ÉPISODE #3

L'odeur de chien mouillé lui collait à la peau. Bartholomew avait eu cette bonne idée d'aller faire un tour sur les toits, sous sa forme animale, alors qu'une de ses habituelles crises d'insomnie l'avait empêché de fermer l'oeil. Et il s'était laissé surprendre par un orage. Un orage relativement bref, bien qu'assez violent. Il s'était bien dit qu'il faisait lourd. Que ce n'était pas forcément un temps à sortir. Mais non. Non, il avait fallu qu'il sorte malgré tout. On sentait malgré tout que le printemps était là, et que l'été approchait. Les premiers orages estivaux commençaient à cette saison. Du moins c'est ainsi qu'il avait perçu l'averse de cette nuit. Il était habitué aux chaleurs écrasantes des étés espagnols, mais il sentait bien que les températures commençaient à monter. Il attendait avec plus ou moins d'impatience que les températures soient suffisamment élevées pour avoir à abandonner les capes et vestons à l'intérieur du château. Même si le temps était meilleur, les températures n'étaient pas folles la nuit tombée. Il n'avait pas trop de problèmes lorsqu'il était protégé par sa fourrure, mais c'était une toute autre chose lorsqu'il reprennait sa forme humaine. Et cette nuit là, une hermine blanche avait finie trempée jusqu'aux os alors qu'elle arpentait les toits. Si certains avaient pu l'y voir, ils aurait pu observer le dos courbé de l'animal, ses longs poils tombants, ainsi que l'air de dépit dans ses pupilles dorées, ses moustaches lamentablement courbées face à ce déluge imprévu.

Il était alors rentré, laissant derrière lui un sillage humide, sans vraiment se soucier des traces de pattes qui pouvaient le précéder, reprenant finalement sa forme humaine. Il grelottait un peu, les cheveux trempés, l'air déconfit, errant dans les couloirs, obligé d'arpenter les dalles en granit pieds nus. Il avait fini par se décider à prendre le chemin de la grande salle, l'odeur tenace de poils humides lui collant à la peau. Il était pieds nus, mais peu importait. Il avait juste envie de se poser dans un coin avec une tasse de café bien chaude, et pourquoi pas une couverture. Il avait pointé sa baguette vers les étages, formulant un Accio du bout des lèvres, avançant tranquillement vers la grande Salle. Il était rare qu'il passe y prendre son petit déjeuner, mais il pouvait bien faire une exception. Il avait ralenti son pas déjà trainant, attendant que sa serviette lui arrive en plein visage. Il s'était rapidement séché les cheveux avant de relancer le même sort pour attirer sa couverture à lui.

Il avait alors fini par entrer dans la Salle, sa serviette autour du cou, et sa couverture sur les épaules. Il s'était rapidement installé à la table des Gryffons, avec cette dégaine assez incroyable. Il avait l'air d'une larve, ainsi enroulé dans sa couverture, toujours cette odeur accrochée à la peau. Mais peu importait. Il s'était écroulé sur un banc, tirant à lui une tasse de café, avant de lever la tête au bruit familier des hiboux qui s'engouffraient dans le bâtiment. Pour finalement voir tomber devant lui une lettre, lâchée par un hibou qui lui était totalement inconnu. Bizarre. Il allait bien voir de quoi il s'agissait.

Argus aimait particulièrement bien le dimanche. Il s'agissait en effet du seul jour de la semaine où cette année, la petite bande pouvait se réunir sans aucune contrainte. James avait enfin quelques heures pour respirer au milieu de ce double cursus de folie et Juniper ne s'entêtait donc pas à rester aux côtés de ce dernier à la bibliothèque où elle insistait pour lui tenir compagnie. Ils s'adonnaient donc à diverses activités, de longues discussions, des jeux bêtes ou des sports que Pepper inventaient en fonction des fantaisies qui la prenaient.
A présent assis dans la grande salle, il semblait être premier sur place ce qui ne l'étonna pas vraiment. Demeter était sans doute parti envoyer son courrier, James dormait à poing fermés et se lèverait tardivement tandis que Juniper s'attardait comme d'habitude en chemin pour discuter avec les tableaux accrochés aux murs. Donc comme chaque dimanche, il était la premier et entamerait le petit-déjeuner seul avant que le serpentard ne le rejoigne en premier, suivi de sa cousine. Et Binns n’apparaîtrait qu'en toute fin de repas et prendrait sans doute une pomme ou un fruit du genre comme il n'avait jamais très faim le matin et n'aimait pas du tout l'agitation qui régnait dans la Grande Salle.
Il prit place sur un banc où il y avait assez de place pour quatre et se servit des oeufs et du bacon qu'il se mit à manger avec un coup de fourchette lent, les yeux rivés vers le plafond magique, qui faisait tomber sur eux une pluie ininterrompues de petits flocons. Puis soudain, des hiboux firent irruption en grand nombre. Leurs hululements sonores s'agitèrent à la cacophonie ambiante et la distribution du courrier commença dans le plus grand des chaos. Un peu surpris que la livraison se fasse aussi tôt, Argus ne se fit néanmoins pas prier pour ouvrir la lettre qui tomba en plein milieu de son assiette avec un bruit sonore. Il se mit à lire le papier en tendant un bout de lard à la chouette qui venait de le livrer.