’étais le problème. Nah impossible… Je le suivis malgré tout jusqu’au bout de la table, nous isolant du reste du monde. En croisant le regard surpris de Dean, je tentai de garder mon expression blasée malgré le rose qui apparaissait à nouveau sur mes joues. Nous attirions l’attention et je pouvais être certaine d’entendre Kiki venir me questionner sur ce beau blondinet avec qui j’ai passé la soirée. Et un interrogatoire de mon frangin était les pires qu’il existait.
Spencer me ramena à la réalité et je le fixai dans ses yeux d’une couleur envoutante.

« Ouais troisième année. Et hum, merci de la proposition. J’en aurai sûrement de besoin. Enfin pas que j’sois nulle… J’ai surtout beaucoup trop procrastiner. »

J’en soupirai tellement ça m’ennuyait de devoir recommencer à étudier. Et j’y comprenais rien alors que j’avais littéralement une armée qui m’aidait déjà. Les profs déjà en partant. McFayden qui m’obligeait à aller à chaque rattrapage le samedi matin, Dewitte qui me donnait des cours les mercredis soirs. Puis il y avait aussi Darwin, Kiki, Dean et même Anton à la limite.
D’un mouvement rageur je laissai tomber mon livre de runes pour m’y concentrer. La seule matière où j’étais réellement douée avec métamorphoses. Les pages étaient noircis de notes en tout genre et on distinguait à peine le texte du bouquin. Je devais presque coller mon nez aux pages et plisser les yeux pour voir quelque chose.

« Dis, t’as fait runes ? J’distingue pas la forme de ce caractère. » Je me rapprochai afin de mettre le livre sous le nez. « Celui là… »