Si la vie te donne des citrons, fais-en une tarte meringuée (siham)

Winnifred Rosier

Winnie, tu as commencé par l'aimer comme tu en as aimé tant d'autres. Tu admirais sa confiance en elle, tu t’extasiais devant la qualité de son sourire, tu ne te lassais pas de regarder ses cheveux où tout s'emmêlait et où tu rêvais d'un jour emmêler tes mains. Et quand tu as fini par lui dire, tu ne t'attendais pas à ce qu'elle t'aime en retour.
Ce furent les six mois les plus intenses de toute ta vie.
Elle avait cette capacité, Winnie, de te faire voir le monde par ses yeux et de te faire croire que tout y coulait de source. Elle t'expliquait sa vision des choses avec une simplicité désarmante et tellement naturelle que tu n'y voyais même pas le mal. Tu étais trop occupée à l'aimer et à être aimée en retour. Tes sens saturés par son odeur, le grain de sa peau, le son de son rire, le goût de sa bouche, tu n'en voyais plus le reste. Il n'y avait que Winnie, Winnie et rien d'autre.
Et pourtant, ton paradis tanguait, clochait. Tu as compris qu'il y avait une dimension derrière les yeux de Winnie qui te resterait toujours inconnue, des ombres qu'elle ne partagerait jamais. Tu as recommencé à voir, à entendre. Son attitude avec les autres, son attitude avec toi. Tu as sentis ses doigts qui se refermaient petit à petit autour de ton cou, tu as sentis l'air qui commençait à quitter tes poumons. Mais tu l'aimais, alors tu le lui as dit, tu as voulu lui faire comprendre, la faire changer. Et puis tu as compris. Tu as compris que Winnie t'aimerait mieux crevée à ses côtés que vivante dans le ciel.
Alors tu es partie.
Tu ne le savais pas, mais tu n'as fait que te précipiter dans un enfer plus brûlant encore. Winnie a tout tenté pour te récupérer. Tu te souviens des longs plaidoyers larmoyants à toute heure du jour ou de la nuit, des lettres déchirantes, des menaces et des suppliques. Mais tu te rappelles aussi les insultes, plus cruelles les unes que les autres, les rumeurs, les coups bas. Les punaises dans ton lit, les coups de ciseaux dans tes vêtements, les regards hostiles des gens qui ne te connaissaient même pas.
Jusqu'à la France. Jusqu'à ton renouveau, loin d'elle et ses conséquences.
Tu ne sais pas tout ce que tu étais pour Winnie et sans doute ne le sauras-tu jamais. Tu ne sais pas ce qu'elle n'a jamais voulu te dire, tu ne sais pas à quel point votre rupture l'a détruite. Tu l'as aimée, mais tu l'as aimée d'une façon superficielle, insultante, en comparaison de ce qu'elle t'a portée. Mais tu l'as aimée et elle t'a blessée. Comme personne ne l'avait fait avant elle et comme personne ne le fera jamais. Tu as pleuré des nuits entières à l'écouter t'appeler, tu as fouillé tes veines et tes tendons à la recherche du monstre qu'elle te décrivait, tu as souhaité que la malédiction t'emporte pour que tout s'arrête. Et pourtant, tu ne l'as jamais détestée.
Tu ne le pourras jamais.

❝ acte manqué ❞

Basma El Aoudi

Basma est ton sang, ta chair, tes gènes. La seule qui comprend ce que cela signifie, d'être née El Aoudi, la seule qui sait quel terrible compte à rebours est le tien. Et pourtant, il n'y a pas plus différent qu'elle et toi.
Là où tu as décidé de profiter de ce que tu avais, Basma a décidé qu'elle n'avait pas assez. Toute l'injustice de votre situation, toute la colère de générations sacrifiées, c'est elle qui en hérité à ta place. Elle a décidé que cette malédiction avait assez duré, qu'il était temps que quelqu'un la brise et que ce quelqu'un serait elle. Une part de toi admire ce courage chez ta toute petite sœur, une autre s'en effraie. Comment pense-t-elle réussir là où tous ont échoué ? Pourquoi serait-ce elle, pourquoi serait-ce maintenant ? Et si la mort venait la faucher le nez dans ses bouquins, qu'aurait-elle connu de la vie si ce n'est l'encre et la poussière ?
Tu as peur pour ta sœur, tu as peur qu'elle regrette. Tu as peur qu'elle regarde derrière elle un jour et réalise qu'elle n'a pas vécu.

❝ petite sœur ❞

Louise A. Ryan

Louise c'est ton petit nuage de lait, c'est ton bonbon goût mystère, c'est ta vision de la fleur. C'est celle qui dilue ton énergie quotidienne avec sa douceur, qui te pousse à te poser avec elle sur un banc, à lui parler de la vie sans jamais t'interrompre si ce n'est pour sourire.
Louise c'est celle que tu suis à la bibliothèque, celle que tu regardes travailler avec application pendant des heures avant qu'elle ne pose son regard sur toi et que tu commences à travailler à ton tour. Louise elle te laisse lui dessiner des fleurs sur le bras quand la concentration te fuit et elle caresse ta main de la sienne quand elle veut attirer ton attention sur quelque chose.
Tu aimes Louise et ses cheveux dont personne ne peut dire la couleur, tu aimes son regard absent et sa chaleur diffuse quand il croise le tien. Régulièrement tu lui demandes sa main et elle rit et tu lui demandes encore et encore parce que tu aimes l'entendre rire, sans même te demander si tu es sérieuse ou non. Ça n'a pas d'importance, puisque tu es destinée à bientôt te faner.
Louise aussi l'est, mais tu l'ignores. Tu sens les hésitations dans sa voix, les fantômes qui errent entre ses mots, mais tu ne peux comprendre leur signification. Alors tu lui parles, encore et encore, tu l'interroges sur tout, tu prends de ses nouvelles, de celles de ses amis. Tu voudrais la protéger de tout ce qu'il y a de mauvais dans ce monde, tu voudrais la mettre sous un dôme de cristal comme le Petit Prince avec sa Rose, mais tu connais trop bien la sensation d’étouffer pour la lui imposer. Tu te contentes d'être là à la veiller du regard au loin, et de lui parler du futur comme elle aime tellement t'entendre le faire.
Ignorant que c'est une chose qu'aucune de vous n'aura jamais.

❝ ta rose ❞

Joan Parker

Joan c'est ta voisine de classe, ta partenaire de langue de troll et sans doute ce qu'il aurait pu arriver de pire au pauvre professeur qui vous l'enseigne. Joan est jolie avec ses cheveux mauve, jolie avec ses idées qui s'éparpillent et les fantaisies qui lui dansent derrière les yeux. Tu adores Joan et Joan t'adore en retour, et comme tu es une catastrophe et elle une folie, les enseignants vous redoutent et vous évitent. Ensemble vous pouvez palabrer pendant des heures sur la couleur de la plume d'un oiseau, sur l'influence de la lune sur les potions magiques et la musique moldue dont tu ne connais rien.
Sans doute que tu passerais du temps avec Joan en dehors des cours également s'il n'y avait pas Orion. Tu fuis ses regards et sa méchanceté idiote, alors tu quittes toujours Joan à la porte de la classe. Tu restes là, à regarder sa tête mauve s'élancer vers les bras de son petit-ami et tu te dis qu'elle est si douce et si gentille. Tu espères qu'il ne la fasse pas souffrir.

❝ troll ❞

Abby Reynald

Abby c'est le hasard qui te l'a amenée. Tu gribouillais un de tes petits messages, un de ceux qui tu as commencé à laisser un peu partout dans l'école après l'attentat. Des messages d'espoir, des messages d'amour. Tu pensais être la seule à ressentir ce creux dans la poitrine en lisant la peine dans le regard des gens, tu pensais que si tu ne prenais pas les choses en mains alors rien ne changerait jamais. Et tes actes t'ont amenés Abby.
Son amour de la vie, de ses amis, des sourires, s'est révélé aussi précieux pour toi que son énergie. Tu te croyais seule, voilà qu'en fait vous êtes deux. Vous êtes devenues des amies avant même de le réaliser, puis des justicières masquées répandant la joie et le bonheur par le pouvoir des mots. Tu passes des soirées entières à ses côtés, à réfléchir au meilleur slogan pour remonter le moral de quelqu'un de déprimé, à chercher comment inciter les gens à vous rejoindre, à imaginer des tenues de combat et des noms de code.
Votre nom, c'est d'ailleurs elle qui le trouve. Comme une évidence, comme si vous l'aviez toujours su. Et pour ça aussi tu ne pourras jamais la remercier assez.

❝ smiley ☺ ❞

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