ÉPISODE #9 — Dragonrun ! [course]

Tu as bien fait de te tenir, car Perle d'Ivoire semble bien décidé à gagner cette course avec ou sans toi sur son dos. Tu entends le claquement assourdissant du cuir de ses ailes accélérer et brusquement vous voilà partis. Le vent tente de t'arracher à ton siège mais tu tiens bon et finis par réussir à te plaquer contre la créature, loin de ses doigts arachnéens. Tu es contente d'avoir des lunettes, sinon sans doute que tu pleurerais.

Le sourire sur ton visage s'agrandit mais l'air glacé te fait mal aux dents, alors que te contient. Ton cœur palpite dans ta poitrine, l'adrénaline court dans tes veines, une liesse sans pareille se répand dans chaque molécule de ton corps. Alors c'est ça, une dragonrun ? Si tu avais su, peut être que tu aurais pris SSAF finalement.

Le choc est si violent qu'il te coupe de tes propres pensées.

Tu ne sais pas comment décrire ce qu'il se passe, tu n'as jamais envisagé le fait de tomber ou de rouler dans les cieux, mais c'est bien ce qu'il se passe. Le dragon du participant serdaigle vient de bousculer le tien (tu le reconnais à la petite silhouette bleue) faisant rater plusieurs battements d'ailes à Perle d'Ivoire. Un instant, tu remercies Merlin que ce ne soit pas le dragon de Kieran qui vous soit rentré dedans – avec ses cornes, tu n'oses même pas imaginer le résultat. L'instant suivant, tu réalises que si les deux monstres décident de se battre, ni toi si le petit serdaigle ne pourraient rien faire pour les empêcher. Vous ne serez que des dommages collatéraux.

Une sueur froide coule soudain entre tes omoplates, mais ton rival s'est déjà éloigné hors de portée. Il ne compte pas récidiver son coup. Heureusement, parce que tu n'es pas sûre de pouvoir tenir une deuxième fois ; tes mains serrées à l'extrême te font mal, sans parler de tes poignets.

Tu te demandes si on se souviendra de toi si tu meurs pendant cette course. Oui, sans doute. Et quelle mort ! Ton cœur bat toujours aussi fort, comme s'il voulait s'échapper de ta poitrine. Quand tu lèves les yeux, le parc te paraît plus beau, le soleil plus brillant.

Tu n'es que passagère sur le dos de Perle d'Ivoire. Autant l'accepter et profiter du spectacle.

Tu reprends ta course effrénée, ou pas. Kieran a de nouveau des ennuis on dirait puisque ton dragon flaire quelques secondes avant la broutille. Voilà qu'il prends feu, comment est-ce possible ? Décidément ton vert gallois est un digne chevalier, tu te sens presque obligé de le secourir.

Ça craint, c'était un cauchemar, tu prie pour que le dragon ne virevolte pas. Stabilisée, tu en profite pour retirer ta cape de sorcier pour te retrouver en chemise d'uniforme. Volant côté à côté tu parvient à plaquer ton habit sur la jambe de Kieran.

-"C'est pas normal... tu pourras m'appeler maman, fais attention !"

Sans réel affection tu laisses de l'espace entre vous. Bien sur que tu étais inquiète, mais tu tachais de ne pas le montrer, c'était anodin.

La suite des événements se déroule étonnamment bien. Tu survoles le lac sans rencontrer de nouvelle perturbation et tu en profites pour t'émerveiller devant les milles reflets de ses eaux. Dire qu'un peuple tout entier vit sous ses ondes. Regardent-ils également la course, cachés sous la surface ? Ressentent-ils eux aussi cette admiration mêlée de terreur qui serre le cœur des hommes en voyant passer au-dessus d'eux les ombres des dragons ? Savent-ils que des enfants se trouvent sur leur dos ?

L'air te paraît presque plus doux alors que Perle d'Ivoire atteint le terrain de Quidditch et cette accalmie te semble étrange. Les dragonruns ne sont-elles pas réputées pour les risques incensés que prennent les participants ? Décriés pour leurs nombreux blessés ? Bien sûr tu as cru ta fin venue plus d'une fois, mais tu es malgré tout toujours entière. Est-ce normal ? Et est-ce normal que tu t'inquiètes de ne pas être blessée ?

Alors que ta monture effectue un demi-tour parfait sans aucun guidage de ta part, tu englobes du regard la scène devant toi.

Est-ce... du feu que tu vois briller sur Kieran ? Tu étouffes une exclamation alarmée, avant de voir le vert galois de la jeune fille de serpentard s'approcher de lui et les flammes disparaître. Ce geste de bonté entre deux maisons rivales te fait vibrer jusqu'au plus profond de ton être et tu ne peux empêcher l'émotion de te brûler les joues. Il faudra que tu ailles prendre des nouvelles de ton ami quand tout ceci sera fini. Il faudra que tu ailles remercier Bastia aussi.

Mais avant tout, il faut que tu gagnes cette course.

Et c'est à ce moment précis que, comme inspiré par son congénère, comme s'il avait entendu tes pensées, Perle d'Ivoire décide de se rebeller. Vient-il de se rendre compte de ta présence ? Est-ce pour cela qu'il darde soudain sur toi son regard de neige ? Tu n'as pas le temps d'avoir peur, tu n'as pas le temps d'anticiper ou de te préparer. Le monde se met brusquement à tourner autour de toi, t'enveloppe dans une danse sans haut ni bas, tandis que ton dragon jusque là si docile tord son cou gracile pour t'arroser d'un feu d'une beauté meurtrière.

Une fraction de seconde, tu es ébahie par les rubis scintillants que tu vois miroiter dans les flammes. L'instant d'après, tes bras levés protègent tout juste ton visage alors que l'enfer se déverse sur toi.

Tu hurles comme tu n'as jamais hurlé.