J’ai mis une chemise de coton et de lin blancs, des habits noirs, un demi-sourire évaporé. J’ai revêtu une démarche lente, un regard de paupières à moitié closes et des gestes lents. La nuit est tombée et déjà, au creux de mes veines, je sens mon sommeil d’ivresse qui s’écoule.
S’écoule.
S’écoule.
Je tends à me fluidifier vers l’avant. Je retiens ma matière. Conforte ma verticalité. Mes jambes au-dessus de mes pieds, à tenir, retenir, détenir, loin de la fuite, de la nuit, de l’oubli.
Je me cloue au sol pour ne pas me vaporiser. Je cherche la pierre, le minéral, le dur, le séculaire. Je m’adosse au mur, pousse mon dos, mes vertèbres, ma nuque contre ces blocs, ces cailloux, cette caillasse.
Pas loin, du rouge, du feu. Les cheveux d’une rousse, d’une femme, d’une fille. Les cheveux de Lou, disparue, son rouge vivant sous les yeux. Pas les siens, impossible, les siens ont disparu avec elle…
A qui est ce rouge, ces cheveux de Lou évaporés de la tombe, de la nuit, de l’oubli, qui les a fait venir ici, maintenant, sur le banc ?
Elle s’appelle… Ah oui, ce nom, cette indifférence, cette somnolence… Au cours de droit, elle pas très droite, elle ailleurs alors, elle ici maintenant, toujours cette somnolence… Aileas Nails…
Aileas Nails et une bouteille de…
La bouteille dans la poche, glissée, cachée, déguisée en petit kangourou.
Elle chante. Lou chantait aussi. Le chant va bien aux rousses.
- Mademoiselle Nails…
La remontrance, sur le bout des dents… S’absente.
J’ai trop bu, moi aussi, pour pouvoir reprocher l’humeur éthylique aux autres…
- Quelle est cette bouteille dans votre poche ? Est-ce elle qui vous donne un si joli chant ?