Épisode #4

Je n’ai pas le temps.
Et c’était ce qui lui était venu à l’esprit de prime abordlorsqu’elle s’était rendue compte qu’on l’avait, au même titre que tous les autres, nominée pour le poste. Et qu’elle avait toutes ses chances d’être élue. Car c’était un travail ingrat avec assez peu de reconnaissance, la corvée que tous s’empresseraient de refiler à ceux qu’ils aimaient le moins. Ou tout du moins c’était bien ce qu’elle comptait faire, ou plutôt ce qu'elle aurait fait si elle n'avait pas ces ambitions plus nobles qu'était celle en outre de redorer le blason des préfets. Car tous savaient qu’être préfet était loin d’être une partie de plaisir, et que la fonction avait bien du mal à survivre aux groupes, peu importait qui se retrouverait au pouvoir, puisque ce dernier n’était qu’illusoire. Faire respecter l’ordre ne voulait plus dire grand-chose.

Etre membre active des MCDP était une chose, tourmenter des petits Poufsouffles au détour d’un couloir en était une autre, tout comme se trouver suffisamment libre pour aller assister aux cours des autres, tout comme passer ses soirées dans un bar ou un autre à se mettre la tête à l’envers pour oublier un instant que la Terre était peuplée de vulgaires sorciers et de grossiers sang de bourbe. Et lorsqu’on était déjà trop occupée à maudire cette triste réalité et à mésestimer l’existence de certains individus –Perceval pour ne citer personne- on ne pouvait pas réellement prétendre à se donner corps et âme dans autre chose. Et puis grand dieu, elle était maman, elle n’avait pas le temps. Quand bien même elle n’avait jamais changé une couche de sa vie, et qu’elle en usurpait surtout la fonction.  

Cela dit, elle devait bien reconnaître qu’être préfet avait de bon qu’on pouvait retirer des points aux maisons. Autant vous dire que si on avait le malheur de l’élire, certaines maisons ne remporteraient certainement pas la coupe. Ou que d’autres verraient leur horizon s’assombrir. Car il ne fallait cependant pas croire que Rosabel ne donnerait pas la chasse aux duellistes ou aux téméraires. Aucune fonction n’était trop cauchemardesque pour Rosabel. Tout n’était qu’opportunité et potentiel ; être préfet conférait un certain pouvoir que ces graines de sorciers avaient simplement oublié.  C’était qu’on ne leur avait pas présenté le profil le plus inquiétant, le plus charismatique. Elle les ferait plier sous le poids de sa vanité, de sa suffisance et de son effronterie. Car avec un peu de stratégie et de manipulation, sans oublier les intérêts qu’il y avait à régner par la peur, on élevait les grands leaders. Il faudrait certainement s’arranger pour augmenter son influence, se conférer plus de droits. Car en parvenant à augmenter son pouvoir, le champ des possibles devenait soudain plus large.

Rosabel prit alors conscience d’une vérité, ou bien d’une révélation.
Elle avait tout le temps pour  s’essayer à la tyrannie.

Comment donc remporter les suffrages ?

Naturellement si certains penseraient l’élire pour la contrarier, d’autres ne l’éliraient pas en toute connaissance de cause ; ils sauraient qu’elle incarnerait une autocratie. Cette dernière catégorie méritait toute son attention, et c’est donc à celle-ci qu’elle adresserait son message.

_ Votez pour moi ou il vous en cuira.

Quelques têtes à têtes, une campagne en toute discrétion, quelques menaces, un peu de chantage pour ceux qui faisaient l’objet de ses soupçons, et quelques sourires carnassiers plus tard et elle inscrivait quatre noms sur un bout de papier qu’elle jetait ensuite dans la coupe.